Conférence de presse d’Aimé Emmanuel Yoka, Garde des Sceaux, à propos du 4 mars

Le député de Vindza, Me Aimé Emmanuel Yoka, Garde des sceaux, Ministre du Droit et de la Justice est en train de passer en boucle sur Télé Congo depuis mercredi 20 décembre 2012. Les raisons de cette redondance cathodique ? Une conférence de presse dont il est le héros sur les développements judicaires des explosions du 4 mars 2012 à Mpila/Brazzaville. Stressés par la perspective de la fin du monde, les téléspectateurs ont dû ajouter à leur angoisse le fait de voir l’homme occuper le petit écran avec un look de disciple de Bacchus. Mais pourquoi une conférence de presse maintenant ? Qui l’y a obligé alors que l’opposition est réduite au Congo à sa portion la plus congrue ? Le remords ? La fourberie ? L’ennui ? Question de tester l’absolue apathie actuelle de ses compatriotes ? La problématique est ouverte.

Linguistique

Ce n’est pas ce que vous dites mais comment vous le dites qui intéresse la linguistique. Me Aimé Emmanuel Yoka ne sait pas causer. C’est le moins qu’on puisse dire. Ô cette lenteur du débit oratoire ! Ô ce timbre vocal ! Aussi, le pire qui puisse arriver à un journaliste c’est d’écouter un orateur qui n’arrive pas à articuler son propos. Au fait, Honorable député du Pool, dans quelle langue parliez-vous ? En français ? en mbochi ? Les deux ? Bien malin celui qui est parvenu à décrypter intégralement ce créole/maison. En tout cas depuis qu’il a été élu dans le Pool avec la façon que l’on sait, depuis que le quartier de Mpila a été pulvérisé, Emmanuel Yoka adore les micros (Bienvenu Okyémi aussi qui était à ses côtés ce mercredi). Seulement voilà : la syntaxe et les syntagmes articulent un discours qui a des connotations de la vulgate propagandiste septentrionale. Figurez-vous que depuis le procès des assassins de Marien Ngouabi en 1978, depuis le procès des bouchers du Beach en passant par celui des poseurs de bombe en 1986 (au cours duquel Ndalla ridiculisa Madzou - cf article ibidem) jusqu’à celui annoncé des artificiers de Mpila du 4 mars 2012, les gens de l’acabit de Me Aimé Emmanuel Yoka, pour avoir fait couler beaucoup de sang des victimes et des larmes des parents de victimes, ces gens-là se croient tout permis parce que l’impunité leur semble à jamais garantie. Aussi ils n’ont plus de limites dans l’expression de l’arbitraire. Ayant ratissé large, ils sont conscients que l’opposition a disparu et qu’ils peuvent désormais taper avec l’assurance qu’il n’y aura pas de résistance. La conférence de presse de ce mercredi 19 est à inscrire dans cette ambiance monolithique assortie de pensée unique et de langue de bois, un système de communication dans lequel Me Emmanuel Yoka nous démontre qu’il est imbattable.

Accent à couper au couteau

Mais bon sang apprenez donc à communiquer Monsieur Yoka ! Etiez-vous ivre ou à jeun lorsque vous vous êtes tranquillement installé dans votre Conférence de presse sans...hommes de presse. Prenez, au besoin, des cours ! Ce n’est pas le pognon qui manque, cher Honorable (sans honneur) de Vindza ! C’est vrai que le sujet (le drame de Ouénzé Mpila/Yoro) était difficile à traiter, à plus forte raison quand on a boutiqué un coup foireux, fumé, sans queue ni tête pour accabler bouc-émissaires et autres « lampistes » (sic). On connaît l’adage : « un sujet bien conçu s’énonce facilement et les mots pour le dire viennent tout seul à l’esprit. » Vous avez construit une affaire ténébreuse qui vous dépasse vous et vos acolytes et, vous ne savez plus où mettre la tête quand vous avez compris qu’établir des liens entre les faits qui n’ont, justement, pas de liens entre eux est au dessus de votre piètre intelligence. Et ce n’est pas votre accent à couper au couteau qui rendrait intelligible la dimension juridique que vous vous tuez à donner à votre discours. Du reste, d’où vient-il que depuis votre accès au pouvoir (depuis vingt-cinq ans) vous êtes prisonnier d’un accent phonétique interchangeable chez tous les natifs de là-bas, à commencer par le Chef jusqu’au dernier de ses serviteurs ? Cet accent est si fort qu’il a déteint sur les natifs du Midi (Pool, Niari, Kouilou). Du coup une fois qu’on a fait le tour des autres chaînes africaines, regarder Télé-Congo sur le bouquet numérique est devenu d’un ennui honteux, à plus forte raison si, malgré ses cinquante ans d’existence, cette télé passe le clair de son temps à passer inlassablement les « réalisations » du camarade Président, « bâtisseur infatigable », dit-on ! Avec ses improvisations, ses maladresses techniques, ses images brouillées (à l’heure des Nouvelles Techniques de l’Information), ses journalistes aux accents également connotés, Télé-Congo = télé de merde !!!! Elle mérite une médaille de plomb.

Conférence sans questions ou presque

Nous disions donc que participer à un tel échange où, justement le locuteur n’échange pas, est un exercice douloureux pour la presse. Ce fut, en vérité, un monologue de bouledogue, une conférence de presse sans adresse où le conférencier ne s’est pas trop pressé de répondre aux (rares) questions de la salle, une salle presque vide, ce qui prouve, au demeurant, que nos agents de presse ont été triés sur le volet et, par conséquent, n’auront pas volé nos acerbes critiques.

Daniel Nkouta, l’absent

A vrai dire les questions auxquelles le camarade Député de Vindza a répondu ce n’était pas celles que les journalistes ont posées mais plutôt celles qu’il s’est posé lui-même et qu’il aurait aimé qu’on lui posât. La bande annonce a parlé de présence de la presse nationale et étrangère, mais de journalistes étrangers (en tout cas Européens) personne n’en a vu la couleur. En fait, en dépit de deux ou trois questions sur une supposée lettre écrite de Ntsourou et sur la méthode de l’exposé du conférencier, le camarade Député de Vindza a tchatché devant un public soit acquis à sa cause soit dominé par la peur d’aller rejoindre Ntsourou à la Maison d’Arrêt. C’est-à-dire que le camarade Yoka n’a pas été inquiété outre-mesure. Pas bête comme manœuvre ; on eut aimé voir Daniel Nkouta dans la salle, lui qui promit le « mettre minable » dans un débat sur la tribalisation du pouvoir au Congo de Sassou. Le monde reste sur sa faim au sujet de ce duel Nkouta/Yoka. En tout cas ce sera la fin du monde de Mpila une fois que Yoka aura eu un vrai contradicteur qui croisera le fer avec sa modeste personne sans la hantise de se retrouver au violon ou à Etatolo.

Conférence pépère

Faute de véritables poseurs de questions dérangeantes, ce qui s’est passé dans la salle de conférence de L’Hôtel de ville de Brazzaville a été alors une conférence pépère, donnée dans une confusion rhétorique totale où les vieux cours de Droit criminel du temps où le camarade député rédigea un mémoire sur la délinquance juvénile à Brazzaville, alors étudiant à Bordeaux ou Paris (je ne sais), lui revenaient à l’esprit dans un style décousu qui ferait pâlir d’inquiétude le moindre étudiant de première année de Faculté. Comment peut-on être si brouillon et Garde des Sceaux ? (Daniel Nkouta dit « Garde des Sots »).

Laissez Ntsourou tranquille

Avant de basculer dans la mollesse locutoire, le camarade membre démarre pourtant sa conférence sur les chapeaux de roue en jetant une foule de chiffres à la gueule imperturbable des journalistes présents dans la salle.
Puis, sans transition, l’homme se lance dans une exégèse du Droit pénal tellement exagérée qu’on se demande pourquoi lui-même n’était pas au gnouf à titre préventif puisque, en sa qualité de n°2 du pouvoir, il représente une pièce-maîtresse dans la chaîne des causes humaines ayant provoqué les déflagrations du 4 mars ! Sa démonstration, incohérente, disculpe d’autant plus le colonel Ntsourou que personne ne voit le lien entre les obus du 4 mars et un accusé dont le chef hiérarchique, Jean-Domnique Okemba, est libre de ses mouvements. Mieux : Yoka lâchera que Ntsourou n’était pour rien dans la tragédie de Mpila : « Laissez-le tranquille, le principal accusé c’est Kakome »

Mais alors que fout Ntsourou derrière les barreaux s’il n’est pour rien dans le crime dont on l’accuse. Quel sentiment habite Yoka quand il débite ses paradoxes ? Honnêteté intellectuelle ou cynisme ? Allez-savoir. Au passage le parachuté de Vindza dédouane l’ex-ministre Zacharie Bowao couché, a posteriori, sur la liste des coupables. « La preuve de l’objectivité de notre justice ? »se demande l’élu de Vindza originaire d’Oyo, Zacharie Bowao, pourtant justiciable, est tranquillement en voyage à l’étranger.

Peine capitale

Bien sûr le juriste du PCT ne nous a pas épargné l’éloge de la lenteur de la justice qui, selon l’éminence grise d’Oyo, profite souvent à l’accusé car s’il n’y avait pas deux degrés d’appréciation dans l’accusation nombre d’innocents auraient été décapités et, lorsqu’on aurait démontré, après-coup, leur innocence, c’aurait été trop tard puisque personne ne pourrait recoller leur tête. Et du coup de nous rappeler que le Congo applique encore la peine de mort. Diantre ! Qu’attendent ces grands démocrates du Chemin d’Avenir pour proposer son abolition ? Quelle horreur !

Vous parlez d’un Etat sauvage. « La paix a été rompue le 4 mars ! » a postillonné au visage des journalistes le Garde des Sceaux, avec un effroyable accent du terroir qui rend son élocution inaudible et fait douter de sa crédibilité et de son impartialité en tant que juge et parti car c’est non seulement un mbochi jugeant un téké mais c’est aussi le cousin du Chef de l’Etat. Vu sous cet angle, les victimes du procureur Jacques Okoko ( cousin de Marien Ngouabi ) en 1978 n’ont rien à envier à celles de Me Emmanuel Yoka en 2012.

Visite

La supposée rupture de la paix ce 4 mars 2012 justifie-t-elle ces vagues d’arrestations aveugles ? Soit. La question, tout de même, à laquelle Me Aimé Emmanuel Yoka a échappé est la suivante :
que se sont-ils dit avec le colonel Ntsourou lorsqu’il lui a rendu visite en prison ?
Car Yoka s’est humblement vanté d’avoir visité amicalement Marcel Ntsourou après l ’avoir embastillé au motif qu’il troubla la paix le 4 mars. Pourquoi cet élan humaniste ?

Alors au cynisme et à l’hypocrisie du nouveau Député de Vindza, il faut ajouter une schizophrénie assortie de paranoïa.

Thierry Oko