WHEN WE WERE KINGS : KINSHASA 74
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“When we were kings”
C’est le titre d’une cassette vidéo retraçant le combat de boxe (le meilleur de tous les temps), entre Muhammed ALI (alias Cassius CLAY) et Georges FOREMAN, à Kinshasa capitale de la République démocratique du Congo (ex-Zaïre).
Ce combat, qualifié à l’époque déjà de « combat du siècle », s’est déroulé le 30 septembre 1974, à 04h du matin, dans le mythique stade « du 20 Mai », où avaient lieu habituellement, les derby entre les non moins mythiques équipes de foot de Kinshasa, j’ai cité IMANA « Matiti mabé » et Vita CLUB du célèbre libéro zaïrois LOBILO.
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Moi je l’ai pas payée, elle m’a été offerte il y a deux ans par ma meilleure amie (disons une de mes meilleures amies, pour ne vexer personne).
Cette meilleure amie, une charmante métisse indo-française, est une ancienne collègue, que je sature de plaisir avec mes histoires de TALAS. Elle adore m’écouter quand je parle de TALAS, ses yeux noirs prennent alors l’éclat vitreux de cette roche volcanique appelée obsidienne, et elle se met parfois à regretter que son père ne lui a pas raconté de la même façon, son enfance dans les quartiers bandés de Bombay.
Ma meilleure amie, rien ne nous prédestinait au départ à devenir amis. Lorsque je l’ai rencontrée dans cette boite où je bossais avant, je ne devais être que son BACKUP. Ce terme « méprisant » donné à des collaborateurs sensés remplacer au pied levé, un titulaire au poste en cas d’indisponibilité brutale de celui-ci.
Heureusement que dotée de profondes valeurs humaines, ma jeune et très très compétente « titulaire », ne m’avait jamais considéré comme un simple BACKUP, pour elle j’étais avant tout un Homme et un collaborateur. Alors, non seulement elle m’a appris beaucoup, mais vraiment beaucoup dans le métier de l’informatique, malgré son jeune âge (c’est une surdouée), on a finit par devenir amis, des vrais amis. Les femmes telles que je les aime.
On se faisait beaucoup de cadeaux. Non pas des canapés en cuir, des Weston ou des parfums Nina Ricci, mais des petites choses : des cartes postales, des petits T-shirt à 10 balles, des invitations au resto, des CD, des sorties aux cinémas, des romans, etc….
Et un jour elle m’offrit pour la première fois une cassette vidéo. Qu’y avait-il dedans ?
Elle me dit, « tu ouvres seulement quand tu seras chez toi »
Je lui fis un gros bisou sur la joue en remerciement, comme d’habitude et je rentrais chez moi, pressé de découvrir le contenu de la cassette.
Arrivé chez moi, je prends quand même toutes les précautions avant de l’ouvrir et la visionner. Sait on jamais. En effet, il y a des parents qui ont eu à offrir des cassettes vidéos à leurs enfants de 7 ans, achetés au supermarché et sur lesquelles c’était bien écrit Peter Pan, et qui contenait autre chose à l’intérieur. « Bidia, bia ba tata » comme on dit chez nous.
Motif, erreur d’empaquetage. L’erreur est humaine, les cassettes sont fabriquées à la chaîne, et pour différentes commandes. Ainsi une cassette de ROCCO peut très bien se retrouver dans un étui de « Blanches neige et les 7 nains ». Depuis, je me méfie. Je visionne d’abord tout seul la cassette en intégralité avant de la donner ou la visionner avec qui que ce soit.
Aussi, j’ai dû attendre que les filles soient couchées pour visionner ma cassette. Quelle joie, quelle émotion. C’est quand j’ai commencé à hurler que ma chère et tendre s’est réveillée pour venir voir ce qui se passait. J’étais allongé dans le clic-clac, faisant battant des pieds et des mains, et répétant inlassablement : « Kinshasa 74, Kinshasa 74 », j’étais en larmes. Elle retourna se coucher, sensibilisée depuis sur le fait que « l’émotion est nègre » . Mais elle n’avait pas encore réellement compris ce qui se passait.
Je rembobinais la cassette, et j’appuyais de nouveau sur play. Depuis 2 ans, je répète ces gestes de façon quasi-hebdomadaire. Je ne me lasse pas de regarder cette cassette, et je la revis à chaque fois avec la même intensité.
Considérant que les enfants ne sont pas des cadeaux. J’ai toujours dit que ce combat de boxe Muhammed ALI/George FOREMAN à Kinshasa, est le plus beau cadeau que j’ai jamais reçu de ma vie. Et n’en déplaise à certains, c’est grâce à MOBUTU qui me l’offrit, aux portes de Brazzaville, juste sur la rive gauche du fleuve Congo. J’avais 11 ans. Je ne peux parler de moi, sans parler de ce combat. Il est gravé en moi. Il fait partie de moi. Il est rentré dans mon sang.
En m’offrant cette cassette, dont j’ignorais l’existence, cette meilleure amie m’a purement et simplement offert bombonne d’oxygène qui m’accompagnera durant toute ma vie. A chaque fois que je sens mes poumons se vider, je regarde la cassette, et je les regonfle à bloc.
Malgré son teint mât, ma meilleure amie devint rouge lorsque le lendemain au boulot, je tombais dans ses bras avec hargne et l’emportais dans une étreinte qui aurait pu être fatale : risque de licenciement pour motif d’« agression » dit notre boss, qui n’avait rien compris dans l’histoire. Il me pria de me contrôler la prochaine fois ; non pas par parcequ’il était jaloux renchérit t’il, mais parce que il aurait pu perdre à la fois sa titulaire et son BACKUP dans cette étreinte qui aurait pu être mortelle (risque d’étouffement).
Muhammed ALI / George FOREMAN, ça ne s’explique pas, il faut l’avoir vécu. La cassette retrace néanmoins suffisamment bien cet événement, et la joie, la fierté qui était la notre en tant que congolais, en tant qu’Africain, en tant que Noir. Pour la première de l’histoire, l’Afrique était le centre du monde. Pendant presque deux mois, tous les regards étaient fixés sur Kinshasa. L’organisation était impeccable. Le spectacle était grandiose, et pas un seul couac. Outre Muhammed ALI, et George Foreman, une grande partie du gotha de la Diaspora noire des Etats Unis avaient fait le déplacement sur la terre de leurs ancêtre. James BROWN était au Rendez-vous (il donna un concert d’anthologie), Spike LEE était là aussi. La grande Myriam MAKEBA fit également le déplacement de sa Guinée adoptive, persécutée qu’elle était dans son Afrique du Sud natale, par les tenants de l’apartheid.
C’était la grande fête des noirs. Tout ça managé de A à Z par des noirs, avec en tête le jeune (encore à l’époque) DON KING, peu connu encore au Etats Unis, sinon que par son passé de bad boy, ayant fait la prison.
MOBUTU le Président du Zaïre à l’époque, n’était pas en reste. Il délégua le DC 10 de la compagnie Air ZAÏRE aller chercher les boxeurs aux Etats Unis. DC 10 piloter par le citoyen ILUNGA, le premier noir aux commandes d’un DC 10. Muhammed ALI dit lui même (et ce témoignage figure dans la cassette) que c’est la première fois de sa vie qu’il se sentait véritablement libre. Quand il s’est retrouvé dans un avion où tout l’équipage était noir et composé de zaïrois. Lui a qui on faisait croire aux Etats Unis que le noir n’était qu’un bon à rien.
A ceux qui minimisent parfois l’événement de Kinshasa, ils doivent comprendre que cela a produit un vrai déclic dans la tête de nombreux noirs américains. Ça a été un véritablement ressourcement pour beaucoup. Et nombreux comprirent aussi qu’ils n’étaient pas seuls au monde. Qu’il y avait des millions d’Africains avec eux. Que nous formons une seule et même famille. L’aisance de DON KING, la joie de James BROWN, le naturel de Muhammed ALI. Etaient là pour en témoigner. Seul George FOREMAN devait se sentir un peu marginalisé, tout le peuple zaïrois et congolais ayant pris fait et cause pour Muhammed ALI.
ALI boma yé !
(ALI tue-ledescends-le !)
ALI avait conquis les cœurs, non seulement par sa beauté et son élégance, son style de boxe. Mais surtout par son coté sensible et militant. Toute l’Afrique se souvenait que Muhammed ALI avait refusé d’aller combattre au Vietnam, aux cotés de ceux qui le traitaient de « sale nègre » alors que, comme disait-il, aucun vietcong ne m’a jamais traité de « sale nègre ».
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Mis à part les commentaires anti-MOBUTU qui émaillent cette cassette, tout le reste est bon. Les commentaires anti-MOBUTU relèvent simplement de la mauvaise foi. On ne peut pas donner 20/20 à l’organisation de cet événement et en même temps donner 00/20 à MOBUTU.
Rendant à César ce qui est à César, MOBUTU fit le maître d’œuvre de cet événement, et DON KING le maître d’ouvrage. Et dire que MOBUTU l’a fait pour satisfaire sa mégalomanie n’est que pure élucubration. Des mégalomanes tels que MOBUTU en 74, je signe tout de suite.
On peut reprocher tout ce que l’on veut à MOBUTU, exhumer ses restes, les traîner dans la boue, cracher, pisser dessus. Mais sauf pour ce combat, qu’il finança à 10 MILLIONS DE DOLLARS. MOBUTU a été le seul au monde à poser cette somme sur la table, lorsque l’écervelé de DON KING, lança son appel d’offre. Les mauvaises langues disent que MOBUTU sorti cet argent de sa poche. Moi je dis, « Et alors ! », vues les retombées » pour son pays, son peuple, les africains, les noirs de à travers le monde. S’il avait continuer à faire ça tout le temps, et si tous les Présidents d’Afrique avaient fait ça. Nous n’en serons pas où nous sommes aujourd’hui. C’est-à-dire dans le caniveau, entrain de regarder les autres passer.
Le combat de Kinshasa avait été organisé avec zéro faute. La retransmission télévisée en directe dans tous les pays du monde s’était passé sans le moindre incident. L’accueil et l’hébergement des nombreux invités à Kinshasa ont été assurés sans faille dans des hôtels dignes de ce nom. Les salles d’entraînement des boxeurs n’avaient rien à envier à ceux de LOS ANGELES.
Les organisateurs de ce combat ont dû faire face à un imprévu de taille. George FOREMAN se blessa au dessous de l’œil droit lors d’une séance d’entraînement. La blessure était assez grave, après une légère hésitation sur le maintien ou le report du Combat, tout le monde revint à la raison. On ne pouvait laisser George FOREMAN combattre dans ces conditions. Il fallait que les deux boxeurs jouissent de la plénitude de leurs moyens physique pour ce combat. Car c’était quand même le titre de champion du monde des poids lourds (détenu par FOREMAN) qui était en jeu. Aussi, il fallait laisser se cicatriser la blessure de FOREMAN, et lui laisser en plus le temps de s’entraîner à nouveau avant d’affronter son challenger Muhammed ALI, pour lequel disons le, aucun spécialiste ne donnait la moindre chance devant le démolisseur George FOREMAN. Même blessé, les spécialistes disaient que FOREMAN n’allait faire qu’une bouchée de Muhammed. Le combat fut néanmoins repoussé de 6 semaines.
Les organisateurs Don KING en tête, et tout le peuple Zaïrois (politiciens, techniciens, journalistes, hôteliers, commerçants, spectateurs, etc…), durent se serrer les coudes pour faire face à cet imprévu, qui nécessitait de nombreux réaménagements. Certains détracteurs proposant déjà que le combat soit reprogrammé aux ETATS UNIS.
Mais nous, nous voulions notre combat à Kinshasa !. Si on nous l’avait demandé, tous les gamins de Brazzaville aurions traversé le fleuve à la nage pour aller à Kinshasa, balayer bénévolement les rues, cirer gratuitement les chaussures des invités, secouer les chasse-mouches, voire leur torcher gratuitement le derrière afin que le combat soit maintenu à Kinshasa.
Dieu merci, on a pas eu besoin de cela. MOBUTU obtint le maintien du combat à Kinshasa, qui se déroula en effet le 30 septembre 1974, à 04h du matin au stade du 20 mai. Tout le monde connaît la suite. Muhammed ALI, « le plus grand, le plus beau, le plus fort des boxeurs » comme il amait à le dire lui-même. Celui qui sur le ring « danse comme une abeille et pique comme une pie », comme il aimait le dire lui-même encore ; grâce au combat le plus intelligemment mené de sa carrière, envoya George FOREMAN au tapis au 8ème round. La clameur qui s’éleva dans tout le Zaïre et au Congo-Brazzaville, dépassa tous les grondements unis du volcan du Nyirangongo, depuis les temps géologiques.
Tout le monde se souvient de ce regard de Muhammed ALI, retenant son poing droit, et accompagnant de la voix la chute de George FOREMAN.
La boxe n’a jamais été sport aussi beau qu’avec Muhammed ALI.
ALI boma yé !
Blaise
in "Mwana TALAS"