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Catharsis

L’Editorial de Benda Bika

C’est une vraie frénésie littéraire qui s’est emparée de nos hommes politiques. Il ne passe pratiquement plus de mois que la presse du pays ne nous propose à lire de leur littérature. Entre la poésie des uns, les romans de certains et, surtout les essais politiques, nos hommes politiques donnent l’impression d’être des stakhanovistes du livre !

Dabira, Moukouéké, Mokoko, Malula Nzambi, Aimé-Emmanuel Yoka, Martial de Paul Ikounga, Henri Ndjombo, Aimée Gnali etc… y sont allés de leur bafouille littéraire. Sans parler des « anciens » comme Denis Sassou-Nguesso (« Le manguier, le fleuve et la souris »). Ou de ceux qui, comme Tati Loutard ou Théophile Obenga, mènent politique et écriture dans leurs domaines de spécialité reconnus.

Les titres sont souvent aussi affligeants que le contenu. Mais le Congo qui n’était déjà pas si mal lotis en écrivains, a du faire un saut de géant dans les statistiques récentes de l’Unesco, c’est sûr ! A voir les apparences, nos hommes politiques et nos officiers supérieurs ne sont rien que des préposés aux académies littéraires. Des humanistes ayant la tête dans les vers et la prose – des pacifistes.

Evacuons tout de suite la question banale : « pour qui ? » Ils écrivent pour nous, c’est sûr. Et quitte à en avoir des indigestions, ces « œuvres » participent bien, et toutes, de notre patrimoine. Bons ou mauvais écrivains ; piètres politiques ou spécialistes du camouflage, tous ces noms sont nôtres. Congolais comme nous !

Les questions essentielles sont donc : pourquoi ? Et pourquoi maintenant ? La réponse que je risque n’en est qu’une parmi cent possibles.

J’ai comme l’impression que les violences inouïes que nous avons connues resurgissent de manière inattendue chez nous tous. J’ai vu dans les rues de Brazzaville ceux que dans la dérision de ma jeunesse universitaire nous appelions des « philosophes ». C’est à dire des gens qui parlent tous seuls dans la rue. Vous les saluez, ils n’entendent pas. Et ils rient, même au passage d’un cortège funèbre.

Nos hommes politiques se confient au livre, devenu un divan de psy. L’approche des élections et des grandes échéances appelle chacun à se justifier devant l’Histoire. Chacun eut son parti naguère, puis sa milice. Aujourd’hui, chaque politique brandit son
« livre » : « Je l’avais écrit ! »

Ils se racontent. Des mensonges à leur propre conscience souvent. Mensonges qui deviendront stratégie de conquête ou reconquête du pouvoir. Amoins que ce ne soit un appel secret à l’aide.

J’ai également noté que deux hommes politiques congolais, Benoît Moundélé Ngolo et Sylvain Makosso-Makosso, naguère caciques du PCT (« premier parti marxiste-léniniste d’Afrique »), ont offert deux Eglise aux catholiques. L’un à Boundji, l’autre à Kakamoéka. Un besoin de se faire pardonner de Dieu ? Mais de quoi ?

Nous sommes une société de traumatisés qui aura un jour besoin de confier ses angoisses à un psychologue puissant. Violences subies ou violences infligées, au nom de rien, resurgissent fatalement. Nos hommes politiques veulent s’exorciser de ce qu’ils ont fait. Ou fait faire. Et souvent, ils ne plongent pas leur regard profond en eux. La faute est toujours celle de l’autre.

Chez les Grecs, l’exercice qui consistait à dramatiser ses défauts et ses angoisses intrinsèques pour les extérioriser ensuite, ou en rire pour ne plus les connaître avait un nom : purgation des passions, ou catharsis.

Espérons que nos hommes politiques, qui comptent quelques innocents véritables, sachent écrire enfin les seules paroles qui nous intéressent : "plus jamais ça !" Et agir en conséquence.

Benda Bika

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