Le pathétique réveil de Pascal Lissouba

Jeudi 6 mai, 6h00

Un droit de réponse de M. Lissouba à l’hedomadaire Jeune Afrique/L’Intelligent. Dans une suite d’articles consacrés à la destitution de l’ancien chef de l’État haïtien Jean-Bertrand Aristide, le journal panafricain a cité le nom de Pascal Lissouba à côté des « dictateurs en cavale ». Le " Professeur " s’indigne.

J’ai toujours eu de la considération pour votre magazine et du respect pour la déontologie de son équipe de rédaction. Mon attachement à votre journal est ancien. Il a, au fil du temps, pris la forme d’un abonnement à vie. Que votre hebdomadaire n’ait pas eu l’intention de me diffamer ou de manipuler la vérité sur l’histoire récente de notre pays, je veux bien le croire, voire l’accepter. Ce que je ne comprends point, ce sont les sous-entendus et le message que cherchait à véhiculer cet article.

Je me demande pourquoi votre collègue, un professionnel de son genre, a inséré sous un titre aussi accusateur : « Dictateurs en cavale », une liste de personnalités politiques, dont il reconnaît lui-même qu’elles ne peuvent être qualifiées de dictateurs.

En outre, il aurait été sans doute plus juste, et nécessairement moins subjectif, que l’auteur de cet article précise les critères utilisés pour évaluer l’engagement démocratique de chacun d’entre nous, afin de justifier, de façon objective et sans doute moins contestable, l’inscription de chacun sur telle ou telle autre liste. C’est ce manque de rigueur et de précision qui m’indigne et que je souhaite relever, sans polémique, auprès des lecteurs de votre magazine.

Je conteste les allégations de votre confrère, car je ne reconnais pas avoir manqué à un seul engagement démocratique dans notre pays : la confiance dont me témoigne encore la majorité de mes compatriotes suffit à le prouver. Elle me vaut d’ailleurs, de la part de ceux qui ont assassiné la jeune démocratie congolaise, de la rancœur et le diktat de mon bannissement dans mon propre pays.

J’ai servi mon pays avec amour, déférence et loyauté, dans le strict respect des règles démocratiques. Lors de mon accession à la magistrature suprême, le Congo était, de l’avis de l’ensemble de la classe politique congolaise réunie à la conférence nationale, un pays sinistré, non par moi, mais par plus de trente années de gestion calamiteuse réalisée par les dirigeants du parti unique.

Sous ma présidence, le Congo a connu une vraie expérience démocratique. La liberté était une chose acquise pour l’ensemble de nos compatriotes, le redressement économique fut engagé, la confiance des institutions financières internationales restaurée, le taux de croissance, qui était négatif à mon arrivée, est passé à près de 6 % en 1997, les nouveaux accords pétroliers doublant quasiment nos recettes pétrolières.

Cette vérité, la mienne et sans doute celle de mon peuple, mérite aussi d’être portée à la connaissance de vos lecteurs. C’est cela que je sollicite humblement, au nom du droit à l’indignation.

Pascal Lissouba

© Jeune Afrique/L’Intelligent N°2260, du 2 au 8 mai 2004.