La Lettre du Continent du 25 août 2011 mérite la palme de la discrimination ethnique tout comme les noms d’oiseaux assortis à cette distinction lorsqu’on en est le malheureux porteur dans notre société voulue, paraît-il, unitaire par Denis Sassou-Nguesso. Fort heureusement ce canard, réservé à des abonnés en ligne, n’est pas congolais. Aussi, échappe-t-il à la vindicte des chantres de l’unité nationale. Car, c’est à juste titre que ce journal aurait essuyé une volée de bois vert réservée en général aux « méchants aigris » que nous sommes, nous autres pourfendeurs du Chemin d’Avenir lorsqu’on ose souligner le sans-gêne avec lequel Sassou nomme exclusivement les Mbochi à tous les postes de commandement au Congo-Brazzaville.
Non, franchement La Lettre a cette insolente coutume de ne pas s’embarrasser de précautions oratoires comme le veut la tradition pécétisante fondée sur l’hypocrisie, levain des pharisiens de Mpila.
Congrès
Jugez donc. Dans son édition n° 617 La Lettre est revenue sur le congrès (le 6ème) du PCT qui s’est déroulé du 21 au 25 juillet 2011 et qui a brillé par une incroyable instrumentalisation de l’ethnie mbochi dans la distribution du pouvoir politique. Au poste de sécrétaire général du PCT, le journal virtuel écrit : « Denis Sassou Nguesso a opté pour un mbochi comme lui : Pierre Ngolo ». "Un mbochi" ! Jamais un journal local n’aurait formulé la syntaxe de cette manière. En effet, depuis des lustres, cette typologie ethnicisante est bannie du vocabulaire, sous prétexte que ça fait "réactionnaire". En tout cas, ce mec, hissé à la tête du parti, est un veinard. Pourtant le camarade Ngolo ne semble pas avoir de force malgré la fulgurante promotion. En effet : « ce dernier 57 ans, est une personnalité sans grands réseaux politiques ni charisme » déplore complaisamment le journal confidentiel fondé par Antoine Glaser.
Imaginez le procès en inquisition tribaliste qu’on aurait intenté à Congopage ou à notre confrère Mwinda si nos colonnes avaient osé écrire le commentaire suivant au sujet des ses intrigues tactiques : « C’est oublier que Sassou est en tête de la pirogue et garde la pagaie bien en main ». Diantre ! On nous aurait reproché de véhiculer des préjugés discriminatoires sur nos frères du nord généralement chagrinés par par l’expression lingala « bana mayi » (entendez : « ceux qui vivent et font tout dans l’eau ») car le seul mode de transport dans lequel les autres groupes ethniques les représentent sur le ton de la plaisanterie est cette primitive embarcation. En tout cas La Lettre du Continent a une vision fort péjorative des Africains en général. Pourtant, malgré la métaphore aquatique très connotée de La Lettre, les fans du Chemin d’avenir n’ont rien trouvé à dire et à redire face à cette façon pittoresque de se faire traiter.
Carrément politiquement incorrecte, La Lettre poursuit sa catégorisation ethnocentrique du pouvoir de Sassou en ces termes : « Toutefois, la règle d’or n’a pas été transgressée. Les principaux postes du secrétariat permanent, organe dirigeant du PCT, sont revenus à des membres de l’ethnie présidentielle »
Suivent des noms de cousins et « compatriotes mbochi » de Sassou, bénéficiaires de la générosité ethnique de celui qui se proclame pourtant "père de la nation" : Michel Ngakala, Denis Gokana, Jean-Pierre Nonault (dignitaire de Boundji), Denis Christel Nguesso (fils de Sassou). Excusez du peu car la liste régionale est aussi longue que le transibérien quand on y ajoute les noms de ceux qui portent les galons de généraux dont Sassou a récemment affublé les épaules et qui comme, on s’en doute, sont à 99% des frères mbochi et affiliés nordistes.
Sassou, égal à lui-même, a recidivé dans la redistribution des postes dans la police : tous les chefs de ce corps répressif sont à 100% natifs des rives de l’Alima ( traduisez : mbochi). La Lettre n’en a pas encore parlé. C’est sûr que le journal de Glaser soulignera cette gestion ethnique du Congo dans une perspective unidimensionnelle estampillée Tsambi Tso. ( Traduction libre : "toute la terre congolaise nous appartient")
Décontracté
Le journal d’Antoine conclue qu’après ce laborieux rôle de piroguier de la Cuvette assumé par Sassou au cours dudit congrès, ce dernier compte aller « comme chaque année » passer ses vacances « à Marbella (Espagne) » le coeur « décontracté ».
Tiens donc ! Nous qui croyions que ramer ou pagayer est un sport, c’est-à-dire « décontractant » pourquoi alors celle villégiature supplémentaire dans la péninsule ibérique ? Pour se refaire une santé ? Bongo aussi adorait l’hospitalité décontractante hispanique…jusqu’au jour où (pour reprendre une représentation égyptienne du grand saut) sa pirogue fit l’ultime traversée vers l’autre rive. Parti la tête haute il revint à Libreville les pieds devant.
Kinkala
Espérons que grâce à l’oyotisation de Kinkala où, par le biais de la municipalisation accélérée, Sassou compte s’y bâtir un palais présidentiel, il ira désormais passer ses vacances dans le Pool, loin de ce qu’un ami appelle le « bordel hispanisant », ne serait-ce que pour donner l’illusion d’un Congo uni du nord au sud, d’est en ouest, sous son inépuisable présidence.
Tribalisme ! A bas !
Simon Mavoula