Une guerre

Il nous est bien obligé de convenir que ce qui se déroule dans le Pool est une guerre. Affrontements entre l’armée et les Ninjas à Kindamba, le 29 mars ; attaque d’un train à Kingoyi le 2 avril ; bombardements de Mayama le 4 ; affrontements – violents – vendredi dernier dans la même localité ; premiers prisonniers ou premiers otages dans l’un et l’autre camps, exode massif des populations : 2000 « marcheurs » sur les routes du Pool vers Brazzaville ou vers Kinkala, selon un pointage fait samedi.

Le Congo est donc de nouveau en guerre contre lui-même. Nous disions ici la semaine dernière que cette guerre-là est la guerre de trop. Car inutile, sans objet et sans gains ni politiques, ni militaires pour personne. Quel qu’en soit le vainqueur proclamé, le Pasteur Ntumi ou l’Armée de Denis Sassou-Nguesso, nous sommes sûrs du nom du perdant incontournable : nous !

Guerre inutile aussi, car reposant l’éternelle question : quel Congo voulons-nous ?

En 1993, 1997 et 1998, années qui sonnent désormais comme le chapelet d’autant de douleurs, nous nous sommes faits à une vision manichéenne qui flattait nos indifférences de ‘Nordistes’ ou ‘Sudistes’. 1993 ? Bah !, c’est la guerre des « Bakongos » contre Lissouba ; c’est entre eux Sudistes ! 1997 ? Mais c’est Sassou qui « nous » provoque ; on va leur faire voir à ces Nordistes de profiteurs qui n’ont rien fait pour l’indépendance de ce pays ! 1998 : c’est Kolélas le belliqueux. Il a voulu « nous » chercher des poux, nous lui avons infligé une leçon, et son merdeux de Pool se tiendra tranquille pour un moment !

Au fil des drames, nous nous sommes drapés dans un bout d’histoire du Congo et en avons fait ou la partie noble, ou la partie victime, mais toujours l’étendard de nos irrédentismes et de nos exclusions, dans un pays qui pouvait tout se permettre au nom des morts subies. Aujourd’hui et maintenant, aucune excuse n’est permise. Une guerre s’est ouverte aux portes de nos consciences, dans le Pool, bien malheureux qui n’y verra que « la guerre des autres » !

C’est un pan d’une nation qui se mite ; une partie du Congo qui va se mettre à saigner. Si nous voulons une nation, ces événements nous donnent à la souhaiter tranquille de Kakamoéka à Ouesso.

Ntumi affirme se défendre contre une agression. L’armée affirme vouloir rétablir un ordre perturbé par des miliciens. L’un et l’autre sont dans une logique de guerre. La logique de paix voudrait ramener à la question : qui est l’un et que veut l’autre pour la Nation ? C’est à dire pour nous tous ?

Benda Bika