Le « mongouélé » contre le « fabriqué » : combat de manioc !
Pour les jeunes qui ne le sauraient pas, le « mongouélé » et le « fabriqué » se sont livrés une lutte sans merci dans les années 70 et qui s’est soldé par le triomphe total du Moungouélé dans les années 80 et la disparition presque complète du fabriqué. N’y voyez aucun signe politique, ni la symbole actuel du paysage politique congolais avec les kongo/laris par terre et les mbochis triomphants. Mais je voulais rendre hommage au Mounguele que l’on peut considérer comme la seule vraie réussi mbochi à l’échelon national.
Oui Chers amis, Brazzaville était divisé en deux, entre d’une part les adeptes et d’autres part les adeptes du fabriqué. Le Mongouélé était catégorisé comme le manioc des nordistes incarnés par les mbochi qui en étaient les fabricants et le fabriqué comme le manioc des sudistes incarnés par leurs fabricants lari.
A coté du « Mongouélé » et du « fabriqué » co-existaient aussi à Brazzaville le Ngudi Yaka (très prisé des Kongo et des bembés), puis le foufou sublimé par les batékés. Le très réputé et inconcurrençable foufou de Djambala. Le combat Mongouélé/fabriqué reléguait cependant très loin ces deux autres formes de consommation des tubercules de manioc.
Petit frères, petites sœurs, écoutez-moi bien. Dans les années 70, le Mongouélé n’était pas vendu à BACONGO qui était la chasse gardée du fabriqué. Même un fou, n’aurait jamais pris le risque de se promener avec un Mongouélé dans BACONGO. Il était mort. Pardon, à l’époque, on tuait pas. Il aurait été chassé, hué, on aurait craché sur lui. Il aurait pris des coups de pieds aux fesses. A l’inverse le « fabriqué », était vendu partout dans Brazzaville. Même à TALAS qui a de tout le temps eu la connotation de « quartier de nordistes ». ça montre aussi d’une part le coté tolérant des autres quartiers de Brazzaville et donc le coté intolérant de BACONGO.
La présence du fabriqué (manioc « sudiste ») à TALAS dit quartier « Nordiste », alors que le Mongouélé(manioc « nordiste ») était interdit à BACONGO quartier dit de « sudistes », se justifie en réalité par la nature multi-ethnique de TALAS déjà à l’époque, qui contrastait avec la nature presque mono-ethnique de BACONGO (je dis bien la nature).
En effet TALAS a longtemps souffert et souffre encore de cette étiquette de quartier de « Nordistes ». Dans le sens « originaire du Nord du Congo ». En réalité à TALAS, il y’avait énormément et il y a, énormément de Kongo, tékés, laris et de bembés. Mais il est vrai que par sa position géographique sûrement (la porte de la route du Nord à Brazzaville), TALAS a subi une forte influence « nordiste », voire même mbochi. On y parlait le lingala estampillé à l’époque langue véhiculaire des « gens du nord » du Congo, tandis qu’à BACONGO on y parlait le Kongo/lari au détriment même du Kituba estampillé langue véhiculaire des « gens du Sud » du Congo.
L’influence du Nord Congo sur TALAS a été également culturel. Je l’avais déjà expliqué avec notamment le phénomène des EBOUKA. Groupes musicaux d’inspiration folklorique crée par des jeunes de TALAS, et qui s’appuyait à l’origine sur le folklore mbochi bien que les phrases étaient rarement mbochi, mais plutôt lari ou lingala. Tout le monde se souvient de la chanson « Téla muana » (« dis-le à l’enfant ») qui fût probablement le plus gros tube d’EBOUKA suivi de la chanson « lé Kiéré » (« le cœur »). Pour ceux qui ne le sauraient pas, EBOUKA désignaient donc ces groupes musicaux des jeunes, inspirés des rythmes et danses folkloriques et qui animaient des veillées. C’est une création exclusivement Yankee, et qui remit au goût du jour le folklore congolais auprès des jeunes et grâce à cet immense succès inattendu, réconcilia les yankees avec le reste de la population congolaise. Gr^ce aux Ebouka, les yankees avaient retrouvés un visage humain, ils avaient redoré leur image auprès de la population Brazzavilloise, qui découvrait par ailleurs le yankee dans toute sa dimension : gentil, loyal, décoincé, solidaire, discipliné, respectueux. Ce qui n’enlevait pas le reste que tout le monde connaissait déjà (et malheureusement ne s’arrêtait qu’à cela) : fumeur de chanvre, voleur, violeur, bagarreur.
Pour ceux qui ne le sauraient toujours pas. Le tout premier groupe d’EBOUKA qui vit le jour à TALAS s’appelait EZITO (du nom de son Yankee créateur), puis naquit BANA MODJA d’une scission avec EZITO. D’où la chanson « mokolo nga nakufa bobenga EZITO, botika kobenga BANA MODJA ba pesa soni na ba veillee, na ba EBUKA ».
(traduction : Pour mes funérailles, je vous prie de faire appel au groupe EZITO et non pas à au groupe BANA MODJA, qui n’honore pas EBUKA dans les veillées qu’il anime »
Finalement EZITO et BANA MODJA refusionneront pour donner naissance à KANGONIA qui fit définitivement rentrer EBUKA dans la culture congolaise. Désormais ce sont les familles qui venaient chercher les yankees d’EBUKA en les payant afin qu’ils viennent animer leurs veillées mortuaires. Fini le temps où l’on chassait les Yankees des veillées lorsqu’on les voyait s’avancer avec leur Moboyar (le Djembé des yankees). A la veillée, tout le monde tolérait désormais la consommation cannabissienne des yankees. Plus personne n’avaient plus peur que les Yankees lui fassent « les poches » à 04h du matin lorsqu’il serait profondément endormi.
Restait néanmoins le problème du café à boire durant la veillée. Les yankees proposaient gracieusement leur service pour la préparation du café. Mais les familles s’y refusaient toujours. Ayant compris que les yankees adoraient verser des graines de cannabis dans la casserole où l’on faisait cuir le café à la turc. Pas étonnant que tout le monde était gai à la veillée quand c’est les yankee qui faisaient le café.
Qui as dit qu’il n’a jamais consommé du cannabis ?
Revenons à notre duel Mongouélé contre fabriqué.
Dans le milieu Yankees, le Mongouélé était autant consommé que le fabriqué car il y avait presque autant de yankee mbochi, que de yankee lari, téké, bembés, etc…. raison pour laquelle chez les Yankees, on ne connaissait pas le tribalisme. On reconnaissait à chacun son appartenance ethnique et respectait ses pratiques coutumières. Mais on était tous UN. Le groupe. Cette notion de BANDE chez les yankees, que j’ai déjà eu à développé dans le passé. J’avais dit, la première chose qui caractérisait le yankee, n’est pas la consommation du cannabis comme l’aurait cru tous les congolais, mais plutôt la notion de l’appartenance à une BANDE. Et cette appartenance se gagnait. Il y a de gros consommateur de cannabis à TALAS qui n’ont jamais été reconnu en tant que Yankee car n’appartenant à aucun Groupe Yankee.
Le multiculturalisme dans la Société Yankee, ne peut se comprendre qu’au regard de la société américaine dont elle s’inspirait. Ainsi, dans un même groupe yankee, les yankees mbochis mangeaient le Moungouélé, les Yankees laris mangeaient le « Fabriqué ». Mais c’est vrai que quand on avait pas le choix, on mangeait le premier qui se présentait (Monguélé ou « fabriqué »). Alors que dans ces années 70, un lari de BACONGO préférerait mourir de faim plutôt que de manger le Monguélé.
La conquête du territoire Brazzavillois, puis congolais, puis international du Monguélé s’est faite de façon très progressive à partir de ces années 70. Personne ne lui aurait prédit l’insolente réussite mondiale qu’elle a aujourd’hui. Terrassant même malgré lui et malgré tout le respect qu’il lui devait et lui doit, la mère des mères des manioc : le fameux Ngoudi yaka, qui pour survivre aujourd’hui est vendu nu, les jambes et les bras écartés. Chacun venant prendre ce qu’il veut pour quelques pièces. Ha ! ya ka dia mama !!!!!!!!!!!!! nsoni, nsoni, nsoni.
Outre TALAS, le Mongouélé était déjà parfaitement implanté à POTO-POTO aussi, où l’on trouve une forte communauté mbochi. La présence du Mongouélé à OUENZE était aussi très remarquée ; OUENZE étant situé sur le chemin entre TALAS et POTO-POTO. Dans le quartier populaire de MOUNGALI le Mongouélé était rare comme à BACONGO et ne parlant pas de Makélékélé. Dans ces quartiers régnaient plutôt le fabriqué.
Le Mongouélé a fait sa timide apparition à BACONGO que vers les années 80. Ce sont des femmes mbochis qui quittaient TALAS ou POTO-POTO pour aller les vendre au marché de BACONGO ou plus précisément devant le marché de BACONGO parfois au niveau des abris bus. Le fabriqué aussi se vendait de la même façon. Mais à l’époque la vénérée Ngudi Yaka ne se vendait que dans un marché, et parfaitement habillé s’il vous plait de cette robe en feuilles. Personne ne devait voir en public la nudité du Ngudi yaka qu’on ne découvrait que dans l’intimité de la table.
Si mes souvenirs sont bons, la montée en puissance du Mongouélé s’est fait d’abord sur une question de prix. Le Mongouélé coûtait moins cher que le fabriqué. Il était plus petit aussi (sa taille actuelle). Il coûtait à l’époque 50 CFA (un peu moins de 1 euros) contre 125 CFA pour le « fabriqué » (environ 2 euros). Sa taille était en effet le double du Mongouélé.
En période de crise économique, il était donc plus facile d’acheter le Mongouélé plutôt que le « fabriqué ». Je crois que c’est cela qui a joué en faveur du Monguélé. Je corrige donc ma phrase dite plus haut. Si j’ai dit que le Kongo/lari préférerait mourir de faim plutôt que de manger le Monguélé, ça c’était au début et au milieu des années 70. vers la fin des années 70 le Congo a connu de graves crises économiques et des pénuries alimentaires pour des produits de base tel que le manioc. Et dans pareil cas, comme dit le blanc, « ventre affamé n’a point d’oreilles ». Et le Kongo/lari l’avaient compris. Notamment pendant la politique du VDA (Vivre Durement Aujourd’hui), « pour vivre mieux demain », de notre très cher ex Président Jacques-Joachim YHOMBY OPANGO, alias « Muana Bondo ».
« Demain » c’est quand mon Général ?
Pardon, qui a chanté : « lébara YHOMBY » ?
Respect Mon Général !
Laissons ces choses là pour ceux qui font de la politique. Parlons pour nous de la bataille fratricide entre le Monguélé et le « fabriqué ». La crise a été donc à mon avis, le moyen qui a permis au Monguélé de faire une percée spectaculaire dans le milieu sudiste jusqu’à BACONGO grâce à son prix moins élevé que celui du fabriqué.
(la suite et fin, page suivante)
Blaise