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Le retour au pays de Laurent Gbagbo Koudou : les couacs à foison

« Quant à savoir avec qui Laurent va passer la nuit, Simone ou Nady, il faut quitter dans ça !  » a commenté un comique pro-Gbagbo lassé par la polémique autour de l’attitude ambiguë de l’ancien Président ivoirien rentré dans son pays le 17 juin 2021 après un long séjour (10 ans ) en Europe.

L’humoriste ivoirien ci-dessus faisait allusion à la double vie de Gbagbo, né en 1943 (78 ans). L’évocation de sa sexualité : « c’est arrivé jusque là-bas ! » disent les Ivoiriens dans leur style langagier si particulier.

Au vu de ces gestes iconoclastes, le Président du FPI a-t-il finalement raté sa sortie « ou bien » ? Comme quand on aime, on pardonne tout, le tonitruant Bété a-t-il, au bout du compte, réussi son entrée sur la scène politique ivoirienne ou y a-t-il eu fiasco ?

L’anti-françafrique

Ses partisans, il faut le dire, ont nourri et nourrissent un immense espoir sur ses potentialités politiques post-carcérales. L’évènement du retour attendu, non seulement en Côte d’Ivoire mais aussi dans le reste du continent noir, notamment chez les panafricains, compte changer, selon ses fans, le visage du continent car durant la crise ivoirienne, Gbagbo, patriote ( comme on les aime), a tenu ferme face à l’ingérence décomplexée de la France via Nicolas Sarkozy.

Finalement chassé du pouvoir (injustement selon ses supporters), on lui attribua la veste de martyr, la même que Lumumba, la même que Thomas Sankara.

Les couacs

Après moult reports, le jour J, jour du retour au bercail, toute la ville d’Abidjan (pro et anti) s’est retrouvée à l’aéroport Houphouët Boigny accueillir l’enfant prodigue. Premier couac : l’attitude de Gbagbo envers la mère de ses deux filles, Simone Eyet, fervente chrétienne évangéliste. Deuxième couac, l’ancien Président annonce sa reconversion au catholicisme. Il entame, dans la foulée du retour, une procédure de divorce avec son épouse, cofondatrice de son parti le FPI, transgressant ipso facto la sacralité du mariage selon la dogmatique catholique romaine. Mobile suprême d’excommunication, le chrétien Koudou Gbagbo n’avait jamais caché l’existence de sa deuxième épouse, Nady Bamba, mahométane du Nord, dans les bras de laquelle il ira se blottir en Belgique après sa libération provisoire, peu avant son retour au pays.

Certes cette polygamie sera toujours perçue par ses partisans comme un message politique fort lancé à la Nation, symbolisant la réconciliation entre le nord musulman et le sud chrétien à un moment où l’accusait de prôner le concept clivant d’ivoirité.

Winnie Mandela

De toute manière, le ton sera donné sur le tarmac, devant la foule bigarrée car Laurent aura refusé les honneurs du salon présidentiel de l’aérogare.

Quand Laurent Koudou Gbagbo fait tomber Simone en disgrâce en la répudiant, tout le monde a en tête l’image de Winnie Mandela, épouse de Nelson Mandela Madiba, qui passa pour le modèle édifiant de l’épouse brisée, bafouée, recevant sa lettre de divorce bien qu’elle lui soit restée fidèle pendant son long séjour au violon.

Dieu n’est pas obligé

On notera que pendant le purgatoire de La Haye, toute la communauté évangéliste de la Côte d’Ivoire consacra des cultes entiers auprès de Dieu Le Père afin que se réalise la prophétie selon laquelle Laurent Gbagbo allait redevenir le Président de la Côte d’Ivoire après l’imposteur Alassane Dramé Ouattara.

Il est trop tôt pour dire « échec et mat ».

L’exil c’est dur : des précédents

Il ne demeure pas moins que les retours politiques après un long séjour dans l’enfer de l’opposition sont souvent mitigés. L’Ayatollah Khomeiny est un modèle du genre. Il rafla la mise en remplaçant le Shah d’Iran après un long exil en France. L’un des rares sur le continent noir qui effectua un retour au pays avec succès, c’est Sassou qui, en 1996, retrouva son fauteuil occupé par Pascal Lissouba après, certes, avoir fait couler un torrent d’hémoglobine. En revanche Bernard Kolélas Bakana, amadoué par le miel de la corruption, fit chou blanc quand il effectua son retour au pays pendant que Sassou était aux affaires, compromettant à long terme l’avenir des Kongo.

En vérité, il ne faut jamais retourner sur les lieux du crime dit la dramaturge Agatha Christie. En général la vacation du pouvoir aguerrit ceux qui deviennent Khalife à la place du Khalife. Ca raisonne en ces termes : « j’y suis, j’y reste. »
En 2025 auront lieu des élections présidentielles en Côte d’Ivoire. Vous imaginez le clan Ouattara les perdre alors qu’il les aura organisées ?

Être ou ne pas être

On ne peut pas être après avoir été puis continuer d’être tout le temps. Les prophéties des évangélistes ivoiriens, les pro-Gagbo, avaient beau représenter Laurent Koudou comme futur remplaçant d’Alassane Ouattara le Mossi, rien n’est joué.

L’avenir des Baoulé, Bété, Kroumen, Dida en Côte d’Ivoire ne suscite certes pas les mêmes inquiétudes que celui des Mbochi au Congo-Brazzaville mais il ne reste pas moins que le Mossi Ouattara a pris les devants d’émergence en dotant la Cote d’Ivoire d’infrastructures indéniables ; autant d’arguments en sa faveur reconnus mezzo voce par les partisans de Laurent Gbagbo. De quoi compromettre les chances des sudistes de revenir aux affaires.

Être ou ne pas être Président de la Côte d’Ivoire : telle est la question shakespearienne. Les partisans de Koudou Laurent l’infatigable ne se la sont jamais posé quoique beaucoup de temps s’est écoulé depuis la chute de l’homme. A moins que les sudistes pensent dans leur subconscient à Blé Goudé (la doublure de Laurent) qui attend encore son passeport pour rentrer au bercail. Quant à dire si Gbagbo sera Président ou non, « il faut quitter dans ça ». Car l’autre-là semble atteint par la limite d’âge de la raison.

G. B.

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