LES BIENS MAL ACQUIS ET LA GUINEE EQUATORIALE
Le fils du président de Guinée équatoriale est sous le coup d'un mandat d'arrêt international
L'étau judiciaire se resserre autour de Teodorin Nguema Obiang. Une semaine après avoir lancé un mandat d'arrêt international contre le fils du président de Guinée équatoriale, les juges Roger Le Loire et René Grouman ont ordonné, jeudi 19 juillet, la saisie de son ex-résidence parisienne, un hôtel particulier situé au 42, avenue Foch (16e arrondissement).
Lors d'une perquisition dans cet immeuble ultra luxueux de six étages, en février, les magistrats chargés de l'affaire dite des biens mal acquis avaient fait emporter 200 m3 de mobilier, d'objets d'art et de vins fins, pour une valeur de plusieurs dizaines de millions d'euros.
Les juges s'assurent maintenant que le bien immobilier, estimé à près de 150 millions d'euros et produit supposé d'une infraction, ne peut être vendu. Une sourde bataille diplomatique s'est par ailleurs engagée entre la France et la Guinée équatoriale. Malabo revendique l'immunité pour la personne de Teodorin Obiang et pour l'immeuble de l'avenue Foch, mais jusque-là sans succès.
Soupçonné de blanchiment, d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance, M. Obiang junior ne s'est pas rendu à la convocation des juges, mercredi 11 juillet, en vue de sa mise en examen. En mars, il avait refusé une première fois de venir au pôle financier pour être interrogé. Entre-temps, en mai, à l'occasion d'une réforme constitutionnelle votée en Guinée équatoriale, Teodorin Obiang, ministre de l'agriculture, était devenu " deuxième vice-président " de son pays.
Ce statut lui conférerait l'immunité diplomatique, selon son avocat, Me Emmanuel Marsigny - raison, dit-il, pour laquelle son client ne s'est pas présenté devant MM. Le Loire et Grouman. L'usage voudrait en effet que, pour les plus hauts personnages d'un Etat, l'immunité s'applique. Mais il revient au juge français d'apprécier au cas par cas ce qu'il convient de faire s'il soupçonne une grave infraction.
Le ministère des affaires étrangères, en revanche, est très clair sur le statut de Teodorin Nguema Obiang concernant l'Unesco. " Nous ne le considérons pas comme un diplomate accrédité ", soulignait, vendredi 3 août, le porte-parole adjoint du Quai d'Orsay, interrogé par Le Monde.
Le 13 octobre 2011, quinze jours après la spectaculaire saisie de quatorze véhicules de grand luxe appartenant à " TNO ", son pays le nommait délégué permanent adjoint de la Guinée équatoriale auprès de l'Unesco. Ce statut, s'il avait été accepté par la France, lui aurait donné nombre de privilèges et immunités. Il n'en est rien, car la diplomatie française assure n'avoir été saisie d'aucune demande d'accréditation par l'Unesco.
L'immeuble de l'avenue Foch n'est pas davantage considéré comme un local diplomatique par la France. Le 25 avril, l'Etat équato-guinéen a envoyé une lettre à la Direction générale du protocole pour lui indiquer que cette adresse était affectée à un usage diplomatique depuis le 4 octobre 2011. " Après ce courrier, nous leur avons indiqué à plusieurs reprises que nous ne reconnaissions comme locaux diplomatiques que l'ambassade ", au 29, boulevard de Courcelles (17e arrondissement), explique-t-on au Quai d'Orsay.
Néanmoins, jouant la politique du fait accompli, la Guinée équatoriale a transféré certaines de ses activités diplomatiques avenue Foch. Ce qui ne change rien à l'affaire.
Béatrice Gurrey.
Libération 4 Août 2012
L'histoire
Le somptueux hôtel particulier parisien du fils du président équato-guinéen a été saisi le 19 juillet dans le cadre de l'enquête sur les «biens mal acquis». Soit quelques jours après l'émission d'un mandat d'arrêt international contre Teodorin Obiang. Le rejeton du président Teodoro Obiang Nguema avait refusé de se présenter à une convocation. Les juges français le soupçonnent d'avoir détourné des fonds publics de son pays. Dans ce somptueux bâtiment de six étages de plusieurs milliers de mètres carrés d'une valeur de 100 à 150 millions d'euros, situé sur l'avenue Foch (XVIe) et accueillant notamment une boîte de nuit, les juges avaient déjà saisi en février 200 m3 de biens de très grande valeur lors d'une perquisition qui avait duré dix jours et nécessité plusieurs camions. Ils étaient partis avec des tableaux de maître, une horloge estimée à 3 millions d'euros, du mobilier de prestige, de grands vins (Petrus, romanée-conti…).
En septembre, la justice avait déjà privé Teodorin Obiang de onze bolides (Ferrari, Bugatti…).