Le naufrage du PCT évité in extremis

Lékoundzou Ossé-Etoumba, chef de file des conservateurs, veut perpétuer la tradition d’un parti socialiste, ancré dans les idéaux édictés en 1969 par le fondateur Marien Ngouabi.
Aux antipodes de cette position, qu’il juge incompatible avec l’évolution politique de la nation, Ambroise Edouard Noumazalay est porteur du courant refondation pour lequel le parti doit disparaître pour, tel le phénix, renaître de ses cendres dans une structure entièrement nouvelle, animée d’idéaux libéraux. Pourtant, à y regarder de plus près, les deux courants demeurent les nostalgiques d’un passé au cours duquel le Parti était tout puissant. Ils ambitionnent de regrouper en leur sein toutes les forces vives de la nation sous la bannière d’un chef suprême et incontesté : Denis Sassou Nguesso.
Refondateurs ou rénovateurs, le problème se trouve donc ailleurs : comment sous une constitution pluraliste conserver à un parti des prérogatives qui ne peuvent exister que dans le cadre du monopartisme ? A n’en pas douter, ni Noumaz ni Lékoundzou ne possèdent la formule magique pour résoudre la quadrature du cercle.

En cette année préélectorale Sassou ne peut rejeter un parti à lui tout acquis, tant bien même il l’encombre et le gène aux entournures. En l’absence d’une nouvelle formation édifiée autour d’une jeune classe politique moderne, ambitieuse et créative lui permettant de réaliser son rêve de fin de règne, mener le pays sur la voie de la démocratie pour laisser à la postérité la mémoire d’un Président de la stature d’un Nelson Mandela, il a encore, pour un temps, besoin du PCTsaurus qui comme son cousin tyrannosaurus rex fonde son pouvoir sur la crainte qu’il inspire.

Dans ce combat de leadership, les deux caciques de la cour hissés au sommet du pouvoir depuis plus de 40 ans défendent bec et ongles leurs positions respectives au risque de sacrifier le Parti Congolais de Travail. C’est sans doute la crainte de la concrétisation de ce risque qui lors de la convocation du 5ème congrès à Brazzaville a poussé le suzerain de Mpila à en interrompre les travaux.

Quoi de neuf depuis l’ajournement du congrès ? Le rejet du vocable "refondation", mais la volonté d’élargissement du cercle de réflexion du PCT aux autres familles politiques. Le décor du futur 5ème congres extraordinaire du Parti Congolais du Travail est ainsi planté. C’est donc en rangs serrés que les militants du PCT se trouvent contraints de se rendre aux assises de Brazzaville. Curieuse conception de la démocratie.

Sauf erreur, la messe est dite pour Noumazalaï et Lékoundzou

qui devront passer le relais à une nouvelle élite sur les cimes du Parti. La preuve, la crise a été désamorcée par Isidore Mvouba, fidèle des fidèles, en l’absence des deux adversaires, mais avec l’aide de François Ibovi, ministre de la décentralisation et de l’administration du territoire, un autre vieux loup du Parti, détenteur de la co
nfiance du président du Comité Central du PCT.

Le congrès départemental du PCT au Kouilou

Les habitudes sont tenaces, les congressistes n’ont pu échapper au dithyrambe de "l’Immortel" Marien Ngouabi par Isidore Mvouba qui a entonné un chant populaire en son hommage. Sera-ce encore longtemps le prix à payer pour accéder à la mangeoire ?

Retenons que le fidèle continuateur de l’œuvre de Marien Ngouabi, Denis Sassou Nguesso a retenu au moins une leçon de son mentor : Ouvrir son cercle traditionnel de réflexion politique à d’autres familles et personnalités susceptibles d’insuffler un allant à son projet de société. Ce fut le cas de Pierre Nzé et Henri Lopez jugés compétents par Marien Ngouabi sur certains domaines. Pour ce faire il lui faudra une marge de manœuvre que certains conservateurs ne lui cèderont pas sans épreuve de force.

Après trois jours de travaux, les conclusions du congrès départemental du Kouilou, ont été adoptées sans recommandations ni amendements. Pas davantage de bilan des huit années de gestion des instances du parti au Kouilou par le camarade Alexandre Honoré Paka, pourtant très controversé sous le manteau. De fait, les débats ont été jugés stériles par nombre des membres du comité Central du PCT.

Au terme des travaux, un communiqué final, sans surprise, lu par monsieur Paka Florent a été suivi de l’adoption d’une motion de soutien au Président Denis Sassou Nguesso, président du Comité Central du PCT.

Le mot de clôture par Isidore Mvouba :
« Camarades militants des partis amis, camarades congressistes, le congrès du Kouilou a vécu. Au moment où nous venons de franchir une étape des plus importante de la route qui nous mène au 5ème congres extraordinaire de notre Parti, j’aimerais au nom de la délégation du présidium et à mon nom personnel saluer l’esprit hautement militant, la compréhension, la tolérance, la solidarité qui ont fait la réussite de ces assises. Je puis dire au risque de me tromper que le Parti dans notre département s’est retrouvé et a répondu massivement à ce défi. Je tenais à vous dire bravo. Au moment où nous allons bientôt à Brazzaville, j’aimerais dire une fois de plus que seule l’unité, la cohésion, l’harmonie dans nos rangs sont à même de sauver notre Parti-Etat [1], au regard de votre prestation de tous les jours, ça vous l’avez compris. C’est pourquoi comme on le dit, le cœur léger et l’esprit en paix que je voudrais, au nom du présidium, en mon nom personnel, ainsi qu’au nom du directoire et du président du Comité Central, déclarer clos les travaux de notre congrès dans ce grand département du Kouilou,
Je vous remercie. »

Le PCT sauve donc, son existence. Pourtant la crise n’est que désamorcée, le feu couve encore sous la paille. Sassou se passerait fort bien d’un parti qui risque à tout instant d’imploser. S’il est trop tard pour trouver une solution de remplacement avant les législatives, il ne pourra pas partir en campagne présidentielle assis sur cette bombe à la mèche allumée. L’après législative risque de voir la disparition définitive du Parti Congolais du Travail si ses élus se regroupent au sein d’une nouvelle formation plus en adéquation avec les objectifs de Denis Sassou Ngesso.