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A nos actes manqués

Doudou Copa a écopé d’un malus pour avoir plébiscité la langue Mbochi

« Doudou fai moin mal » (Doudou m’a blessé) chantait Jacob Devarieux en créole.

« À la vitesse où vont les choses, la République du Congo-Brazzaville deviendra la République des Mbochis. Force est de constater que c’est le cas. » (Patrice Aimé Miakassissa , in Congoliberty, 5 aout 21)

Sans préavis, alors qu’on ne l’attendait pas au tournant, Doudou Copa a articulé, tout de go, en Do dièse, que au Congo : « Le Mbochi est la langue du Pouvoir ».

Problème quand même : la langue du musicien a-t-elle fourché ou s’agit-il d’un acte manqué comme dirait Jean-Jacques Goldman ? Plus c’est refoulé dans l’inconscient, plus ça sort à la surface ( définition de l’acte manqué).

DIEU PARLE MBOCHI

Bienvenu Dominique Elenga Laka alias Doudou Copa a été l’invité d’une émission de divertissement. Mais Elenga n’a amusé personne. Pis. Doudou a fait mal. Figurez-vous qu’après avoir placé le mbochi au hit-parade des langues les plus puissantes du Congo, Doudou, membre de la société Mbochi lato sensu, après avoir hissé son vernaculaire au sommet de la Tour de Babel politique congolaise, et après le tollé général suscité par cette petite phraséologie, Doudou a dû sans doute réaliser que le peuple de Tsambitso était désormais intégré dans l’imaginaire national avec le même sentiment de rejet que les Talibans dans celui du peuple Afghan.

Le Pouvoir mbochi tel qu’il est exercé par Sassou est vécu dans les représentations comme une force brutale instaurée à l’insu du plein gré des autres peuples.

Souvenez-vous. Jean-Dominique Okemba (ô stupeur) roucoula en mbochi que le ciel n’était pas tombé quand il donna l’ordre de bombarder le Pool. JDO (ça ne s’invente pas) s’appelle MORANZAMBE, étymologie de fils de Dieu en idiome Mbochi.

Conclusion, le classement de Doudou Copa n’a pas eu le « pass sanitaire » de la doxa ethno-éthique. Mieux : il a fait l’effet d’un tremblement de terre dans le calme précaire où surfe la société congolaise. Le premier à sourciller à l’issue de cette classification a été son hôte, le journaliste. « La bêtise, on s’en vaccine, surtout quand on est homme public » a diplomatiquement corrigé « mezzo voce » l’animateur-télé. «  Comment oser une telle hyperbole statistique, de surcroit à la télé ?  » s’est interloqué le télé-speaker.
Réponse de Doudou : «  Mais ma thèse est corroborée par le fait que le Président Sassou est locuteur mbochi . »

Hum...Pas convaincant.

La langue de bois de l’artiste musicien, né à Owando-Fort-Rousset, a mis à nu un quotient intellectuel faible jamais décelé chez un artiste sur un plateau sauf chez Zao qui considère désormais Sassou comme le type-idéal du Pouvoir. Même si « Castigat ridendo mores  » ( Les mœurs se corrigent en riant ) le rire de Doudou sur le plateau ne passait pas du tout.

PARDON

Aux dernières nouvelles le chanteur aurait plaidé coupable et fait amende honorable. Trop facile. Mea Maxi Culpa et excuses sont-ils suffisants dans un pays qui n’a de cesse de gérer le pleurer-rire en 61 ans d’indépendance ? C’est mal connaître le cluser de l’intégrisme Lari. Car une inflation de réactions a tout de suite fusé après le séisme langagier de l’ami Doudou. Les Laris sont comme ça. Des écorchés vifs.

AMBIANCE PLATEAU

Sur le plateau, Doudou, à cours d’argumentaire, aura tenté une métaphore et une rime : « J’ai chanté en kitouba », notamment «  louzolo tima tia mpassi », sauf qu’il ne s’agit pas de munukutuba, contre-attaque l’animateur-télé, ça ne rime pas avec le kikongo ya l’Etat qui n’est somme toute que l’anagramme du kikongo du Pool stricto sensu. « C’est du lari » corrige le journaliste. Voilà une hypothèse de triste aveu de méconnaissance des langues du terroir par l’ex-musicien d’Extra-Musica. Doudou Copa de Mi Amor regarde l’animateur TV en souriant. Doudou a l’air étonné. Le journaliste, selon Doudou, n’a pas compris le syllogisme que les Mbochi sont au pouvoir depuis des lustres, Sassou étant Mbochi, donc la langue que parle Sassou, est la langue du pouvoir.

Syllogisme ou oxymore ? Allez savoir.

L’animateur Télé aura beau lui demander intelligemment d’arrêter de prêcher la suprématie, Doudou, persiste et signe que le Mbochi est la langue dominante au Congo parce que tout le haut commandement militaire est né à Oyo.

Ce qui plaît chez Doudou de Mi Amor, c’est l’innocence de ses propos. Doudou n’est pas un remarquable intellectuel. C’est là son moindre défaut. Ce n’est pas un Eménéya Kester, capable de raisonnement politique, d’analyse universitaire.

LES ARTISTES INTELLOS

Franklin Boukaka fut un artiste engagé du même tonneau que Bob Marley. Son sujet de prédilection : l’unité républicaine. Youss Band, anti-dictature, humilia Denis Chrystel au Palais des Congrès à Paris. Serge Gainsbourg intello fut comparé à Apollinaire. Bob Dylan reçut le Prix Nobel de littérature. Si jamais Doudou reçoit un Goncourt, ce sera celui de la violence faite aux femmes. Pour le curriculum Vitae, le doux Doudou a fait la taule en France pour avoir agressé sa femme. Doudou et Zao sont paradoxaux. Ca chante bien, rien dans le ciboulot.

Doudou dit tout haut ce que tous les Mbochi disent également haut en raison de leur longévité au pouvoir (de 1969 à 2021 avec une éclipse de 1991 à 1997. D’où la vision exponentielle de la langue embosi chez Doudou. A force d’occuper les hauts du pavé de la politique, un algorithme s’est mis en place, générant un plébiscite du mbochi « language ». « Oyo, oyé ! Oyé. » petite musique entendue depuis belle lurette (jusqu’à "fatigué"). Comment ne pas céder au chant des sirènes du suprématisme ?

PALAIS ROYAL

Au 19ème siècle, la langue française était celle des salons aristocratiques européens. Dans la cour du Tsar de Russie, la langue de Molière était la mise en abyme de la langue russe. Aujourd’hui, au 21ème siècle, cette mode n’est plus de mise. Le pouvoir est détenu par ceux qui parlent anglais. Demain il le sera par ceux qui parlent chinois.

Le pouvoir change de langue et la langue du pouvoir change. Au Congo, hier, le lari était la langue du Pouvoir. Sous Youlou, sous Massamba-Débat. Sous Lissouba le kouyou de Ngouabi et Yhombi foutu le camp, chassé par le kitouba du Niboland. Sous Milongo, le kongo de Boko n’eut pas le temps de s’affirmer. Le kitouba lui régla le compte après la Transition de 1992. Le Mbochi tordit le coup au kitouba après le coup d’état de 1997.

Alors Rapha Boundzéki est un têtu, un gaulois, qui persista à chanter en lari sous le pouvoir Nibo et/ou Mbochi.

RAPHA BOUNDZEKI APHARA

Doudou n’est pas Boundzéki ni Zao, ni Sam Samouraï, éternels académiciens de la langue lari quelle que soit l’ethnie au Pouvoir.

Pourquoi en vouloir à Doudou qui chante dans la langue des vainqueurs ? A chaque pouvoir sa langue, à chaque langue son pouvoir. Aujourd’hui le mbochi. On ne sait pas de quoi sera fait le lendemain.

A noter que toutes les langues sonnent bien musicalement.

T. Oko

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