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La santé et la souveraineté

Le président zambien, Levy Mmanawasa, est mort le 19 juin dernier, dans un hôpital parisien où il avait été admis après une AVC qui l’avait frappé lors du sommet des chefs d’état de l’Union africaine à Charm-el-cheikh en Egypte. En deux ans le Congo Brazzaville a perdu un président du sénat en exercice, un ancien président de l’assemblée nationale et trois anciens premiers ministres. Tous décédés dans des hôpitaux européens.
Si l’un des puissants d’Afrique meurt dans son pays ce ne peut-être que de mort subite puisqu’au moindre bobo ils se précipitent dans les établissements sanitaires des pays du nord. L’histoire de nos jeunes états est émaillée d’exemple de chefs d’état ou de dignitaires mort dans des hôpitaux étrangers, on ce souvient même que de l’un d’entre est mort dans l’avion qui l’évacuait en catastrophe vers l’un de ces pays. C’est devenu une tradition, une banalité qui ne choque plus personne, il y aurait pourtant de quoi.

Un système sanitaire en lambeaux en raison du manque de souveraineté économique

Le système sanitaire dans l’ensemble des pays au sud du Sahara, Afrique du Sud exceptée, relève de l’indécence. Nous n’avons plus d’hôpitaux, mais de véritables mouroirs. Plus rien n’y est aux normes – existe-t-il un seuil dans ce domaine comme il en existe un pour la pauvreté ? En tout cas, ce seuil serait, négativement, très largement dépassé – il faut être fou ou ne pas avoir d’autre choix, comme la majorité des populations africaines, pour accepter d’y être admis. C’est pour cette raison que nos dignitaires qui ont, eux, les moyens de partir n’hésitent pas à le faire.
A qui la faute ? On pourrait en débattre des heures. Le film « Bamako » du cinéaste et ministre de la culture malien Abderrahmane Sissako, indexe la Banque Mondiale, le Fond Monétaire International et leurs programmes économiques libéraux imposés aux pays ont saigné les services sociaux, la santé en premier lieu.
 Si les institutions financières internationales ont pu imposer ces programmes aux états africains c’est bien parce que la quasi-totalité d’entre eux ont perdu, à cause de leur lourd endettement, leur souveraineté économique. Le problème avec cette fameuse dette africaine et qui est à l’origine de nos malheurs, c’est que l’on ne sait pas où sont passées les centaines de milliards de dollars que doivent nos pays.
Le Congo a une dette extérieure de plusieurs milliards de dollars. Les différents gouvernements qui se sont succédé ont demandé aux congolais, pour les rembourser, de serrer la ceinture pour la rembourser, sans être capable d’expliquer ce qu’ils avaient fait de cet argent.
Si la raison qu’évoque le film d’Abderrahmane Sissako est retenue, les populations congolaises subissent les conséquences d’un endettement dont elles n’ont pas bénéficié et dont elles ne sont pas responsables. C’est d’autant plus choquant que les responsables, leurs gouvernants, échappent à cette austérité.
Est-ce, la seule raison ?

Le manque de considération du service public

Lorsque le fils du paysan et celui du cadre partageaient les mêmes écoles, les établissements scolaires publics bénéficiaient de meilleures conditions qu’aujourd’hui où les nantis envoient leur progéniture étudier dans le privé.
Parallèlement, si l’hôpital va si mal dans notre pays, c’est parce que ni les dignitaires, ni leur famille ne prennent le risque de les fréquenter. Imaginons un instant que les portes des hôpitaux européens soient fermées aux et que le président, les ministres, leurs famille et la en général soient contraints de se faire soigner au CHU. Les ascenseurs en demeureraient-ils en panne [1] ? Ses murs seraient-ils toujours aussi lépreux et sa cour telle une décharge publique ?
Ce n’est pas une question de moyens. Combien coutent chaque année à l’état les frais d’hospitalisation et d’évacuation sanitaire vers l’étranger des dignitaires de la république ? Si les chefs d’état africains sont à même de se constituer en Europe et ailleurs des patrimoines immobiliers, comparables à ceux des émirs orientaux pourquoi sont ils incapables de faire ériger des hôpitaux modernes et bien équipés ?
L’Afrique manquerait-elle de médecins ? Les établissements européens et américains regorgent de médecins africains de qualité ayant fui les conditions de travail exécrables de leur pays d’origine. Ils n demanderaient qu’à y revenir pour peu qu’on leur donne des conditions de travail et de rémunération décentes. La médecine est une profession ouverte sur le monde. Dans les hôpitaux français, anglais ou américains on trouve des médecins du monde entier. Des médecins européens, asiatiques et d’autres coins du monde exercent déjà en Afrique, il suffit juste de créer les conditions pour qu’ils soient plus nombreux à franchir le pas.
Si le système sanitaire dans de pays comme le Congo Brazzaville sont dans un piteux état c’est à cause du manque de volonté politique.
En solidarité avec les victimes du tremblement de terre qui a provoqué des centaines de milliers de mort et plusieurs millions de déplacés dans la province du Sichuan, l’état congolais a offert à la Chine un millions de dollars. Dans le même temps il est incapable de soulager la souffrance des malades congolais privés d’ascenseurs depuis plus de 10 ans au CHU. Un investissement bien plus faible aurait permis de les satisfaire.

Un pays incapable de soigner ses citoyens n’est pas un pays libre

La santé des hauts responsables de l’état relève de la sureté nationale. Peut on imaginer un seul instant le président français se faire soigner dans un hôpital américain par des médecins américains et vice versa ?
L’épisode Bouteflika vs Le Pen [2] aux antipodes de l’attitude digne du cubain Fidel Castro qui a refusé d’aller se faire soigner à l’étranger, alors que son pays est sous embargo américains depuis près de 50 ans doivent nous faire réfléchir.
Souveraineté ne veut-il pas dire être capable de se prendre en mains ? Un état incapable de satisfaire aux besoins fondamentaux de ses populations, obligé de recourir systématiquement à l’étranger pour les satisfaire n’est pas souverain ! Nos gouvernants ne sont là que pour faire « façon », pour reprendre une expression chère à nos amis Ivoiriens. Mukozi ya ndzala !

Justin Osalikongo
Metz, France

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