email
Philosophie du mensonge

Le camarade Justin Lékoundzou Itihi Ossetoumba peut désormais parler : il est mort

Justin Lekoundzou est décédé jeudi 25 novembre 2021, chez lui à Brazzaville. C’est une mort qui va faire parler d’un crime sur lequel les protagonistes ont décidé de ne jamais parler. « Laissons les morts parler des morts » dirait Jésus qui savait démystifier le cœur de L’Homme.

Le camarade Lékoundzou est longtemps resté en exil et on l’a donné pour mort à plusieurs reprises, au point que cette fois-ci, qui a été la bonne, le doute a traversé les esprits quand la nouvelle est tombée. Le cadavre bouge encore ?

Justin Lékoundzou Itihi Ossetoumba a effectivement rendu l’âme en laissant derrière lui une foule de questions notamment sur ce qui se passa un 18 mars 1977 à L’Etat-Major de l’armée congolaise où fut officiellement tué son camarade de lutte, Marien Ngouabi. Il a laissé la postérité sans réponse sur le fratricide de L’hôtel le Mistral, scène officieuse du crime. « Toute bonne réponse est une question que personne ne pose » disait Gaston Bachelard.

Ces dernières années, le membre d’honneur du bureau politique du PCT est resté en très mauvais terme avec Denis Sassou l’un des membre de la présomption de culpabilité du trépas du Président Marien Ngouabi. « Gardez-moi de mes ennemis, mes amis je m’en charge » aurait dû dire Voltaire (en inversant la proposition).

C’est pour ça que l’actuel Président du Congo s’est rendu au chevet de Justin Lékoundzou, ami de trente ans, peu avant sa mort. Les observateurs ont supposé que cette rencontre Ant-mortem entre les deux anciens ennemis a consacré leur réconciliation, comme en 1977 le pacte de l’omerta consacra l’homicide de Marien Ngouabi (né à Ombélé). Peu avant de s’éteindre, les deux amis se sont accordés le pardon mutuel des fautes. Mais le pardon est un monopole divin, et non une prérogative humaine. « Le pardon n’est effectif qu’adjoint à la vérité.  »

« C’est nous qui avons tué Ngouabi » : l’aveu de la vérité qu’appellent les Congolais de tous leurs vœux.

Certains ajoutent une prophétie qu’aurait faite, la rancœur dans le cœur, Lekoundzou, prophétie selon laquelle Sassou mourrait peu de temps après que lui, Justin Lekoundzou, aurait quitté cette terre des hommes. « De l’enfer, je reviendrai » promit frère Lekoundzou.

Plus de 24 heures se sont déjà écoulées depuis la disparition de l’illustre membre d’honneur du PCT. Tout le monde regarde désormais du côté de Sassou (entre autres donné pour moribond par la rumeur publique longtemps avant le voyage de Lékoundzou dans l’au-delà) pour voir si le pronostic de son Alter Ego va se vérifier.

PHILOSOPHIE DU SECRET

Mais que donc les acteurs présumés de la mort de Marien Ngouabi nous cachent-ils et qu’ils vont emporter dans la tombe ? La question, très vieille, a fait l’objet de plusieurs débats chez les Congolais depuis que le procès de 1979 avait démontré, sans convaincre, que le fondateur du PCT, Marien Ngouabi, avait été exécuté par les Bakongo du clan Massamba-Débat.

« Marien Ngouabi a Kongo a bomi, Célina otéma o soundi » se lamentaient les pleureuses Kouyou dans la rue des Bomitaba à Poto-Poto 2.

En vérité, à ce jour, plus personne ne croit en la thèse d’un commando dirigé par le capitaine Barthélémy Kikadidi, venu abattre le camarade Marien à l’Etat-Major où ce dernier est mort « l’arme à la main ».

Certains secrets sont des éléments que l’on cache à soi-même sauf à la conscience des autres. On cache alors ce qu’on livre au silence. Les conjurés du 18 mars ont signé un pacte appelé à ne rien respecter. Ils ont tenu le coup durant des années après qu’ils ont tous lâché prise. Les apparences du secret n’ont de force que parce que chaque acteur est doté de faiblesse. N’est pas parrain qui ne veut pas. Dans la Camorra, le secret, (l’omerta) est le système le plus fiable de la trahison et du lâcher-prise. C’est en cela que faire de son cœur la tombe où cacher le secret est aussi pénible qu’escalader le vide.

Adieu Ossetouba. Les cimetières sont remplis de personnes irremplaçables disait Alphonse Allais. Nous disons : les morts s’appuient sur le silence comme haut-parleur où se camoufle la vérité.

Du silence, la vérité éclatera.

THIERRY OKO

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.