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Ecriture noire, page blanche

Du complexe de supériorité chez les Editeurs

Le métier d’éditeur dont le but est de faire profiter à l’homme les bienfaits de l’invention de Gutenberg (l’imprimerie), ce métier est parfois exercé par des gens sans foi ni loi.

Entre la publication «  à compte d’éditeur  » et celle « à compte d’auteur », difficile de savoir dans laquelle l’auteur trouve son compte. Ce qui est sûr, dans les deux stratégies d’édition, l’auteur, au bout du compte, arrive difficilement au bout de ses peines. Des procédures judiciaires interminables deviennent son pain quotidien.

Comme souvent les clauses sont mal lues par les signataires, la collaboration finit généralement devant le Tribunal du commerce, car même s’il s’agit d’œuvre de l’esprit, c’est moins de capital symbolique que d’intérêts financiers qu’il s’agit quand on parle du livre. Mais il est vrai que, même « bien marchand », par les temps d’e-book qui courent, le livre ne se vend pas comme des petits pains. A moins d’être un Michel Houellebecq ou un Alain Mabanckou, difficile de vivre de l’écriture, fruit de son cerveau.

Qui dit marchandise dit enjeux financiers, qui dit jeu économique dit abus de pouvoir. On parle ici d’un rapport de force où des hommes sans scrupules se jouent de la naïveté des faibles.

Le champ le plus problématique est celui de l’édition dite « à compte d’auteur ». Dans cette stratégie, l’auteur prend en charge toute la chaîne graphique, de l’écriture du manuscrit jusqu’à l’impression de l’ouvrage, en passant par les corrections et les BAT (Bon à tirer). De ce fait, soit dit en passant, il faut une once de masochisme pour vouloir à tout prix entrer dans la catégorie des écrivains. « Une dose de folie pour entrer dans le folio » disait un critique littéraire.
« L’édition à compte d’auteur n’est pas toujours réalisée par des maisons d’édition mais par des prestataires de services qui n’assument aucun risque éditorial » (Wikipédia)

On pourrait croire que le système voisin dit « à compte d’éditeur » est une sinécure puisque l’auteur se remet corps et âme à l’éditeur. Mais là encore, c’est un quiproquo puisque, en définitive, ce n’est pas l’éditeur, c’est l’auteur qui se jette dans la fosse aux lions. La correction du manuscrit reste à sa charge et, lorsque le livre est enfin imprimé, l’auteur est tenu d’acheter à l’éditeur un tirage d’au moins quarante livres de... son propre livre. Le métier d’agent commercial pour lequel l’auteur n’est particulièrement pas préparé lui incombe alors ex abrupto. A lui de se constituer un réseau de vente. C’est ce que fait un célèbre éditeur dans le 5ème arrondissement parisien.

Enfumage

Un épais flou artistique entoure généralement le circuit de vente de l’éditeur. L’auteur ne sait jamais combien d’ouvrages sont vendus et, dans ce cas il ne voit jamais la couleur de ses droits d’auteur. Le comble du cynisme, c’est quand, l’éditeur, profitant de l’écran de fumée, réclame des dividendes à l’auteur sous des prétextes fallacieux. Donc, il faut beaucoup de vigilance de l’auteur pour échapper à l’escroquerie.

Raison de plus de bien lire clauses et alinéas du contrat, a fortiori quand ces aspects juridiques sont écrits en petits caractères et en bas de page.

Petites anecdotes de l’édition

On comprend pourquoi, excédé par l’emprise des éditeurs, Balzac tronqua sa casquette d’écrivain pour devenir lui-même imprimeur. Les anecdotes qui narrent le chemin de croix des auteurs sont légion. Marcel Proust, Nathalie Sarraute (pour les plus célèbres) eurent maille à pâtir avec leurs premiers manuscrits . Leurs éditeurs les envoyèrent paître, jugeant sans intérêt leurs écrits. La suite de l’histoire démontra que des diamants littéraires faillirent être jetés aux orties croyant avoir affaire à du charbon crasseux. La légende dit que même le grand André Gide (Les caves du Vatican, Les faux monnayeurs) participa à la grande cabbale anti-Marcel Proust qui vit son manuscrit (A la recherche du temps perdu) refusé par Gallimard sous prétexte que ce n’était pas de la littérature. Les éditeurs sont à tort ou à raison des grands manitous qui font la pluie et le beau temps dans le monde de l’écriture.
Mais à présent, avec la révolution internet, l’univers du livre a changé et la physionomie des éditeurs également.

Les nouvelles maisons d’édition

Comme il fallait s’y attendre, beaucoup de requins ont investi le monde de l’Edition. Et les manuscrits, nombreux, donnent l’occasion à ces moutons noirs de déployer leur cupidité en la matière. Etant donné que beaucoup de manuscrits sont appelés à être proposés sur le marché et que peu sont éligibles à l’édition, les écrivains africains sont prêts à tout pour se faire publier, quitte à signer un pacte avec le diable. Au chantage à l’édition, s’ajoute l’arrogance de l’éditeur.

Pour s’en tenir strictement au monde de l’écriture congolaise, les requins de l’édition pullulent. Connu pour être prolixe en hommes et femmes de lettres, le Congo justifie cette attraction de la canaille du Livre.

En effet des tigres de papier, généralement d’origine occidentale, sévissent actuellement dans l’édition de manuscrits d’Africains avec l’assurance que personne ne mettrait en doute le label «  Made in France ». Dans leur esprit, tout ce qui est fabriqué en France est bon.

Edition de Minuit

Certains parmi ces éditeurs se prennent pour des nouveaux Gaston Gallimard de l’encre noire en détresse. Si les Editions de Minuit n’existent plus, ils veulent sans doute occuper la place vacante.

Publier une vingtaine de Congolais(es) ne fait pas de nos nouveaux maîtres de la plume noire des spécialistes du livre africain voire de l’Afrique tout court. Si, cerise sur le gâteau, ce spécialiste du « roman noir » se rend en Afrique, le voilà devenu Docteur « es » Afrique. C’est la cas typique de Président autoproclamé, c’est-à-dire de dictateur potentiel. Un nouvel éditeur, aujourd’hui beaucoup sollicité par les Congolais sur la place de Paris, se reconnaîtra dans cette catégorisation.

Avec une servilité qui met mal à l’aise, il se trouve des Africains qui déroulent à ces tyrans de l’édition le tapis rouge dès qu’ils foulent le sol du continent noir, en l’occurrence le Congo. Cette attitude a été définie dans les travaux des psychanalystes sur le portait du colonisé (Frantz Fanon, Albert Memmi).

Sous l’emprise du complexe de l’Occident, des officiels congolais se plient en quatre dès qu’apparaît la figure du rédempteur européen dans leur pays. Les plateaux télé, les conférences à l’Université, les exposés à l’Institut Français, les réceptions dans les grands restaurants, les hôtels étoilés, rien n’est ménagé pour rendre hommage à ces supposés agents dotés de science infuse. Or l’expérience a montré que prendre tous les européens qui sillonnent l’Afrique pour des génies est un préjugé.

C’est le moment de rappeler ici qu’il est plus qu’urgent que le pays de Jean-Malonga, de Létembey Ambilly soit doté d’une maison d’Edition aussi importante que jadis les Editions Clef de Yaoundé et de Dakar.

Jean-Michel Kimona Mpassi

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