Franck Kando, un maestro des ciseaux

Dans la lignée de nos études de la vie parisienne que commença jadis Balzac, Bedel Baouna présente ici Franck Kando, un artiste de la coiffure.

Samedi 20 février,17h. C’est un salon de coiffure d’une coquetterie insoupçonnée, en amont de la rue Vicq d’Azir, tout près du métro Colonel Fabien, dans le dixième arrondissement de Paris. La façade est peinte en vert, couleur de Vénus et symbole du renouveau. Ou de la pérennité du printemps. A l’intérieur, aucune chaise vacante. Il y a là des hommes, des femmes et des enfants. Personne ne se crêpe le chignon malgré la longueur de l’attente. Dany, originaire du Congo-Kinshasa, attend son tour depuis deux heures et, selon le coiffeur, il ne pourrait pas le prendre avant 18h - deux clients sont arrivées avant lui. C’est que tout ce monde veut se faire couper les cheveux par Franck Kando, exclusivement. De quoi...dresser les cheveux sur la tête des concurrents, nombreux sur les boulevards parisiens.

C’est que chez cet artiste du capillaire, on peut tomber comme un cheveu dans la soupe : pas besoin de prendre rendez-vous, comme dans les salons européens.

La voix véloutée, Franck Kando, taille moyenne, ne panique pas devant cet afflux. Il y est habitué. En est content. Il a fait sienne cette phrase de Michèle Bernier : "La beauté intérieure c’est important mais, en boîte de nuit, si t’as pas la beauté extérieure, tu bois tout seul." Franck Kando l’a compris, alors par ses mains de miracle, il tente de ressortir cette beauté cachée. Quiconque sort de son salon est émerveillé par sa coupe de cheveux. Nul besoin de se mirer. "Quand je viens chez Franck, je n’ai pas besoin de me regarder dans la glace pour savoir si ma coupe est réussie ou pas", se pâme Dany.

Toutefois, Franck Kando ne prétend pas détenir, à lui seul, le monopole d’illuminer les visages. D’autres coiffeurs chévronnés existent, et il en connaît. En grand nombre. Mais, Franck les ...coiffe au pilori. Mieux encore, en homme très spirituel, il réconnaît que la beauté, la vraie, réside dans le bien-être, pas dans l’art de... couper les cheveux en quatre.

Franck Kando a fidélisé sa clientèle par son art. Une clientèle hétéroclite. Et, durant les vacances, certains de ses clients trépignent d’impatience. Ils ne confient pas leur tête à n’importe qui. "Le mois d’août est le pire moment que je passe : je suis obligé de conserver mes cheveux", dit Freddy, un autre habitué du salon de Franck. L’intéréssé, lui, reste indifférent à toutes ces louanges. Et pour cause : l’humilité est sa botte secrète. Et quand on lui demande ce qu’il pense de ce succès, d’un sourire débonnaire il répond par une seule phrase : "La réconnaissance du travail bien fait." En vérité, Franck Kando a un penchant pour l’art ; et, à ses yeux, s’impliquer davantage dans son travail est un art. Il répète à l’envi que dans la vie, le plus important n’est pas d’être journaliste, médecin, avocat..., mais d’éprouver une sensation de bien-être dans le chemin que l’on a choisi. Un coiffeur qui s’extasie sur son travail est plus heureux qu’un président de la République qui a rasé les caisses de l’Etat.

Il exerce ce métier en France depuis vingt-cinq ans sans que sa popularité ne faiblisse auprès de sa clientèle. Originaire du Congo-Kinshasa, il est le croisement de plusieurs identités : une part de ses racines surgissent de l’Angola. Mais il ne se considère pas comme un Français, un Angolais ou un Congolais, il fait partie de l’humanité. Tout simplement.

Après avoir travaillé dans deux salons du boulevard de Strasbourg, dans les années 1980-1990, il quitte le dixième pour le dix-huitième. Puis, en 2008, il repart dans le dixième, où il a ouvre son propre salon. Une entreprise qui marche. Aussi sa tête bouillonne-t-elle de projets. L’ouverture d’un complexe (beauté, coiffure, manucure, etc) à Paris et en Afrique (Kinshasa, Luanda, Brazzaville) demeure un objectif majeur à long terme. Aucun doute, il y parviendra. Son slogan : petit à petit, l’oiseau fait son nid...sur les cheveux d’un fakir indien.

Bedel Baouna