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Le Pouvoir sur scène

Montpellier : retour sur le 28ème Sommet Afrique France

Montpellier : ville romaine, ses aqueducs, son maire Michaël Delafosse, son tram bleu, ses centres Polygones et Antigone, ses salles de conférence (L’Arena) , sa proximité avec la Méditerranée, point de naufrages de ceux qui viennent chercher un monde meilleur en Europe.

SOMMETS

« Quand on veut enterrer un problème, on crée une commission » disait le politologue Jean-William Lapierre. Ca marche aussi pour les sommets. Ne remontons pas au Referendum de 1958 sous De Gaulle ni à La Baule sous François Mitterrand (après bien d’autres rencontres). A Montpellier comme ailleurs, la montagne a accouché d’une souris.

Les deux sommets Afrique France de Montpellier ( 8 octobre 2021) (l’officiel et le contre-sommet) ont parlé d’un serpent de mer, les rapports Nord-Sud, chaque fois évoqués depuis la fin de la colonisation, chaque fois mis sur la table en promettant faire table-rase du passé colonial, mais jamais réglés.

COMMENT CHOISIT-ON CELUI QUI CHOISIT ?

Il est toujours intéressant de savoir comment on choisit celui qui choisit puisque, semble-t-il la mission élyséenne de confier à l’historien camerounais Achille Mbembé de sélectionner les acteurs africains qui devaient participer au Sommet de Montpellier (7 au 9 octobre) repose sur une incongruité : l’intellectuel camerounais a toujours passé pour un virulent pourfendeur de la Françafrique.

Il se peut que de puissants et séduisants moyens de persuasion ont été mis en œuvre pour « retourner » ce grand « intellectuel sans attaches » ennemi juré de la coopération française en Afrique et de Paul Biya. Alain Mabanckou, l’alter-ego d’Achille Mbembé, opposa pour sa part une fin de non-recevoir à François Hollande quand ce denier lui demanda les mêmes services au sujet de la francophonie.

INTELLECTUEL ORGANIQUE

Les critiques on fusé de toute part à l’endroit d’Achille Mbembé lui « l’intellectuel organique », « sans attaches », « au dessus de la mêlée. » (pour reprendre Antonio Gramsci). Le voilà soupçonné de compromission.

Bref : aucun Congolais de Brazzaville n’a figuré parmi les onze Africains sélectionnés pour échanger avec Macron. On aurait bien vu le jeune Andréas Ngombet comme porte-parole de la jeunesse d’un pays sous la coupe réglée de Denis Sassou Nguesso, pièce-maîtresse du réseau françafricain.

Du coup, les morceaux choisis à Montpellier, considérés comme des « pépites » africaines, ont suscité l’ironie de SURVIE en ces termes :« sont-ce des cailloux, ceux qui n’ont pas été désignés pour Montpellier ? »

L’AIDE AU DEVELOPPEMENT

La capitale de l’Hérault a été un lieu de critique de la langue de bois de la politique diplomatique. La jeunesse n’y est pas allée de main morte : aide au développement, partenariat, franc cfa, accords militaires, partenariat, politique migratoire etc. autant de notions qui ont été traité, comme qui dirait, avec une « méthodologie de l’irrespect. » (Erik Neveu)

« Arrête de m’aider, ça ne m’aide pas ! » est le cri qui résume l’intelligentsia africaine convaincue que les plans à destination des anciennes colonies ont vécu.

L’entrepreneuse Burkinabé Eldaa Ragimwendé Koama citant feu le Président Thomas Sankara et l’historien Joseph Ki-Zerbo n’a fait qu’une bouchée de la notion d’aide.
« Monsieur le Président, votre plat cuisiné dans une marmite sale, vous le mangerez seul » a dit Eldaa dans un langage métaphorique de cette Afrique profonde de Senghor, Camara Laye, Tchicaya U Tam’Si.

Alfred Sauvy, l’éminent démographe, était catégorique : l’aide au développement n’a jamais aidé personne, les fonds dédiés aux pays pauvres d’Afrique sont concomitamment récupérés par de honteux dictateurs d’une part et ristournés d’autre part chez les donateurs pour des usages électorales.

Les Latins disaient que là où on est bien, là est sa patrie. On ne peut pas dire que les Africains se sentent bien dans la Françafrique ou dans la francophonie. Comment peut-on se sentir bien quand les accords militaires signés avec les pays africains signent l’arrêt de mort de la démocratie en Afrique.
La France est la pire destination que puissent prendre les Africains fuyant la misère dans leur pays. Leurs ancêtres ont contribué à la libération de la France quand l’Occupant allemand y régnait en maître. Les descendants périssent en mer sous le regard indifférent du pays des Droits de l’Homme.

En attendant, deux militantes sans papiers ont été arrêtées au Centre de rétention de Montpellier alors qu’elle se rendaient au Sommet. Macron doit les libérer ! C’est ça aussi la rupture, le véritable début d’aide aux Africains.

Qu’est-ce qu’un partenariat quand dans des négociations bilatérales seule une partie est satisfaite ? Il en va ainsi du franc CFA, monnaie africaine frappée en France. Voilà un outil économique censé servir les Africains. Mais ses mécanismes de fonctionnement étranglent leur pouvoir d’achat.

Résultats : ce n’est pas l’Afrique qui est aidée par la France, mais l’Afrique qui aide la France.

« Sans l’Afrique, la France n’est rien » a lâché courtoisement un Africain à Emmanuel Macron.

« Pour cela » a surenchérit un autre, « pas de pardon des Africains pour la France. »

Macron aurait-il été pris à son propre jeu en pensant tourner la jeunesse africaine en bourrique comme la dernière fois à l’Université de Ouagadougou ?

MACHIN

La société civile africaines en a ras le bol. Elle ne veut plus subir et demeurer spectatrice quand des dictateurs locaux engloutissent l’argent censé servir à l’émergence.

Personne n’est dupe. Colloques, sommets, symposiums, rencontres au sommet, servent à tout sauf à régler les problèmes du monde. C’est vrai depuis Yalta. De Gaulle ne traita pas pour rien L’ONU de Machin (lieu de diverses machineries).

Montpellier 2021 restera un machin parmi d’autres machins. Beaucoup d’eau aura coulé sous les aqueducs avant que des Empereurs fous comme Sassou ne laissent la place pour que l’Afrique ne soit plus un lieu où prospère la misère du monde.

On ne l’a pas entendu dire comme Mitterrand en 1990 à la Baule qu’il allait lâcher les dictateurs noirs. Dans ce cas, Macron a fait monter le doute d’un cran quant à ses réelles intentions quand il a mis son pouvoir sur scène à L’Arena de Montpellier.

Thierry Oko

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