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La Folie dans la pensée Kongo, de G. Mbemba-Ndoumba

Par LISS KIHINDOU -

La croyance à une dimension autre que celle qui est régie par le simple et le naturel est fortement ancrée dans les sociétés africaines. D’aucuns disent qu’elles sont superstitieuses. Mais, en Afrique ou ailleurs, comment considérer une pathologie qui, justement, met en déroute la raison ? Il apparaît même qu’elle a souvent été considérée, au fil des siècles, soit comme une manifestation du "sacré", soit comme une "manifestation démoniaque". L’approche de la folie d’un point de vue médical est relativement récente. La psychiatrie date en effet de la fin du XVIIIe siècle seulement. Qu’en est-il de la société congolaise ? Comment appréhende-t-on la folie dans la pensée kongo ? C’est l’objet du 5e essai de Gaston MBEMBA-NDOUMBA.

Pour comprendre comment la folie est interprétée et soignée en milieu kongo, il faut nécessairement se familiariser un tant soit peu avec ce dernier. Ainsi, le livre devient comme un guide de la société congolaise : on trouve des chapitres entiers sur l’organisation sociale, sur la structure et l’organisation familiales chez les Kongo, et surtout des chapitres sur la sorcellerie, les fétiches ou nkisi. Là en effet se trouve la clef pour comprendre la situation du point de vue kongo :

"La sorcellerie se présente comme la meilleure représentation pour le groupe, en tant qu’explication causale de tous les malheurs qui menacent l’individu lorsqu’il est atteint dans les sentiments vitaux de la personne, du lignage, du clan."
(La Folie dans la pensée Kongo, p. 97)

Mais le livre est également l’occasion de tordre le cou à certains préjugés. Il suffit d’un rien pour qu’un préjugé trouve matière à s’affermir. Lorsqu’il trouve un terrain fertile, n’en parlons pas : il se développe davantage, il prend racine. Même si j’ai apprécié L’Intérieur de la nuit, qui montre déjà la force de la plume de Léonora Miano, je n’ai pu me départir d’un certain malaise quant à la scène d’anthropophagie relatée dans ce premier roman de l’auteur. C’est un récit métaphorique, sans doute, pour montrer que celui qui accepte de faire une chose immonde, fut-ce sous le coup de la menace, est aussi condamnable que celui qui la lui fait subir ; mais il n’en demeure pas moins que cette scène alimente les bruits selon lesquels les Africains seraient des cannibales.

C’est donc à juste titre que G. M’Mbemba-Ndoumba précise :

"Le sorcier, croit-on, mange l’âme de sa victime, ce qui se traduit par la mort physique de celle-ci. On dit alors qu’on l’a mangé (dia ba ndidi). Mais s’agit-il d’anthropophagie, de cannibalisme ?

Si on peut y lire des pulsions cannibales ou des désirs de meurtre, il ne s’agit pas dans la pratique d’une activité anthropophagique ou cannibale comme l’ont véhiculé trop hâtivement certains ethnologues ne connaissant pas les langues de ces sociétés et notamment leurs tournures idiomatiques."

A propos des nkisi dont l’auteur parle, en voici quelques-uns (certains se souviendront peut-être en avoir fait usage ou entendu parler) :

Matompa : Est à l’origine de la maladie du sommeil et de certaines crises de folie.

Makubungu : Donne la force physique

Mpini : Rend invisible

Musselebende : Dispensateur de charmes, philtre d’amour
etc.

(La Folie dans la pensée Kongo, p. 109-110)

Vous l’aurez compris, la "Folie", sujet principal du livre, n’est finalement qu’un prétexte pour parler de la société congolaise en général, car Gaston Mbemba-Ndoumba n’a de cesse de consigner tout ce qu’il observe, d’instruire ceux qui le souhaitent sur les pratiques des Congolais.

Gaston Mbemba-Ndoumba, La Folie dans la pensée Kongo, L’Harmattan, 2010, 160 pages, 15, 50 €.

Par Liss Kihindou

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