"Le Nid des Corbeaux" par Barly Loubota

D’emblée, si je devais dire que ce roman est un chef-d’œuvre, ce ne serait pas totalement faux, tant sa lecture est un merveilleux moment de profondeur et d’émotions.

Dès la Préface, on est happé par le livre, et alors commence un agréable voyage. De Boko à Brazzaville, en passant par Kinshasa ; d’un matin calme de 1959 au terrible mois de décembre 1993, en passant par les barricades de janvier 1992, c’est un moment du Congo et des congolais qui nous est raconté, en amont et en aval de la conférence nationale de 1991. Ce moment est saisi à travers la vie de Charles Zolani, le personnage principal, jeune homme de Bacongo, diplômé mais sans emploi, marié à Liliane, une élégante jeune femme. Charles est un idéaliste, qui vit moult aventures dans les rues émeutières de Brazzaville. Il s’engage dans les émeutes de janvier 1992, à Bacongo, pour faire front à la tentative de putsch, il animera même un journal en compagnie d’amis. Puis viendra un autre temps, un autre homme.
C’est un récit riche en personnages, excellemment mené, et dont l’espace, le temps, comme la narration nous situent dans une œuvre réaliste, tandis que la magie des sonnets qui émaillent le récit ajoute quelque chose de fantastique. Page 115, l’un de ces sonnets, le 2e sur 4 (le 4e étant mon préféré) :

Cependant qu’il se morfond de ses abîmes
Son doux visage pareil aux ruines de Tyr
Charles songeant à quelque tendre souvenir
Aux oubliettes rangea sa bonne patience

Liliane près de lui, de somme faisant mine
Entendit mille suppliques lui venir
Et de fermeté n’en pouvant plus vernir
Elle lui ouvrit les huis d’une nuit bénigne

Au matin, comme Charles se levait tout fort
Abondant de sourires et d’apparent confort
Le grand miroir chatoyant de rire

De ce visage qui luisait d’aménités
À qui pouvait l’entendre fit ce murmure
Qui doit nudité, doit tranquillité

C’est un roman rare et émouvant, à la fois par la profondeur de la réflexion morale et philosophique qu’elle porte, et par la qualité de l’écriture.
J’en suis sorti ému et marqué. Assurément qu’on en reparlera comme un classique de la littérature africaine.