par niaou » Sam 22 Mars, 08 5:08
«Quand le bâtiment va… tout va»
Doit-on, au Sénégal, s’en réjouir surtout quand les chiffres de la Direction de la prévision et de la statistique (Dps) montrent que le secteur du Btp est en pleine expansion (chiffre d’affaires réalisé en 2004 au Sénégal par les entreprises, en ce qui concerne le ciment, estimé à 100,7 milliards de francs Cfa).
Pour arriver à de pareils résultats, il aura fallu… «déforester», déclasser et démolir le Patrimoine culturel classé, dénaturer le littoral, vampiriser l’espace public, chasser les dieux et déesses de leur terroir (terres et mers),…
Au cœur de tout cela, la question foncière se pose à nous tous et particulièrement au niveau de la capitale. Tous ces projets urbains concentrés au même endroit, alors que parallèlement, on entend parler de ville nouvelle, de zone économique spéciale intégrée…
Dakar, presqu’île, doit, comme toutes les grandes capitales du monde, se mouler dans ce XXIe siècle, mais pas à n’importe quel prix ; elle doit se donner les moyens de rentrer dans le nouveau siècle en sauvegardant son patrimoine, ce qui ne veut absolument pas dire qu’il faille tout garder !
«La préservation demande des sacrifices, la perte signifie un sacrifice.» Alors pourquoi cette boulimie du foncier ?
Sur la Corniche à Fann Claudel ; un «deal obscur» aurait été fait entre l’Institution ayant sous sa responsabilité la Direction des Parcs nationaux et l’hôtel, du genre : «Je te cède une partie de mon terrain, tu me construis mon centre… !» Au finish l’hôtel se déploie sur l’ensemble du site ! Et on a retrouvé une «espèce de construction» ailleurs en guise de centre, plus exactement juste en face de Fann-Hock sur le littoral. Construction fort heureusement arrêtée depuis peu de temps.
L’Université privée Ahmadou Hampathé Bâ mitoyenne au lycée si vétuste Blaise Diagne, et sur le terrain de ce dernier. Cela se traduit par trop d’élèves concentrés dans les mêmes locaux de ce lycée décanti, chargé d’histoire, dont la construction remonte à plus d’une quarantaine d’années ! Qu’on nous dise, si vente il y a eu, pourquoi ne semble-t-elle pas profiter au lycée, à sa réhabilitation ?
J’ai lu avec attention l’article du quotidien Le Soleil du 16 janvier 2008 relatif à la nouvelle école «moderne» des Manguiers. Cette école s’écroule depuis bien longtemps, comme oubliée par tous !
Pas de sanitaires dignes de ce nom, effectif pléthorique, hélas à l’image de toutes ou presque toutes les écoles publiques de Dakar. Pas de terrain de sport, sans compter les tables-bancs très souvent pris en charge par les parents d’élèves, cantines aux activités incompatibles à l’école, adossées au mur de clôture dépourvu de porte d’accès digne de ce nom. On aura même vu, il y a quelques années, des chevaux parqués tous les soirs sur le trottoir, du genre hara de ville !
Si l’on doit reconnaître que cette école ne doit plus demeurer dans cet état de délabrement, et qu’il faut la réhabiliter, la moderniser, que les réserves foncières en ville s’amenuisent et qu’il faut réfléchir à une mise en valeur des réserves restantes… il est difficile de comprendre que c’est en installant sur plus de la moitié de cette superficie un quelconque siège… Francophonie, Hca ou tout autre projet, que les problèmes de l’école les Manguiers seront résolus ! Cela ne me semble qu’un vil prétexte.
D’ailleurs, ce fameux siège de la Francophonie ou Institut de langues et de civilisation française à Dakar semble être un «prétexte volant» que l’on promène de site en site. D’abord prévu sur la Corniche en face de «Yaye boy» et pour lequel un concours aurait été lancé et gagné (!), mais projet vite déguerpi par l’immeuble du «club de la presse», puis ce siège s’est promené du côté du cimetière catholique situé sur la Vd ! D’ailleurs, il s’y promène toujours à en croire la presse de ces jours-ci. Et aujourd’hui, on le retrouve à l’école les Manguiers ; bizarre non ? Quel bailleur, quel promoteur peut se laisser «balader» ainsi ?
Souhaitons que la résistance autour du projet, les Manguiers se ravive et «booste» ce projet, s’ils ne veulent pas se retrouver dans le même cas que d’autres à qui on avait promis mots, «maux» et merveilles. Mieux, ces résistances doivent exiger une école nouvelle sans condition, en tout cas, pas celles-là énoncées -une pierre trois coups !
Cette nouvelle boulimie du foncier semble inquiétante et l’on se surprend à regarder différemment d’autres grands projets et leurs réelles motivations : la construction du nouvel hôpital Dalal Jamm soi-disant prévu pour remplacer Le Dantec ! que de lenteurs dans ce projet et surtout Le Dantec doit être remplacé par deux ou trois hôpitaux, l’aéroport de Ndiass, dont les travaux ne cessent de démarrer depuis 3 ans… pour bénéficier d’une énorme réserve à Yoff, le lycée Van Vo, etc.
J’ai lu, tout dernièrement, un portrait de Berlin, titré «Le visage d’une métropole ou l’ancienne nouvelle capitale» : Berlin - c’est ce qu’on y ressent – a fait preuve d’honnêteté. On a compris que le passé ne saurait être refoulé… c’est une ville moderne respirant l’Histoire…
«Une patrie riche serait celle où le capital base des revenus passés, présents et futurs, s’élargit» ; il nous faut réagir pour sauver «l’authenticité de la ville».
Annie JOUGA - Citoyenne