Mboté na béno nionso,
À Muleb’Kongo,
Tout d’abord, permets-moi de te faire savoir tout l’intérêt que j’ai eu à lire ton intervention, très intéressante sur ce sujet.
Muleb' Kongo a écrit :Ne perdons jamais de vue que le Munukutuba n'est qu'une sorte de trait d'union, une langue de marché qui s'appuie sur les langues préexistantes, sur le kikongo en général, avec de temps à autres quelques emprunts au téké (aux téké ?).
Il en va ainsi du mot NGUANKAZI ou NGUANKASI ou NGURIANKAZI qui n'est autre qu'un emprunt du téké NGUU (mère) et NKASI (frère).
NGUU se retrouve le plus souvent dans les langues kongo sous la forme NGURI, et NKASI sous les formes NKASI ou NKAZI. Tout le monde connaît le NGUAKU qui n'est dans le principe pas une insulte mais simplement l'expression de mama ya nge, (ta mère).
NGUU A NKASI semble à priori donner (la mère du frère), mais il s'agit d'une de ces inversions dont les secrets nous échappent quelque fois. Il s'agit bien du (frère de la mère).
Et l'emprunt NGUANKAZI ou NGUANKASI ou plus souvent NGURIANKAZI lui aussi se retrouve dans ces mêmes langues, ce qui explique sa présence en Munukutuba.
Je dirais donc que l'utilisation de NGUANKAZI ou NGURIANKAZI est parfaitement acceptable en Munukutuba.
Bien évidemment le Munukutuba est une forme diluée du Kikongo ancien, tel qu’il se parlait au Nord du Fleuve Kongo. Mais il est à signaler que même le Kikongo dont nous nous référons est le Kikongo que les explorateurs européens ont identifié comme le
Kikongo kia Manianga ( car il existait dans le Royaume Kongo, plusieurs Parler-Kongo. Selon qu’on soit dans le
Kongo dia Ngunga, le Kongo dia Ntotila, le Kongo dia Mulaza…On ne parlait pas le même Kikongo ).
Mais revenons à notre Munukutuba.
Tu proposes
Nguankazi ou
Nguriankazi pour désigner un oncle maternel.
J’ai trouvé ton argumentation très intéressante, même si j’aboutis à une conclusion quelque peu différente de la tienne.
J’opterais plutôt pour
Nguankasi ( D’ailleurs, on y songeant, je crois me souvenir d’avoir déjà entendu au Congo, un oncle se faire appeler ainsi ).
Nguankasi comme
Mwan’kasi ( neveu ). Nguankazi ou Nguriankazi me semblent plus relever du Lari…
Quant à l’explication, sans vouloir mettre en doute l’apport ou l’influence du Téké sur le Munukutuba, je pense que le mot Nguankasi peut totalement s’expliquer en Kikongo, et donc y tire son étymologie.
La Mère en Kikongo authentique se dit
Ngudi. Utiliser dans une forme contractée, pour traduire certains faits liés à une mère, elle donne souvent le son
Ngua… ( tu en as d’ailleurs donné un exemple très connu des congolais :
Nguaku. On pourrait ajouter
Nguandi
et autres )
Ngua traduit donc la mère. Et
Kasi, dont tu crois sortir essentiellement du Téké s’explique en Kikongo. Et c’est bien un parent, un frère ou une sœur. D’ailleurs une famille au Congo, connue de certains à Pointe-noire et originaire de Boko, porte ce nom : Kazi Biamenga.
Ngua et Kazi donnent donc : Mère et Parent ( ou frère, sœur ). D’où l’oncle maternel en Kikongo se dit bel et bien : la
Mère-Frère ou en inversant le
Frère ( ou Parent ) de la Mère.
Dans le même sens,
Mwan’Kasi ( neveu ) en Kikongo traduit en français
l’enfant de la sœur ( Parent ).
Muleb' Kongo a écrit :Un autre emprunt pour le même usage est celui du NOKO qui est descendu par le fleuve, mais connu de très longue date (le fleuve Congo favorisait les échanges nord-sud). Notre phrase devient :
Baana ya munu ke lutisa lumiingu yaayi na buala ya noko ya baawu.
Noko???
C’est bien du Lingala comme tu le fais remarquer.
Je ne crois guère l’avoir déjà entendu utiliser en Munukutuba. D’où ma très grande réserve quant à son emploi en Munukutuba.
Muleb' Kongo a écrit :Quant à l'aspect socioculturel qu'évoque Mwasi, il est bien réel. Il faut être sacrément physionomiste pour distinguer mes maama, bamaama ya leki et bamaama ya bakuluntu ! Elles se ressemblent toutes et nous les appelons toutes MAAMA ! C'est encore plus impressionnant avec les TAATA, à ceci près que vous saurez facilement distinguer les bataata ya kento des bataata tout court : pour la même appellation il y a des femmes et des hommes.
Merci et bravo Mwasi, nous avons de temps à autres besoin d'un tel recentrage culturel : nous sommes nous et j'apprécie tout ce qui me le rappelle.
En ce qui concerne notre culture, qui évidemment est véhiculée par nos langues, j’ai moi aussi trouvé très instructif la remarque faite par Mwasi. Toutefois, je pense que certains mots servant à désigner des membres spécifiques de la famille, ont bien existé avant la diffusion de la culture occidentale dans le Royaume Kongo.
Pour exemple, l’Oncle et le Neveu, éléments pivots dans nos traditions et de nos familles matrilinéaires, ont toujours eu une appellation spécifique servant à les désigner.
Trotski.