Juin 1990. Le président français François Mitterrand prononce à La Baule un discours qui laisse rêveurs les chefs d’Etat africains. Quinze ans plus tard, les relations Nord/Sud ne permettent pas aux pays d’Afrique de s’affranchir de la seule volonté de leur chef d’Etat.

Il y a 15 ans, le Mur de Berlin tombait, mettant fin à des décennies de guerre froide et créant des mouvements d’espérance pour les peuples englués dans des régimes totalitaires. Presque 15 ans aussi (juin 1990) que le président François Mitterrand prononçait à La Baule devant un parterre de chefs d’états africains un discours paternaliste aux relents iconoclastes, subordonnant désormais « l’aide au développement contre la démocratie ». On a longtemps épilogué sur ce discours qui, pour certains observateurs des relations Françafrique, n’était motivé à cette époque que par le contexte international chamboulé par les « vents d’Est ». Le président français n’entendait pas être à contre-courant de l’Histoire. Pour cela, il fallait préserver les apparences afin de s’inscrire dans l’histoire comme l’instigateur de la démocratie en Afrique. Pour novateur qu’il était dans sa forme, il n’en demeure pas moins que la lettre et l’esprit de La Baule sont à réinventer !

Quinze ans après, toujours sous le joug des dictatures

Pour preuve, quinze années après, la plupart sinon la totalité des pays africains croupissent toujours sous le joug des dictatures. La France a rejeté aux calendes grecques ce fameux principe de démocratie conditionnant sa coopération. Sinon, comment comprendre que la France entretienne encore et toujours des « relations privilégiées » avec les Eyadema, Biya, Bongo, Sassou, Obiang Guema pour ne citer que cela, qui ont montré par moult exemples, qu’il ne faudrait pas compter sur eux pour démocratiser leur société ! Il est vrai qu’ils se sont résignés à des artifices, à des ingrédients de façade : le multipartisme tronqué, des mascarades d’élections pour les maintenir au pouvoir à vie et pour contenter la communauté internationale qui, dans son ensemble, ignore les dures réalités de ces peuples abandonnés à leur sort et qui ne comptent plus que sur une hypothétique délivrance messianique ! Les monarques africains qui sont pour la majorité à plus de vingt ans de règne, n’envisagent pas de créer des conditions d’alternance démocratique car ils espèrent demeurer au pouvoir ad vitam aeternam.

Gabon : subterfuges démocratiques

Albert-Bernard Bongo devenu Omar Bongo au pouvoir depuis 1973 au Gabon, après les années fastes de rente pétrolière, pendant lesquelles il pouvait se gargariser de cette manne qui assurait une certaine prospérité au Gabon, doit faire face aujourd’hui à une crise multidimensionnelle qui est la conséquence de la gestion clientéliste, chaotique, clanique et mafieuse de son régime depuis 31 ans. Depuis la première élection multipartite de 1993 où il a été élu dans des conditions on ne peut plus douteuses au premier tour, son pouvoir aux abois multiplie des subterfuges démocratiques qui n’ont pour but véritable que la pérennité du régime contre la volonté populaire.

Congo : théâtre des rivalités entre occidentaux

Denis Sassou NGuesso, au pouvoir depuis 1979 (éclipse malgré lui de 1992 à 1997) au Congo, est le symbole même de la tragédie Françafrique. La République Populaire du Congo est le théâtre des rivalités entre les puissances occidentales pour le contrôle et le partage de son or noir. Il est de notoriété populaire que le président congolais est une marionnette aux mains de la compagnie Elf qui l’a réinstallé au pouvoir par la force en 1997 en versant le sang de nombreux congolais. Les André Tarallo, Le Floch-Prigent, Alfred Sirven et autres Charles Pasqua… épinglés par la justice française vous en diront davantage. S’il fallait transporter le Congo en France, Sassou Nguesso serait certainement aujourd’hui entre quatre murs en train de cauchemarder sur ses nombreux crimes contre son peuple.

Cameroun : zéro pointé en démocratie

Lorsque Paul Biya prend le pouvoir en 1982, le Cameroun est un pays prospère et promis à un bel avenir (constat que lui-même en fait à l’occasion de son discours de prise de fonction). Vingt-deux ans après, ce pays est au bord de l’effondrement. Toutes les infrastructures -construites par son prédécesseur- sont obsolètes et désuètes et rien de nouveau n’a été entrepris par « l’homme du six novembre ». Malgré le fait que le Cameroun bénéficie d’une aura internationale grâce à son football (cinq participations à la coupe du monde, quatre trophées des nations), il ne dispose pas d’un seul stade de football digne de ce nom, et est incapable d’organiser une compétition africaine. Le pays croupit dans toutes les formes de misère et l’Etat a foutu le camp.

Celui qui voulait se définir comme le meilleur élève de François Mitterrand en matière de démocratie s’avère être le pire. En 1992, il est battu aux élections présidentielles (résultat confirmé par le NDI américain) mais il a refusé de céder le pouvoir. La suite des élections dans ce pays jusqu’à ce jour n’est que parades qui ne valent que pour les hiérarques au pouvoir et leurs affidés internationaux. Les Camerounais ne croient plus à la politique ni à la démocratie. Les résultats de la présidentielle prévue pour ce mois d’octobre sont connus d’avance… D’ailleurs Paul Biya a annoncé que ceux qui veulent le voir partir doivent encore attendre une vingtaine d’années !
Au demeurant, le soleil du discours de La Baule était une leurre...

Moustapha Raymond

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