L’opposition réclame de l’espace dans les médias

L’Opposition politique congolaise n’existe pas dans les médias d’Etat. Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de lire un article dans la presse officielle sur un parti se réclamant de l’opposition. Cette injustice reflète le cynisme de celui pour qui le choc des idées peut s’avérer politiquement mortel. Sous-entendu : le Pouvoir.
 

Mardi 20 avril à Brazzaville, pour évoquer ce déséquilibre, le président du Front des partis de l’opposition, Clément Mierassa, et Pascal Tsaty Mabiala, se sont entretenus avec Jacques Banangandzala, le président du CSLC (Conseil supérieur de la liberté de communication). Les deux membres de l’opposition se sont plaints de leur invisibilité dans les médias d’Etat. « ... lorsque nous organisons nos activités, elles ne bénéficient pas d’une couverture médiatique", a déploré Clément Mierassa. Et de souhaiter "que les médias d’Etat laissent libre cours à l’opposition de s’exprimer, car, pour que nous parlions de la démocratie véritable, il faut que l’opposition soit capable de vulgariser ses visions et ses messages. Cela n’est possible qu’à travers les médias. Nous souhaitons qu’il y ait égalité des chances. "

Une injustice que Clément Mierassa dénonce mais que, visiblement, il estime réparer par des vœux pieux ; comme si, dans la stratégie de ceux qui détiennent les Appareils Idéologiques d’Etat, l’égalité des chances est une notion qui y avait place. Un peu naïf le bonhomme. L’égalité, pour paraphraser Marien Ngouabi, ne se donne pas, elle s’arrache. Comment ? En créant, par exemple, ses propres canaux de communication puisque, ainsi que l’indique leur intitulé, les Appareils Idéologiques d’Etat sont là pour que ceux qui incarnent cet Etat continuent encore à l’incarner, eux, et pas les autres.

De la misère du débat politico-médiatique

La majorité présidentielle, composée de godillots engraissés, de promoteurs du "Oui, oui", joue toutes ses cartes pour maintenir le statu quo médiatique. Les "Honorables" et les "Excellences" qui font jouir les téléspectateurs ou les lecteurs sont rares. La plupart se complaisent dans l’avalanche des phrases pompeuses ou dityrambiques à l’égard du géniteur du "Chemin d’avenir" ! Normal, l’éloge, "c’est comme de l’argent qu’on place afin qu’il nous soit rendu avec des intérêts". Le président de la République peut leur dire qu’il a inventé la formule de l’eau chaude, ils prendront cette affirmation pour argent comptant ; le président de la République peut leur demander de privatiser la poussière(seule la poussière n’est pas encore privatisée au Congo), ils ne répondront pas par la négative...

Pascal Tsaty Mabiala, lui, prend ses désirs pour des réalités. En effet, cet adepte du complément d’objet direct pense que « c’est la presse qui fait la démocratie ». C’est faire injure à la démocratie que d’assener qu’elle est fille de la presse. On a envie de lui rappeler cette simple définition : "La démocratie, c’est le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple." La presse fait vivre la démocratie ; elle ne l’enfante pas. Jusqu’à preuve du contraire, seul le peuple demeure le parent de la démocratie.

La démocratie, "c’est l’organisation de la discorde"

Cette réflexion d’Alain Finkelkraut - un philosophe français très controversé - veut tout simplement dire que la démocratie, c’est la canalisation du bouillon de culture. "Le citoyen contre le pouvoir", s’écriait Alain, un autre philosophe. Oui, il s’agit ici de l’indépendance des pouvoirs.

Le régime présidentiel congolais, tel qu’il fonctionne aujourd’hui, est une belle dictature. Pas de différence avec le stalinisme des années 1960-1970-1980-1990. Les "honorables" ne servent à rien, si ce n’est pour l’honneur... Mais l’honneur n’est pas le mérite... Ils écument les cafés les plus en vue de Brazzaville, Le Renouveau, La Mandarine ou Le Nénuphar. Des élus du peuple qui passent leur temps loin de leurs électeurs : on dirait des princes d’un royaume fantôme ; des oiseaux déplumés, errant ici et là. Le gouvernement n’existe pas ; c’est un conglomérat de Congolais congelés. Tout se décide à Mpila.

A voir sa manière de gérer les affaires de la cité, ce gouvernement n’incarne pas "l’organisation de la discorde" ; il en est la confirmation achevée. Le régime, pour la mise à l’écart de l’Opposition est en train de donner au Congo l’image d’un enfant de 50 ans !

Bedel Baouna