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Fotso Victor, hommage à un géant

Fotso Victor, de son nom de notable Fô NIAPGOUNG Victor, le « dernier des Bamiléké  » est mort le 20 mars 2020. Né le 26 juin 1926, il avait 94 ans. L’illustre personnage, surnommé également « bâtisseur infatigable » est né à une époque « où la vie de boy était la norme pour tout indigène illettré  ». C’est donc un self-made-man que sa communauté ethnique et tout le Cameroun ont porté dans le tombeau.

Les sources de ses ressources

Le capitalisme, au sens noble du terme, a toujours été une éthique des sociétés de l’Ouest de ce pays multiculturel, baignant dans un esprit protestant, celui-là même dont les philosophes allemands ont dit qu’il était propice aux affaires. Justement le Cameroun, jadis sous domination allemande, est sûrement l’un des rares pays africains où les théoriciens du capital comme Karl Marx, Max Weber, ont vu leurs hypothèses appliquées avec succès. Fotso Victor est effectivement ce modèle d’africain illustré par Ferdinand Oyono dans son roman « La vie d’un boy » . Un modèle social auquel il faut ajouter que, à force de travail et de persévérance, ces boys de l’époque coloniale ont pu évoluer et sortir de leur misérable conditions humaines pour devenir, petit à petit, des petits entrepreneurs et, pour ensuite, se hisser à la tête de grands cartels au même titre que Les Rockfeller ou les Onassis qui ont réalisé outre-Atlantique le rêve américain.

Fotso Victor, autodidacte, a exposé sa philosophie dans un livre à succès intitulé « Le chemin de Hiala ».

La trajectoire de Fotso Victor est, en définitive, une réponse intelligente à la problématique de la misère dans nos pays, victimes des stratégie européennes visant à nous maintenir la tête sous l’eau depuis que l’Occident nous a donnés l’indépendance dans les années 1960.

Quand Confucius dit que tout grand voyage commence par un petit pas, il pensait sans doute à des modèles comme Fotso Victor que rien de prédisposait à brasser des milliards, et qui sont devenus milliardaire en travaillant à la sueur de leur front. A qui peut-on comparer ce fils du Cameroun sinon à Crésus, symbole universel de l’homme riche. On ne sait pas si le rêve africain existe, en tout cas Victor Fotso l’a réalisé. Certes l’Afrique ne compte pas une foule de milliardaires comme La Chine. Mais une foule d’Africains de la CEMAC pouvait compter sur des capitaines d’industries comme lui.

Inutile de dire que Fotso Victor fut un grand humanitaire qui a fait grand bien à l’Afrique et auquel des fondations philanthropiques doivent leur existence. Impossible de ne pas dire et redire qu’un morceau du tissu industriel au Cameroun doit son existence à ce Bamiléké de Bandjoum (CBC BANK, UNALOR, PILCAM, SAFCA…)

Sa fille, l’avocate Christelle Nadia Fotso témoigne que la mort de Jacques Chirac le plongea dans une profonde méditation. « Les honneurs faits à Chirac, les aurai-je aussi ?  » s’inquiétait-il car il sentait, lui aussi, la mort venir. C’est l’occasion de dire ici que Fotso Victor fut un grand acteur politique dans le parti du gouvernement de Paul Biya le RDPC. Il s’investit d’abord sur le plan local après avoir succédé à « Sa Majesté Ngnié Kamga à la mairie de Pèté Banjoun au terme des élections municipales du 21janvier 1996 où il a exercé jusqu’à son dernier jour  » (In Le Bled parle.com 21 mars 2020)

Hommage de l’artiste Prince Kestamg

De vibrants hommages ont été rendus à l’illustre disparu. Parmi eux, celui de l’artiste Prince Kestamg, auteur de la célèbre chanson « Dance dance beautiful people club  ». L’artiste a magnifié Fotso Fô NIAPGOUNG dans un excellent titre, « Fonyap Goun », chanté en bandjounais, en anglais, français, bamiléké, lingala. Le titre de Prince est visible sur YouTube en tapant « Prince kestamg the king officiel  ». Prince Kestamg, lui-même, prince de la chefferie de Banjoum, a sublimé le concept de son cru, le « This is the Lally Show  », générateur de sa propre marque PK. qui de toute façon, s’inscrit dans ce que le meneur d’homme, Victor Fotso Fô NIAPGOUN, a fondé comme théorie de la réussite. Le concept a été présenté en avant-première à Cannes en 2018 au Festival International du Film Panafricain.

Les obsèques de ce fils d’Afrique ont eu lieu le 20 juin 2020 à Bandjoun, son village natal au Cameroun, en pleine période du Covid, ce qui a diminué l’ampleur de l’évènement. Sa famille, par la voix de sa fille Christelle Nadia Fotso, a promis réparer l’erreur en prévoyant des messes en France et en Belgique. Que l’illustre disparu se rassure, il aura des obsèques grandioses comme Jacques Chirac. Peut-être plus, comme savent le faire les sociétés de l’Ouest Cameroun et de l’Afrique en général.

Rose Tenkeu

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