Mort civile (Page 10:727)
Mort civile, (Jurisprud.) est l'etat de celui qui est privé de tous les effets civils, c'est - à - dire de tous les droits de citoyen, comme de faire des contrats qui produisent des effets civils, d'ester en jugement, de succéder, de disposer par testament: la jouissance de ces différens droits compose ce que l'on appelle la vie civile; de maniere que celui qui en est privé est reputé mort selon les lois, quant à la vie civile; & cet état opposé à la vie civile, est ce que l'on appelle mort civile.
Chez les Romains la mort civile provenoit de trois causes différentes; ou de la servitude, ou de la condamnation à quelque peine qui faisoit perdre les droits de cité, ou de la fuite en pays étranger.
Elle étoit conséquemment encourue par tous ceux qui souffroient l'un des deux changemens d'état appellés en Droit maxima & minor, seu media capits diminutio.
Le mot caput étoit pris en cette occasion pour la personne, ou plûtôt pour son état civil pour les droits de cité; & diminatio signifioit le changement, l'altération qui survenoit dans son état.
Le plus considérable de ces changemens, celui que l'on appelloit maxima capitis diminutio; étoit lorsque - quelqu'un perdoit tout à - la - tois les droits de cité & la liberte, ce qui arrivoit en différentes manieres. 1°. Par la condamnation au dernier supplice; car dans l'intervale de la condamnation à l'exécution, le condamné étoit more civilement. 2°. Lorsque pour punition de quelque crime on étoit déclaré esclave de peine, servus pana: on appelloit ainsi ceux qui étoient damnati ad bestias, c'est - à - dire condamnés à combatre contre les bêtes. Il en étoit de même de tous ceux qui étoient condamnés à servir de spectacle au peuple. Le czar Pierre l. condamnoit des gens à être fous, en leur disant je te fais fou. Ils étoient obligés de porter une marote, des grelots & autres signes, & d'amuser la cour. Il condamnoit quelquefois à cette peine, les plus grands seigneurs; ce que l'on pourroit regarder commé un retranchement de la société civile. Ceux qui étoient condamnés in metallum, c'est - à - dire à tirer les métaux des mines; ou in opus metalli, c'est - à - dire à travailler aux métaux tirés des mines. La condàmnation à travailler aux salines, à la chaux, au soufre, emportoit aussi la privation des droits de cité, lorsqu'elle étoit prononcée à perpétuité. Les affranchis qui s'étoient montrés ingrats envers leurs patrons, étoient aussi déclarés esclaves de peine. 3° Les hommes libres qui avoient eu la lâ heté de le vendre eux - mêmes, pour toucher le prix de leur liber<pb-> [p. 728] té, en la perdant étoient aussi déchus des droits de cité.
La novelle XXII. chap. viij. abrogea la servitude de peine; mais en laissant la liberté à ceux qui subissoient les condamnations dont on vient de parler, elle ne leur rendit pas la vie civile.
L'autre changement d'état qui étoit moindre, appellé minor, seu media capitis diminutio, étoit lorsque quelqu'un perdoit seulement les droits de cité, sans perdre en même tems sa liberté; c'est ce qui arrivoit à ceux qui étoient interdits de l'eau & du feu, interdicti aquâ & igne. On regardoit comme retranchés de la société ceux qu'il étoit défendu d'assister de l'usage de deux choses si nécessaires à la vie naturelle. Ils se trouvoient par - là obligés de sortir des terres de la domination des Romains. Auguste abolit cette peine à laquelle on substitua celle appellée deportatio in insulam. C'étoit la peine du bannissement perpétuel hors du continent de l'Italie, ce qui emportoit mort civile, à la différence du simple exil, appellé relegatio, lequel soit qu'il fùt à tems, ou seulement perpétuel, ne privoit point des droits de cité.
Il y avoit donc deux sortes de mort civile chez les Romains; l'une qui emportoit tout à la fois la perte de la liberté & des droits de cité; l'autre qui emportoit la perte des droits de cité feulement. Du reste, la mort civile opéroit toûjours les mêmes effets quant à la privation des droits de cité. Celui qui étoit mort civilement, soit qu'il restât libre ou non, n'avoit plus ses enfans sous sa puissance: il ne pouvoit plus affranchir ses esclaves: il ne pouvoit ne succéder, ni recevoir un legs, ni laisser sa succession, soit ab intestat, ou par testament: tous ses biens étoient confisqués: en un mot, il perdoit tous les privileges du Droit civil, & conservoit seulement ceux qui sont du Droit des gens.
En France, il n'y a aucun esclave de peine, ni autres ; les serfs & mortaillables, quoique sujets à certains devoirs personnels & réels envers leur seigneur, conservent cependant en général la liberté & les droits de cité.
Il y a néanmoins dans les colonies françoises des esclaves, lesquels ne jouissent point de la liberté, ni des droits de cité; mais lorsqu'ils viennent en France, ils deviennent libres, à moins que leurs maîtres ne fassent leur déclaration à l'amirauté, que leur intention est de les remmener aux iles. Voyez Esclaves. http://www.france-pittoresque.com/spip.php?article14472