L’"affaire" TARAGANDZO.
Le commerçant congolais TARAGANDZO fût accusé en 1977, de complicité dans l’assassinat du président Marien NGOUABI. Plus grave, il était accusé d’avoir remis une somme d’argent au Caporal-Chef ONTSOU pour assassiner le Président Marien NGOUABI.
Le Sergent-Chef ONTSOU étant l’un des membres de la garde Présidentielle de NGOUABI et qui, selon la version officielle est celui qui avait abattu le Président Marien NGOUABI en lui tirant dans le dos.
Le Sergent-Chef ONTSOU (ce grand oublié de l’histoire du Congo, comme je le dis souvent) avait été rapidement jugé en cour martiale, condamné à mort puis exécuté.
TARAGANDZO sera arrêté plus tard, emprisonné, torturé, il comparaîtra au procès dit de Marien NGOUABI où il sera condamné à mort, avant d’être acquitté pour « manque de preuves », 11 autres personnes n’ayant pas eu cette chance, seront exécutées, dont : NDOUNDI-GANGA et SAMBA-DIA-NKOUMBI des pères des collègues au collège NGANGA Edouard, alors que j'étais en classe de 3ème.
A cette époque, TARAGANDZO avait également sa fille en classe de 3ème à NGANGA Edouard, dans une classe voisine de la mienne. Classe que je partageais avec un des fils de Barthélemy KIKADIDI et de HOMBESSA alors que leurs papas étaient en fuite, recherchés, le premier (Barthélemy KIKADIDI) pour être (selon la version officielle) le chef du Commando suicide parti pour tuer NGOUABI. Le second (HOMBESSA) était accusé de complicité.
Barthélemy KIKADIDI sera « rattrapé » plus d’une année après à Brazzaville et immédiatement abattu. HOMBESSA échappa à la mort en ayant pu rejoindre la France.
J'ai déjà souvent parlé ici du cas Barthelémy KIKADIDI, mais cette fois ci j'aimerais me concentrer sur ce que j'appelle moi l’"affaire TARAGANDZO" car comme vous le verrez, elle est rocambolesque.
Le commerçant TARANGADZO fût arrêté au motif qu’on avait trouvé chez le Caporal-Chef ONTSOU, une somme de 50 000 CFA qu’il aurait reçu du commerçant TARAGANDZO.
Je rappelle que le Caporal-Chef ONTSOU, est celui qui, selon la version officielle, a abattu le Président Marien NGOUABI en lui tirant des balles dans le dos.
Le fait de trouver un reçu de mandat de 50 000 CFA que TARAGANDZO avait envoyé à ONTSOU, fit de TARAGANDZO le commanditaire de l’assassinat de Marien NGOUABI.
« Le ridicule ne tue pas » dit un adage. Heureusement, sinon parmi les accusateurs de TARAGANDZO, personne ne serait encore en vie aujourd’hui. En effet 50 000 CFA représentait déjà à l’époque, moins que le salaire d’un Caporal-Chef de l’armée, et seulement le double de la bourse mensuelle d’un étudiant.
Donc TARAGANDZO, aurait commandité la mort de Marien NGOUABI (Président de la république) en donnant à ONTSOU moins que l’équivalent d’un mois de son salaire pour tuer NGOUABI. Ce qui fît dire à TARAGANDZO, lors du procès, je cite « il ne valait donc pas grand chose NGOUABI » .
Lors du procès dit des « assassins du président Marien NGOUABI », TARAGANDZO et EWOLO Oscar sont ceux qui se montrèrent les plus courageux. Ceux qui partaient à la mort la tête haute car beaucoup et même l’opinion nationale savait que beaucoup ne sortirait pas vivant de ce procès. Il y avait au moins une quarantaine d’accusés, avec des charges plus ou moins importantes. Le procès était radio-télédiffusé en direct. Et même les badauds pouvaient aller jusque dans la salle d’audience. Tous les accusés comparaissaient non libres. Le soir tous, retournaient en prison où ils étaient incarcérés certains depuis 1 an. J’avais 14 ans et demi au moment de ce procès. Et je le regardais à la Télé, chez des voisins à TALAS. Donc je voyais des papa de collègues de classe être jugés avec la forte probabilité que certains seront condamnés à mort et exécutés. Je pensais à ces collègues de classe et de collège évidemment.
TARAGANDZO et EWOLO (les deux plus courageux), n’avaient pas leurs langues dans la poche. D’ailleurs TARAGANDZO éclata de rire à haute voix, lorsque le « procureur » Jacques OKOKO, requis la PEINE DE MORT contre lui. Et pourtant ce n’était pas du cinéma. La demande de la peine de mort j’entends. Mais pour le reste du procès oui. Et c’est sûrement de ce cinéma grotesque qui allait néanmoins aboutir à sa peine de mort que ricanait TARAGANDZO.
En fait, et je l’ai su pendant ce procès qu’avant de devenir commerçant (somme toute moyen), TARAGANGZO avait eu un passé glorieux au Congo. Il fût le chef de la gendarmerie nationale avec grade de capitaine. La Gendarmerie Nationale était une sorte d’héritage de la colonisation française. Il y avait l’armée, la Police nationale et la gendarmerie (comme en France).
Pour des raisons qui lui sont propres, NGOUABI devenu Président de la République, décida de dissoudre la gendarmerie, et d’intégrer les gendarmes dans la police ou dans l’armée. De ce que j’avais compris avec mon jeune âge, il semblerait que TARAGANDZO (un autre rare radical congolais) s’était opposé à cette dissolution de la gendarmerie. Et lorsque la décision fût prise quand même, fou de rage TARAGANDZO alla voir NGOUABI, jeta ses galons aux pieds de NGOUABI, et lui dit « Plus jamais je ne servirais la Révolution congolaise ».
Liant la parole à l’acte. TARAGANDZO se retira dans son village natal dans les Plateaux batékés et se mit à faire son petit commerce. Je ne sais pas si l’histoire avec NGOUABI s’est réellement passé comme ça. Mais la phrase il semble qu’il l’avait belle et bien prononcée, car cette phrase se retrouva à un moment donné au centre de son accusation.
Quand TARANGADZO demandait aux juges, pour quel motif il aurait donné 50 000 CFA à ONTSOU pour tuer NGOUABI ?
Les juges lui répondaient, je cite : «monsieur TARAGANDZO, on se rappelle qu’un jour vous aviez dit que vous ferez du mal à la Révolution Congolaise »
Et à TARAGANDZO de corriger, je cite : « Messieurs les juges. Je n’ai jamais dit que je ferais du mal à la Révolution Congolaise, Mais j’avais dit que je ne servirais plus jamais la révolution congolaise. C’est bien deux choses différentes »
- les juges répondaient : « non, c’est presque pareil ».
Et voilà le pauvre TARAGANDZO entrain de bouillir, bouillir, bouillir.
Lors du procès, TARAGANDZO raconta également les conditions de son arrestation. Il était dans son village natal (DJAMBALA ?), lorsqu’il entendît un communiqué à la radio (comme cela se fait chez nous), lui annonçant de rejoindre le plus rapidement possible Brazzaville par avion, car sa fille est très gravement malade. Ses jours sont comptés.
Le brave papa TARANGADZO saute dans le premier avion en direction de Brazzaville. Arrivé à l’aéroport de Brazzaville. Il est arrêté par des militaires, direction la prison, où il sera enfermé et torturé jusqu’à la mascarade de procès.
Motif (je rappelle) : on aurait trouvé au domicile du Caporal-chef ONTSOU un reçu de mandant de 50 000 CFA envoyé par Monsieur TARANGADZO. Or Le Caporal-chef ONTSOU est ce membre de la garde présidentielle qui aurait abattu NGOUABI en lui tirant dans le dos. Donc c’est TARANGADZO qui a payé le Caporal-chef ONTSOU pour tuer NGOUABI. Pourquoi TARAGANDZO l’aurait-il fait ? Réponse : « il avait juré un jour qu’il ferait du mal à la Révolution congolaise ».
Voilà donc comment on peut perdre sa vie au Congo. TARANGADZO fût fort heureusement acquitté. Mais je rappelle, 11 autres pendant ce procès n’ont pas eu cette chance. Ils furent exécutés. Dont NDOUNDI-NGANGA et SAMBA DIA NKUMBI, les papas de deux de mes collègues du CEG NGANGA Edouard (dans les classes de 3ème voisines).
Le jour de sa sortie de prison, TARANGADZO offrit une collation à son domicile du plateau des 15 ans pour remercier sa famille, et ses amis pour leur soutien. J’avais pas reçu l’invitation, mais j’y étais allé quand même pour faire le « nguembo ». Tout le long du procès, j’avais été séduit par TARAGANDZO et aussi par EWOLO Oscar, les deux braves qui allient à la mort la tête haute, bien que victime d’un grotesque complot.
EWOLO Oscar, lui était Lieutenant de l’armée lors du procès et Chef de la sécurité présidentielle au moment de l’assassinat du Président Marien NGOUABI. Il a été emprisonné, torturé et appelé à comparaître lors du procès dit des assassins de Marien NGOUABI, il était accusé de complicité et d’avoir failli à son devoir de protéger la vie du Président Marien NGOUABI. Il sera finalement condamné à une « légère peine » (5 ans de prison ?).
Mon admiration (à 14 ans et demi) pour le courage de TARANGADZO et EWOLO me fit composé des chansons à leur gloire et qui furent chantées dans les Ebukas (groupe d’animations des Yankees).
La volonté d’impliquer TARANGADZO dans l’assassinat du président Marien NGOUABI, cachait sûrement quelque chose de plus important (politiquement parlant). TARANGADZO et le Caporal-chef ONTSOU avait quelque chose en commun. Ils étaient tous les deux de l’ethnie batékés. Nombreux sont les batékés qu’on a voulu impliquer dans cette affaire de l’assassinat du président Marien NGOUABI. Pour quelles raisons ? je l’ignore certainement.
Mais se retrouvèrent également emprisonnés et jugés en même temps que TARAGANDZO des batékés tels que : GANDZION et ABAGANDZION, tous les deux anciens ministres, je crois à l’époque de MASSAMBA-DEBAT et qui s’étaient définitivement retirés de la politique à l’arrivée de NGOUABI au pouvoir avec son communisme. GANDZION s’étant même transformé en éleveur de bœufs en Centrafrique (où il s’était exilé). C’est d’après, NGOUABI qui, lors d’une visite officielle dans ce pays le convainc de rentrer au pays pour y pratiquer son nouveau job d’éleveur de bœufs. selon les propos de GANDZION lui même lors du procès, c’est NGOUABI qui lui dit, je cite : « Doyen, rentre au pays ».
Sur cet appel, il quitta la Centrafrique pour rentrer au Congo, y poursuivre ses activités d’éleveurs ( ?). A la mort de NGOUABI, malgré son âge un peu avancé, il est arrêté, emprisonné, torturé et traîné au procès dit des assassins de Marien NGOUABI et sans raison.
Il devrait vraiment regretté d’avoir quitté la Centrafrique pour rentrer dans ce putain pays qu’est le Congo.
GANDZION et ABAGANDZION furent condamnés à de « faibles » peines.
Pour l’ « anecdote » (si j’ose me permettre), devant l’acharnement de Jacques OKOKO (« procureur de la République »), à trouver un motif d’accusation à ABAGANDZION, ce dernier, dans un ultime désespoir eut cette phrase : « Monsieur les juges mon nom ABAGANDZION, ne signifie nullement que GANDZION est à ABBATTRE ».
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