L’Afrique orphelin de MANU DIBANGO

Le chanteur et saxophoniste camerounais Manu Dibango est mort le mardi 24 mars 2020 en France, des suites du Covid-19. Il avait 86 ans.

Très affectés par la mort de leur idole, les Fans, les musiciens, et les mélomanes ont tenté, chacun comme ils peuvent, de se faire à l’idée qu’ils ne reverront plus leur star. Ils sont unis par la même passion : Manu Digango Une idole qui les a accompagnés durant toute leur vie.

Manu Dibango

On rencontre son nom sous celui d’une théorie de chanteur-saxophoniste et de chefs d’orchestre. Manu Dibango est l’arrangeur à qui l’on doit une bonne part de la réussite de milliers d’albums, souvent en collaboration avec les grands de la musique africaine.
Doté d’une grande culture de « l’Afro-Jazz » (il faut être attentif aux citations dont il émaille certains arrangements), Manu Dibango doit une partie de la netteté et la sophistication de ses partitions à son admiration de toujours pour les grands virtuoses saxophonistes afro-américains.

Les 20 raisons indiscutables qui ont permis d’aimer celui qui s’est affirmé comme l’un des plus intéressants saxophonistes de sa génération.

60 ans qu’on aime Manu Dibango (avec Jazz Radio et Rfi)

0I - Emmanuel N’Djoké Dibango, dit « Manu Digango » est né le 12 décembre 1933 à Douala, au Cameroun, où il a commencé à apprendre le chant dans une chorale et à s’initier à la musique du monde. Ses parents sont originaires d’ethnies différentes : son père est yabassi, et sa mère douala. Sa famille est de confession protestante, et sa mère dirige la chorale du temple.

02 - En 1949, il se rend à Saint-Calais, dans le Nord de la France pour poursuivre ses études et passer son bac. C’est à Chartre qu’il découvre le jazz au début des années 50. Il apprend le piano, puis le saxophone, et commence à se produire sur scène et souvent dans les Boîtes de nuit.

03 – C’est à Bruxelles en février 1961, (alors qu’il évoluait aux « Anges Noirs », boîte de nuit géré par le musicien capverdien Fonseca) qu’il rencontre Joseph Kabasele, dit « Grand Kalle » qui l’engage dans son orchestre l’African Jazz, et ils enregistrent plusieurs disques qui remportent le succès en Afrique et l’invite à Kinshasa, au Congo où Manu lance le twist en 1962 dans sa propre « Boîte de nuit ». Le succès est phénoménal.

04 – Manu Dibango passe deux ans dans l’African Jazz

A Kinshasa Manu Dibango séjourne du mois d’Avril 1961 au 6 juin 1963. Il a su se conformer au répertoire original de l’African Jazz et à apporter de son côté de très bons accents rythmiques et classiques. Tout le monde a pu se régaler des morceaux comme : « Mama na Mufanga », « Asali engombe », « Olingi bolamu te », « Timide sérénade » , « Rideau ya ndako », etc. réalisés avec Manu Dibango au piano. Tout comme d’autres succès inoubliables de l’African jazz comme « Africa mokili mobimba », « Lolita », « Matanga ya Modibo », « Mama Seba », « KJ », « Lili Moke », etc.

05 - En 1967, Manu Dibango trône à la tête de son premier Big Band et développe son style musical novateur pour une série d’émissions télévisés avec des acteurs comme Dick Rivers ou Nino Ferrer, pour lequel il joue de l’orgue Hammond, puis du saxophone, et finit par diriger son orchestre.

06 - En 1972, il enregistre la face B d’un 45 tours « Soul Makossa », qui sera samplé sur « Wanna be Starting Something » de Michael Jackson et « Please don’t stop the music » de Rihanna. Manu Dibango fait la conquête des Etats-Unis avec un tournée qui remporte un vif succès.

07 - De 1975 à 1979, il dirige à Abidjan l’Orchestre de la Radio-Télévision ivoirienne. Ses parents décèdent en 1976, et deux ans plus tard Manu enregistre un album avec des musiciens nigérians (« Home Made ») avant de s’envoler pour la Jamaïque. Là-bas, il enregistre des sessions aux côtés de la célèbre section rythmiques de reggae Sly Dunbar.

08 - Dans les années 80, il collabore en outre avec Serge Gainsbourg. Sorti en 1982, son album « Waka Juju » consacre son retour à l’afro-sound. « Surtension » (1984) offre une rencontre entre hip-hop et tradition africaine. Le 14 mai 1986, Manu Dibango est décoré de la médaille des Arts et des Lettres par le ministre de la culture française de l’époque, Jack Lang.

09 - En 1992, Yves Bigot lui propose d’enregistrer « Wakafrica », un album de reprises des plus grands tubes africains. Cet album parait dans le monde entier et permet à Manu Dibango de revisiter le patrimoine de la chanson en invitant les ténors Youssou N’Dour, Salif Keita, Papa Wemba, Angélique Kidjo, Peter Gabriel, Manu Katché… Le single « Biko » sera remixé à Atlanta par Brendan O’Brien. C’est cette même année que manu reçoit une Victoire de la Musique pour le deuxième volume des Négropolitaines.

10- 1996 – parution de L’album « Lamastabastani » et qui s’inspire de la disparition de sa femme l’année précédente. Manu Dibango enchaine deux albums, un spectacle aux côtés de Ray Lema, la musique du film d’animation Kirikou et les bêtes sauvages en 2005, 2007 - un album en hommage à Sydney Bechet et à La Nouvelle Orléans…

11- Juillet 2007, on découvre une autre facette du compositeur à travers le disque "AfricaVision – Le Cinéma de Manu Dibango" : le CD réunit les musiques de bandes originales de films qu’il a composées entre 1976 et 2004.

12 - 2011 - Deux projets discographiques se succèdent : d’abord en juin "Ballad Emotion", qui réunit une vingtaine de classiques ("What a Wonderful World", "Cry Me a River", "Summertime"…) revisités sous un angle électro jazzy par le saxophoniste ; puis en novembre, l’album "Past Present Future".

13 - 17 novembre 2011, c’est sur la scène du Casino de Paris, qu’il interprète les morceaux de cet album. On le retrouve aussi au Petit Journal Montparnasse à Paris les 7 et 8 février 2012 ainsi que sur plusieurs scènes françaises et étrangères pendant les mois suivants.

14 - Mai 2013 – Après avoir fêté en avance ses 80 ans, par un concert à la mairie de Paris, le vétéran camerounais multiplie les événements : il s’embarque dans une tournée d’une trentaine de dates qui fait escale dans des festivals de renom (Africajarc, Festival du bout du monde)

15 - 2014 - Les célébrations se poursuivent, notamment à L’Olympia où la prestation enregistrée fait l’objet d’un DVD, et par trois concerts spécifiques au Musée du « Quai Branly - Jacques Chirac ». Il participe aussi à l’album du Dany Doriz Big Band, patron d’un des plus anciens clubs de jazz parisien et ami de longue date.

16 - En décembre 2015, quarante ans après son premier passage à l’Apollo Theatre d’Harlem, il remonte sur la scène de ce lieu mythique de la musique afro-américaine à New York. Quelques semaines plus tard, il se produit en Côte d’Ivoire, et poursuit en Allemagne, au Canada…

17 - 2016 - Nommé Grand témoin de la francophonie par l’Organisation internationale de la Francophonie, il est mandaté pour défendre les valeurs de la francophonie aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro au Brésil au mois d’ août, où il joue également avec l’Orchestre national du Brésil.

18 - Février 2017 – Honoré d’un Lifetime Award pour l’ensemble de sa carrière qui lui est remis à la cérémonie des Afrima (All Africa Music Awards) organisée au Nigeria, Manu Dibango participe peu après au festival international de jazz du Cap en Afrique du Sud où il collabore avec le saxophoniste mozambicain Moreira Chonguica. Fin 2018, c’est le musicien angolais Bonga qui le fait venir pour jouer ensemble à Luanda.

19 - Juillet 2019 - Pour ses 60 ans de carrière, et ses 85 ans, le saxophoniste imagine un nouveau projet baptisé "Safari symphonique". Une représentation a lieu au festival Jazz à Vienne, avec l’Orchestre national de Lyon.

20 - 18 mars 2020, le musicien est hospitalisé pour cause de coronavirus, alors que la pandémie se généralise à travers le monde. Le 24, Thierry Durepaire, gérant des éditions musicales de l’artiste annonce le décès de celui-ci. Les réactions et témoignages sont venus du monde entier.

Enfin, la sensibilité à fleur de peau de ce virtuose saxophoniste à la sonorité sophistiquée fut certainement l’un des éléments qui menèrent « l’Afro-jazz » vers ses véritables origines africaines.
Adieu le Grand Artiste !

Clément OSSINONDE