par niaou » Ven 09 Mai, 08 1:09
Vente de ciment, spéculations, trafic d’influence, commissions :Kinshasa est au bord de l’implosion !
La vente de ciment dans des dépôts témoins instaurés par le ministre Philippe Futa ne résoud pas le problème de la pénurie.
Un remède qui crée beaucoup plus de problèmes qu’il n’en résous n’en est pas un. C’est le cas de fameux dépôts de ciment surnommés « Futa ». Conçue au départ comme une réponse idoine à la spéculation, la formule gouvernementale d’encadrement de vente de ciments semble tourner déjà au vinaigre. Tant nombre des Congolais d’en bas ont tout le mal du monde à se procurer ne serait ce qu’un sac.
Echanges de coups de poings, menaces, insultes, bousculades en permanence ... voilà qui résume le spectacle auquel la population de N’Djili assiste sur la route menant vers Cecomaf, plus précisément au quartier 8 entre les avenues Maluku et Mongafula. Généralement, la foule amassée sur la route ne s’en tire qu’avec une journée sous une chaleur ardente sans acheter le moindre sac de ciment, le privilège étant réservé à une certaine catégorie de compatriotes.
Un tour dans les différents dépôts de ciments encadrés par le ministère de l’Economie et commerce extérieur suffit pour se faire une religion. Accéder au sac de ciment relève d’un parcours de combattant. Que d’intermédiaires ? Et donc que de bakchichs à verser à chaque étape qui conduit au dépôt de ciments. Fixé officiellement à 13,5 USD soit environ 7.560 FC, le ciment revient en réalité, pour celui qui veut l’avoir sans passer toute une journée et sans bousculades; à 20 USD, voire 25 USD.
Une mafia organisée
Au fond, tous les témoignages se recoupent sur un fait. Une mafia s’organise autour de l’opération vente des ciments dans des dépôts contrôlés par le ministère de l’Economie et commerce extérieur. Comme on pouvait le craindre, le trafic d’influence bat son plein dans ces dépôts témoins. Alors qu’officiellement chaque acheteur n’a droit à un maximum de 5 sacs, le petit peuple assiste impuissant et médusé à l’embarquement de 50 à 100 sacs de ciment ! Des personnalités haut placées, certains hauts gradés et certains proches des membres du cabinet de l’Economie font de véritables razzias dans les points de vente.
Et pourtant, des milliers de personnes quittent leurs domiciles aux premières heures de la matinée pour espérer obtenir ne fût-ce qu’un sac de ciment. L’énorme sacrifice consenti se solde par un échec d’autant que des agents de l’ordre commis à la Fikin pour assurer la tranquillité de l’opération de vente des ciments ne tiennent pas compte des longs fils exigés pour l’organisation. C’est plutôt les clients sous escorte ou recommandés qui sont les premiers servis au grand dam de la population pourtant épuisée de suite de la chaleur suffocante que connaît ces jours la ville de Kihshasa.
Autant dire que les 13,5 USD, prix d’un sac fixé par le ministère de l’Economie et commerce extérieur, ne suffit pas pour la majorité des clients pour s’approvisionner. Voilà qui
pousse certaines personnes désireuses d’avoir le ciment à trouver d’autres astuces pour contourner l’obstacle érigé par certains agents dudit ministère. C’est ici que la population recoure tantôt à la corruption des agents de l’ordre ou carrément acheter le produit à un prix très élevé auprès des « plus forts » (ceux qui ont réussi à avoir quelques sacs de ciment avec le concours de certaines personnalités).
Une nouvelle race des distributeurs
Ce n’est pas tout. Une nouvelle race de distributeurs est en train de voir le jour. Moyennant recommandation, ou une forte somme d’argent, on peut devenir distributeur, apprend-t-on dans les différents points de vente retenus par le ministère de l’Economie et commerce extérieur.
Autre signe de trafic d’influence, dans une ville cosmopolite comme Kinshasa, c’est une de nos langues nationales autre que le lingala qui est en vogue chez les nouveaux distributeurs. D’autres langues avancent même que les quantités de ciment achetés prennent la direction de certaines provinces où le sac se négocie à 40 USD.
Désemparés, les pauvres acheteurs ne savent pas à quel saint se vouer. Beaucoup en viennent à regretter le statu quo! Car, disent-ils, avec les vendeurs traditionnels, si le ciment tombait à compte-gouttes, son prix était raisonnable. Ce qui n’est plus le cas avec les dépôts dits « Futa ».
Saisis par les « petits » acheteurs qui se recrutent dans le Congo d’en bas, les députés de Kinshasa entendent descendre dans les différents points de vente. Car, on ne peut comprendre que la population, qui devait tirer son compte dans l’opération gouvernementale, se retrouve le dindon de la farce. Les dépôts dits « Futa » semblent profiter à une nouvelle oligarchie plutôt qu’au peuple. Tout se passe comme Si les impairs qu’on reprocherait au cabinet de l’Economie sortant se reproduisent avec la confusion qui règne dans les points de vente de ciment.
Implication de l’état
C’est ici le lieu de relever que l’interventionnisme de l’Etat dans l’économie, pour souhaitable qu’elle soit, a quand même des limites. Surtout pour un secteur où l’offre s’avère inférieure à la demande très souvent, l’implication de l’Etat donne lieu à un autre type de spéculation du fait de la tendance bien de chez nous des représentants des pouvoirs publics à favoriser leurs proches.
Face à ce qui s’apparente à une dérive, les acheteurs anonymes comptent sur les élus de la capitale pour rectifier le tir.