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L’ancêtre du VIH humain retrouvé au Cameroun chez des chimpanzés

Sur la rive gauche de la rivière Sanaga, au sud du Cameroun, plusieurs communautés de chimpanzés sauvages, une espèce en voie de disparition, vivent dans la jungle la plus impénétrable. Là, Pan troglodytes troglodytes, une des quatre sous-espèces vivant au Cameroun, y constitue le réservoir naturel du virus du sida des singes ancêtre du virus humain : c’est ce qu’a annoncé hier une équipe de chercheurs français, américains et britanniques dans la revue Science.

Il faut remonter en 1989 : deux chercheurs de l’Institut de recherche et développement (IRD), Eric Delaporte et Martine Peeters (coauteurs de la nouvelle étude) mettent en évidence au Gabon, l’infection chez un chimpanzé captif, par un nouveau virus inconnu, très proche génétiquement du VIH humain et baptisé SIV cpz (pour Simian immunodeficiency virus). Immédiatement la petite communauté scientifique qui étudie la généalogie des rétrovirus en vient à penser que la présence du virus VIH 1 pourrait résulter d’une transmission inter-espèces. Les chimpanzés sont en effet porteurs sains du SIV cpz qui se transmet à l’homme vraisemblablement par la chasse et la consommation de viande de brousse infectée.

Depuis 1989, seuls de rares chimpanzés captifs originaires du bassin du Congo ont été retrouvés porteurs du SIV cpz. Le SIV cpz est donc probablement l’ancêtre du sida de l’homme. Seulement probablement ? Oui, car il manquait un élément de preuve, un chaînon manquant capital : l’absence d’un réservoir animal ches des singes sauvages. C’est justement ce que viennent de trouver Martine Peeters et Eric Delaporte, qui ont avec d’autres mis au point une méthode de chasse écologique unique au monde. Ils sont allés à la chasse aux crottes de chimpanzés !

Recherche d’anticorps dans les excréments

Pendant quatre ans par périodes de deux à trois semaines, sur une dizaine de sites de la forêt camerounaise connus pour héberger des chimpanzés, ils ont ramassé des excréments : « Parfois, on revenait bredouilles. Ou avec une maigre récolte de 40 échantillons. Même si avec l’expérience, on apprend à distinguer des crottes de chimpanzés de celles des gorilles, on a des surprises », explique Martine Peeters. En effet, sur les quelque 600 échantillons prélevés, 67 étaient en fait le produit de gorilles et non de chimpanzés. La méthode d’analyse est suffisamment fine pour détecter de l’ADN mitochondrial non seulement spécifique de chaque espèce de singes, mais aussi les empreintes génétiques de chaque individu de chaque espèce !

Mais évidemment c’est surtout la trace du virus qu’ils ont cherchée dans les excréments. La présence du virus ancêtre a été détectée de la manière suivante : on a dans un premier temps recherché la présence d’anticorps spécifiques des antigènes du VIH 1 dans les échantillons de fèces. 34 spécimens, tous issus de chimpanzés troglodytes troglodytes contenaient des anticorps réagissant aux antigènes du virus humain. Pour douze d’entre eux, la réaction, dans son ampleur et sa spécificité, était strictement superposable à celle de plasmas humains infectés par le VIH.

Les chercheurs ont également extrait l’ARN viral des échantillons positifs et ont appliqué la technique de l’amplification génique. Résultat : les 34 échantillons appartiennent à seize chimpanzés (7 mâles et 9 femelles) qui ont tous de l’ARN viral dans leurs crottes. Sur 3 des 10 sites étudiés, près de 35% des individus sont porteurs sains du virus. Ils ont mis en évidence seize souches de SIV cpz extrêmement proches des virus VIH 1 humain. Les arbres phylogénétiques construits à partir des séquences génétiques comparées ont donc permis de remonter à l’origine du virus humain, dans des communautés de chimpanzés : quatre des souches sont des « cousines » proches des virus humains. Pour les chercheurs, « cette abondance de données d’épidémiologie moléculaire désigne des chimpanzés du sud-est et du sud du Cameroun comme étant les sources originelles des souches humaines M et N du virus HIV 1 humain ».

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