Rhétorique sur l’écosystème : Le Congo, pièce-maîtresse mondiale

Pensez que notre planète est à la limite de son extinction car « les civilisations, comme les hommes, meurent. » (Paul Valery)

JOUTES ORATOIRES

Le 9 décembre 2021 a eu lieu dans une salle annexe du mémorial Pierre Savorgnan de Brazza, sous forme d’un concours d’éloquence, une plaidoirie pour la survie de l’humanité.

Etaient présents dans la salle , le personnel diplomatique (dont l’ambassadeur de l’Union Européenne au Congo), la directrice du Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza, des professeurs d’Université et des artistes engagés dans des ONG humanitaires.

Dix orateurs triés sur le volet, pour la plupart étudiants en Master de Droit à l’Université de Brazzaville et celle du Kouilou (Loango), se sont lancés dans des joutes oratoires ( à fleurets mouchetés) où un jury avait le devoir de statuer sur l’esthétique linguistique des candidats, leurs références aux lois sur l’environnement, leur culture générale et leur « charisme »...

Le sujet : « Environnement et santé. Quelles perspectives et quelles stratégies pour le Congo. » Militants pour un développement durable, les rhétoriciens ont tous argumenté pour une bifurcation écologique.

L’ambassadeur de l’Union Européenne au Congo, dans sa note de synthèse, a félicité les participants et a eu le bon sens de préciser que les messages allaient recevoir une bonne écoute des autorités locales.

Mais en vérité, l’exercice a plus compté sur la manière personnelle des étudiants d’exposer en public en combattant le stress, de prendre la parole, d’articuler et la forme et le fond. Rien de tel comme pédagogie pour des futurs juristes et des candidats au métier d’avocat. C’est sans doute aussi l’avis de Me Mathilde Quenum, avocate et présidente du jury d’éloquence.

Le concours du 9 décembre a été remporté par Josué Mezath Emmanuel. Ci-après la liste des concurrents : BIMBOU GLOIRE Victoire, MEZATH Emmanuel Josué, MADZOU Vyclath, NIENGUET Dominique, MOUNTOULA Chandrelle, NGAMBE Meplhin, ABONGO Fardy, O NDONDA Yowane, LIKIBI Bergerac, KONDE Belvina.

Ecoutons la dissertation de Victoire Magloire Bimbou, étudiante en Droit à l’Université Marien Ngouabi :

Si le 21 siècle, s’en tire à bons comptes avec ses innovations et les progrès industriels, il en paie l’addition en étant confronté aujourd’hui à un défi impliquant sa survie.

Arroseur arrosé, ce siècle paie les pots cassés puisque les savants et les apprentis sorciers l’ ont eux- mêmes provoqué car en effet, l’homo-sapiens-sapiens a durant ce siècle complexifié sa technologie plus que pendant les 100.000 premières années. Sollicitant les ressources naturelles avec une rare boulimie, elle en fait aujourd’hui les frais, victime de son génie et de ses ambitions.

LE CONGO EN PREMIERE LIGNE

La nature est un tyran honnête. Elle a présenté sa note à la société postindustrielle. Le bordereau s’intitule : « réchauffement climatique ». Augmentation générale des températures moyennes, multiples catastrophes naturelles, ouragans, déforestation, incendies de forêts, les cyclones dont le spationaute français Thomas Pesquet a été le spectateur sont le lot des habitants de la terre au 21ème siècle.

Le bilan des États victimes de cette triste série d’événements concerne hélas aussi notre pays, le Congo.

Car en effet, notre Etat connaît depuis quelques années les effets nocifs et flagrants du réchauffement climatique. Notamment l’ensablement du fleuve Congo, la montée inquiétante des eaux autour de l’île Mbamou et sur de la zone côtière de Loango, menaçant de disparition l’île de Cuna Ntamo et craignant la destruction du précieux patrimoine culturel et historique du Kouilou, point de déportation des esclaves vers les Amériques.

Dans un environnement devenu agonisant, plusieurs États et organisations internationales se mobilisent afin de stopper, sinon freiner, cette course folle vers le précipice.

Situé à l’avant-garde de la survie de la Terre, le Congo Brazzaville en comprend-il les enjeux et mesure-t-il le parti qu’il peut en tirer sur le plan de son développement durable ?

D’aucuns pourraient s’interroger sur l’impact que pourrait avoir un pays en voie de développement et d’une superficie de 342.000 km2 pour 4 millions et demi d’habitants face à une menace de niveau planétaire ? Le Congo fait-il le poids, en dépit de sa régulière participation dans les différentes Cop, comme la 26ème en Ecosse et en tant qu’acteur majeur dans la problématique de la tourbière qui retient prisonnier le carbone et neutralise l’effet de serre qui menace la planète ?

Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, le Congo l’un des derniers espoirs de l’humanité peut se targuer de compter dans la gestion rationnelle du Fonds Bleu dans la région des Grands Lacs ; tout comme il peut tirer son épingle du jeu dans le dossier sur le Fonds vert alors que la déforestation commence à avoir raison de la réserve sylvestre amazonienne.

Mieux : comme cela a été rappelé à la Conférence de Glasgow au Royaume-Uni (2021), la forêt équatoriale, dans le Bassin du Congo, abrite un immense massif de et de tourbières. Quel atout politique et économique que cette potentialité écosystémique !

CHIFFRES

Comptant une superficie forestière de 22.410.682 hectares soit 65,52% du territoire combiné à 11.793.318 hectares soit 34,48% du territoire national, et avec ses tourbières situées dans la cuvette centrale, le Congo offre une capacité de séquestration de 31 milliards de tonnes de carbone net. Le possède une bombe dans ses entrailles.

BOUCLIER PLANETAIRE

Avec la quasi-destruction de l’Amazonie, l’humanité n’a pas d’autre choix que miser sur le Bassin du Congo. Le poumon de la planète, se trouve au Congo, dans l’écosystème situé entre RCA, RDC et CB. Par malveillance politique, il se pourrait que ces milliards de mètres cube de CO2 servent d’instrument de chantage pour renflouer des poches ; ce serait une erreur que les Sommets ne devront jamais commettre. Ca s’est vu dans les contrats pétroliers, poule aux œufs d’or, alors que les signataires ne tiennent pas compte des dégâts sur l’environnement.

Or le Congo et les autres pays du bassin du Congo méritent largement le titre de bouclier de la planète.

Ayant compris qu’il n’y a pas de planète B comme le dit si bien l’activiste Greta Thunberg, le Congo depuis la convention de RIO de 1992 clame son implication et s’évertue à tenir ses engagements vis-à-vis de la planète. Acceptant de passer d’une économie basée sur l’exploitation forestière à une économie s’appuyant davantage sur les ressources issue de la gestion des eaux. La sous-industrialisation de la région des Grands Lacs est paradoxalement un atout pour une énergie propre, loin du modèle apocalyptique que représente l’énergie nucléaire dans les pays occidentaux. L’énergie solaire et l’énergie éolienne apparaissent comme des substituts imparables. Or l’Afrique, don de la nature, en regorge.

L’histoire retracera qu’en 2005 le Congo a été le lieu de signature du traité relatif à conservation et à la gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique Centrale et instituant la commission des forêts d’Afrique Centrale ; qu’en 2008 il a été sélectionné comme pays pilote du REDD+ par le fonds de partenariat pour le carbone forestier, qu’à ce jour, il est leader de la commission des forêts d’Afrique Centrale, qu’en 2017 il faisait partie des pays signataires de l’accord de création du fonds bleu. Et qu’en 2021 il s’est engagé à planter 40000 hectares de forêts afin de séquestrer 10 millions de tonnes de carbone.
« Découvertes, il y a sept ans, par deux chercheurs britanniques de l’université de Leeds, les tourbières du Congo représentent la zone tourbeuse la plus vaste au monde. Près de quatre fois la Suisse, elles emprisonnent trois années de la pollution mondiale, l’équivalent de vingt ans de CO2 des États-Unis. » (http://www.dac-presse.com/urgence-climatique-un-single-pour-obtenir-la-transparence-sur-la-gestion-des-tourbieres-du-congo/?fbclid=IwAR2C9r6DfTe8FZzB59d91DaGr3qe564UydPpwMgMywp2oxX-zazuq1o03-4)

Le Congo fait partie de la solution. Mais il n’y a pas que notre pays. Car il ne s’agit pas d’un combat que l’on peut mener seul. Il ne s’agit pas de démontrer qui est le plus grand, le fort ou le plus riche, mais il s’agit de préserver la vie dans notre maison commune.

Les États ne peuvent plus s’offrir le luxe de minimiser le danger qui nous guette. Ils ne peuvent plus regarder ailleurs alors que la maison brûle.

Par sa situation stratégique, notre terre a un rôle déterminant dans le défi de la préservation de l’écosystème mondial. Alors ne le bafouons pas, renforçons-le.

Congolaises, congolais, jeunes et vieux, citadins et paysans, plantons des arbres, préservons nos forêts, veillons sur notre environnement, nos fleuves, nos rivières. Soyons tous des colibris de la légende amérindienne et répondons aux pessimistes comme au tatou : « Je fais ma part ».

Victoire Magloire BIMBOU

Appendice

Sur la page Facebook de l’Union Européenne : « Union européenne au Congo Brazzaville
9 décembre, 18:00 ·
Nous ne pouvions clôturer ce premier volet de restitution du concours de plaidoyer sans décerner une mention spéciale à Victoire Bimbou. Passée à un fil d’accéder à la finale, Victoire en a ému plus d’un par sa force de conviction. Malgré le stress qui s’est emparée d’elle et la difficulté d’être la première à plaider (tirage au sort oblige), sa prestation a marqué les membres du jury et l’auditoire. Si le concours s’était limité aux phases des présélections, nul doute que Victoire aurait remporté la palme. La vidéo qu’elle avait envoyée avait remporté l’adhésion du comité d’évaluation grâce à un traitement magistral de son sujet portant sur les droits de populations autochtones. Une très belle prestation qui lui avait valu la note de 17,5 et l’avait placée en tête des présélectionnés.
Pour cette fois, l’essai n’a pas été complètement transformée. Mais nous en sommes sûrs, un avenir très prometteur attend cette jeune congolaise aux très fortes convictions environnementales !

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