Pourquoi un tel cri du fond du cœur si près de la fin de l'année ???Cette façon de penser les politiques publiques de lutte contre le chômage et de les relier à la création d’entreprise n’est pas nouvelle. En effet, dès le premier choc pétrolier, dans les années 1970, Raymond Barre, alors Premier ministre, avance l’idée que, pour ceux qui viennent de perdre leur emploi, la création d’entreprise peut être une manière de retrouver un emploi salarié.
Bandéko !
Le mérite de l’auto-entrepreneuriat est sans doute d’avoir allégé les lourdeurs administratives qui enracinaient dans la tête des candidats à la création d’entreprises l’idée que le fait de se mettre à son compte était quelque chose à la fois de compliqué et d’onéreux, en raison notamment de la pression des charges fiscales et sociales. La réforme a parfois été accueillie avec enthousiasme. Ainsi, Patrick Fauconnier, dans un article récent du Nouvel Observateur, citant Maria Nowak, écrit : « Ce statut libère l’initiative. On peut ouvrir sa boîte directement sur Internet et on ne paiera pas de charges tant que l’on n’aura pas facturé. Rarement ministre fut aussi applaudi qu’Hervé Novelli : créer de la croissance et du bonheur, ce n’est pas évident, pour un homme politique » (Fauconnier, 2010, p. 48).
À l’opposé de ce point de vue, il ressort de notre travail que notre société, au travers des politiques de lutte contre le chômage et de son dispositif phare d’auto-entrepreneuriat destiné à réinsérer certains demandeurs d’emploi en les incitant à créer leur entreprise, génère une forme d’entrepreneuriat contraint – la création par nécessité – qui conduit à des situations de détresse pour ces individus, des situations qui risquent fort de contribuer à exclure encore davantage les plus fragilisés d’entre eux.
Ce type de création est aux antipodes de ce qu’est un authentique comportement entrepreneurial. Quel rapport présente-t-il avec l’identification, l’évaluation, l’exploitation d’opportunités de création de nouveaux produits ou de nouveaux services (Shane et Venkataraman, 2000) ? Quel lien a-t-il avec l’innovation schumpétérienne ? De quelles proximités fait-il preuve avec la création de valeur, au sens de Bruyat (1993), et avec le processus de création d’une nouvelle organisation (Gartner, 1995) ? Comme nous l’avons montré, les auto-entrepreneurs ont une liberté de manœuvre limitée et sont très souvent freinés dans leurs prises d’initiatives. Par ailleurs, les conditions dans lesquelles ils créent leur entreprise les placent d’emblée dans un contexte défavorable qui ne pourra qu’obérer fortement la survie de leur auto-entreprise. Cependant, ces conséquences de l’auto-entrepreneuriat ne se retrouvent pas dans le discours public, et elles ne sont pas non plus évoquées par des structures d’accompagnement soumises à la loi des grands nombres. Même si, pour certains consultants spécialisés, le statut d’auto-entrepreneur n’apparaît pas comme une bonne mesure pour relancer la création d’entreprises et développer l’esprit d’entreprendre des créateurs par nécessité (Fayolle et Nakara, 2010), il semblerait bien que ce type d’entrepreneurs ne suscite l’intérêt des décideurs économiques et politiques qu’en raison de la situation qui était la leur préalablement à l’acte de création, à savoir la situation de demandeurs d’emploi, bien souvent de longue durée.
Les politiques publiques en matière de création d’entreprise reposent, en France, sur des croyances et sur des illusions qu’il est difficile de faire évoluer tant la méconnaissance de l’entrepreneuriat et de ses déterminants nous semble importante chez les élites dirigeantes (Albert, 2009)
L’entrepreneuriat d’opportunité relève de facteurs « pull », tels que l’autonomie, l’indépendance, la liberté, l’argent, le défi, le statut social ou encore la reconnaissance (Carter et al., 2003 ; Kolvereid, 1996 ; Wilson et al., 2004). L’entrepreneuriat de nécessité est lié, quant à lui, à des facteurs « push », comme le chômage, le licenciement ou la menace de perdre son emploi (Thurik et al., 2008)
Sales Pushistes !!!https://www.cairn.info/revue-gerer-et-c ... age-52.htm