Le Pape François inhumé à côté d’un Congolais

Le lieu de sépulture ou va reposer la dépouille du Pape François abrite déjà le corps d’ un congolais décédé à Rome quatre siècles auparavant. Il s’agit de l’ambassadeur du roi Kongo Mpazu A Nimi ( fin 16è et début 17e siècle ).
Sept Papes, inhumés voici deux cents ans, dorment pour l’éternité dans cette chapelle, en compagnie de l’ambassadeur du royaume Kongo, Son excellence Mbuuta Ntomi Manuelle Dia Vunda.

Cette dernière demeure, l’église Sainte Marie Majeure, où va s’endormir dans l’attente de la Résurrection le souverain pontife d’origine argentine été choisie par lui-même.

Cette proximité post-mortem n’est pas un hasard. Du vivant du Pape François, le Congo fut un pays qui lui tenait à cœur.
Qui fut cet Africain originaire du royaume kongo inhumé voici quatre cents ans dans la tombe située à côté de celle où vient d’être enseveli le Saint Père ce samedi 26 avril 2025 ?
Il s’agit de :
« Mbuuta Ntomi Manuelle Dia Vunda ou le marquis de Vounda et grand électeur fut nommé ambassadeur extraordinaire de Sa Majesté le Roi Alvaro II du Royaume auprès du Pape. »
Il était jeune.
« Il avait peu de barbe, était bien proportionné, paraissait âgé d’environ 35 ans. Il parlait très bien le portugais et l’espagnol. »
On l’appelait affectueusement « Dom Antonio Manuel Ne Vunda Mbuta Ntoni Manuel NSAKU Ne Vunda. »

Dans « L’Ancien Congo d’après les archives romaines (1518-1640) », Monseigneur Cuvelier et l’Abbé Jadin précisent :
« âgé d’environ trente ans, noir de couleur, mais de manières nobles et posées. Par-dessus tout, il était pieux et dévôt. Il ne lui manquait pas de valeur et de prudence dans les affaires. Le roi…donna beaucoup d’avis confidentiels concernant les choses dont il devait parler de vive voix avec Sa Sainteté. ».
Que faisait-il à Rome, loin de San Salvador (Mbanza Kongo) capitale du royaume ?

Une mission diplomatique justifiait sa présence au Vatican. Le jeune homme était porteur d’un message ayant la tonalité d’un Manifeste.

« Lui et ses compagnons arrivèrent au Vatican le 2 janvier 1608 où ils furent bien accueillis par le pape Paul V ... Il put livrer le message du roi Koongo. Fatigué par le voyage et violenté au cours de son voyage maritime par les pirates hollandais, il mourut à Rome quelques jours seulement après son arrivée un certain 5 janvier 1608. » 

L’un des contenus du message apporté par Manuel Nsaku Ne Vunda concernait les Droits de l’Homme Noir, les relations bilatérales entre le Royaume Kongo et l’Occident, la reconnaissance des Institutions d’intronisation royales kongo par l’Eglise catholique du Vatican (l’inculturation avant la lettre).

Ce premier ambassadeur africain près du Saint Siège au Vatican ne vécut que six jours sur le sol italien. Ce court séjour marquera d’une pierre blanche les relations entre le Royaume Kongo et la papauté.

Fumée blanche

Au moment où nous écrivons ces lignes, les fidèles attendent que la fumée blanche, symbole d’élection d’un nouveau Pape s’élève du Vatican Les spéculations vont bon train sur la probabilité que ce soit un Africain qui succède à l’Argentin.
Ce serait une première dans l’histoire de la papauté. Depuis Saint-Pierre, aucun Pape d’origine noire n’a jamais régné à la tête de l’Eglise.

Une Papesse

Une légende qui n’est pas fausse parle d’un Cardinal qui trompa la vigilance de l’Eglise en se faisant élire alors qu’il était une femme.
«  ...à la Renaissance, la papesse Jeanne serait cette femme qui, montée sur le trône pontifical, aurait régné, sous le nom de Jean VIII, pendant un peu plus de vingt-cinq mois, de 855 à 858, entre les pontificats de Léon IV (847-855) et de Benoît III. »

C’est la seule fois où le tabou du genre fut transgressé dans l’élection d’un souverain pontife.

Si jamais un Pape africain est élu, ce serait un changement de taille. Ce tournant, dans une Institution réputée conservatrice, misogyne et hostile au mariage des prêtres, sera dû peut-être à cette rencontre entre le royaume kongo et l’Etat du Vatican qui eut lieu voici quatre siècles.

Un ressortissant Kongo

Mbuta Ntoni Manuel NSAKU Ne Vunda, fut un kongo du clan Mvimba, (mwisi Mvimba) l’un des douze clans que le mythe de fondation kongo place à l’origine des Kongo.
Au Congo-Brazzaville le clan Ki-Mvimba est dans l’actuel département du Pool département peuplé de descendants du royaume Kongo après son déclin.

Affaissement du Royaume

Par le jeu migratoire, à l’effondrement du royaume, les clans se dispersèrent dans les quatre états coloniaux constitués après la conférence de Berlin ( de1884 à février 1885) : L’Angola, la RDC et le Congo, le Gabon (une partie).

Un charmant hôte

De l’aveu du Pape Paul V qui reçut le Kongolais et ses amis, l’entretien fut riche, cordial, convivial et profond. Il se déroula en italien. Manuel Nsaku Ne Vunda parlait portugais, espagnol, italien et peut-être aussi le latin.
« Diplomate-né, très intelligent et cultivé, pétri de beaucoup de sagesse et fin connaisseur des traditions de ses ancêtres, parlant, entre autres, le portugais, l’espagnol et le latin de façon remarquable, Mbuùta Ntoni Manuelé Dia Vunda impressionna la curie romaine par sa bonhomie, son calme et son sens aigu de la présentation au pape du message dont il était porteur du roi du Congo. Il fut véritablement considéré comme un digne fils tant de la nation africaine que chrétienne. »

Un buste représentant le Congolais se trouve à côté de la tombe romaine du ne-kongo désormais « voisin dans l’éternité » avec le Pape François, défenseur des migrants.

Les chefs d’état des quatre anciennes colonies (Angola, RDC, Congo, Gabon ) gagneraient en respectabilité mémorielle, s’ils allaient s’incliner sur le tombeau de cet ancêtre Kongo chaque fois qu’ils seraient en visite à Rome, le Pape François comme le pape Jean-Paul II n’ayant plus le monopole de leurs recueillements.

Roger Ndokolo
Président du Parti du Centre UNIRR
(Union pour la Reconduction Républicaine)