email

Amnesty dénonce "l’impunité régnante" au Congo

Les "atteintes aux droits humains" et l’instabilité se poursuivent au Congo, du fait de "l’impunité régnante", dénonce mercredi dans un rapport l’organisation Amnesty international.
Ce rapport, fondé sur des informations rassemblées en 2002, "s’intéresse aux raisons non élucidées du ciblage délibéré, par des forces gouvernementales et des miliciens +Ninjas+, de civils non-armés, ayant entraîné la mort de dizaines de personnes et le déplacement de milliers d’autres".

Atteintes aux droits humains et instabilité se poursuivent du fait de l’impunité régnante

mercredi 9 avril 2003 (01 h 00 TU)

« La force seule, particulièrement celle qui ne tient pas compte des droits humains fondamentaux, ne pourra mettre fin au conflit armé et apporter la stabilité à la République du Congo », a déclaré Amnesty International ce mercredi 9 avril dans un nouveau rapport.

« Pour que le Congo avance sur le chemin de la paix, les dirigeants politiques et militaires doivent comprendre qu’il ne saurait y avoir de tranquillité durable ni de progrès social et économique lorsque les droits humains ne sont pas respectés », a déclaré l’organisation dans son rapport sur les ombres du passé de la République du Congo.

Le rapport s’appuie sur des informations rassemblées par des délégués d’Amnesty International lors d’une visite en 2002 ; il s’intéresse aux raisons non-élucidées du ciblage délibéré, par des forces gouvernementales et des miliciens « Ninjas », de civils non-armés, ayant entraîné la mort de dizaines de personnes et le déplacement de milliers d’autres. Le rapport pose aussi la question de l’échec du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR) qui n’a pas su prendre de mesures adéquates pour empêcher les atteintes aux droits des demandeurs d’asile et des réfugiés en République du Congo et, de façon plus générale, dans la région centrale de l’Afrique.

« L’impunité régnante est toujours au cœur des violences et des insurrections armées. Les gouvernements congolais successifs ont cherché à garder le pouvoir et à bâtir une stabilité politique dans un contexte de graves atteintes aux droits humains perpétrées par leurs propres forces et celles de leurs opposants armés », a déclaré Amnesty International.

Toutes les parties au conflit sont responsables de graves atteintes aux droits humains fondamentaux, homicides illégaux commis sans discrimination, « disparitions », enlèvements, actes de torture, viols et autres mauvais traitements. Parmi les autres atteintes aux droits fondamentaux pour l’année 2002 ont été répertoriés des déplacements forcés de populations civiles locales non armées ; certaines auraient été attaquées, tuées ou blessées par des forces gouvernementales disposant d’hélicoptères de combat.

Selon des témoignages rassemblés par Amnesty International au cours de la visite de ses délégués au Congo en 2002, des membres des forces de sécurité auraient fait « disparaître » à la mi-1999 plusieurs centaines de citoyens congolais ayant fui Brazzaville fin 1998. Selon les témoignages de survivants, de proches des victimes et de groupes locaux de défense des droits humains, au moins 353 réfugiés regagnant Brazzaville à leur retour de la République Démocratique du Congo (RDC) en mai 1999 auraient été sommairement exécutés et on se serait débarrassé de leurs corps.

Un survivant des « disparitions » qui se fait appeler Brigadier afin de préserver son anonymat pour des raisons de sécurité, a déclaré avoir été arrêté avec au moins cinquante autres personnes, à leur arrivée à Brazzaville en mai 1999. Conduits par des responsables militaires de la présidence au quartier général de la police, ils ont été interrogés sur leur liens avec les miliciens « Ninjas ». On les a ensuite emmenés dans un ancien palais présidentiel où ils ont été violemment battus ; puis on les a conduits dans un bâtiment situé au bord du fleuve Congo, où ils ont vu des membres des forces gouvernementales congolaises et angolaises ainsi que d’anciens combattants rwandais hutus armés en exil et des mercenaires blancs à la solde du gouvernement congolais.

Les détenus ont ensuite été emmenés dans une pièce dans laquelle se trouvaient environ 200 corps ; on leur a ordonné de faire des piles de 25 corps chacune. Les corps auraient été ensuite arrosés d’essence et brûlés et les cendres jetées dans le fleuve. Pendant plusieurs jours, jusqu’au 24 mai, les détenus auraient reçu l’ordre de brûler des corps.

Les homicides se poursuivent. À partir de mars 2002, des dizaines de civils non armés ont été tués et des dizaines de milliers d’autres déplacés ; des dizaines de milliers de personnes ont été privées de toute aide humanitaire, du fait des affrontements armés entre forces gouvernementales et combattants Ninjas. À Brazzaville seulement, plus de 170 personnes ont été tuées au cours des premiers mois de 2003, parmi lesquelles des civils non armés.

Amnesty International est sérieusement préoccupée par le fait que le gouvernement congolais n’a pris aucune mesure adéquate pour établir la responsabilité et traduire en justice les personnes soupçonnées d’être responsables de ces atteintes aux droits humains fondamentaux. La justice n’a pas non plus protégé les citoyens congolais face aux arrestations arbitraires, aux détentions illégales et aux actes de torture qui ont, dans certains cas, provoqué la mort des victimes.

« Seule une enquête indépendante et impartiale permettrait d’établir toute la vérité et de mesurer l’importance de l’implication de fonctionnaires du gouvernement et de membres des forces de sécurité aux différents échelons de l’administration congolaise », a déclaré Amnesty International.

À de nombreuses reprises au cours de ces dernières années, le HCR a failli à son mandat qui est d’offrir protection aux demandeurs d’asile et aux réfugiés. L’agence pour les réfugiés a parfois facilité le rapatriement vers leur pays d’origine de réfugiés, sans garantie aucune concernant la sécurité et la dignité des personnes à leur arrivée dans leur pays d’origine.

Le HCR n’a informé ni la communauté internationale ni les réfugiés sur les risques encourus par ceux qui étaient rapatriés et n’a pas exigé que des mesures soient prises pour empêcher les refoulements. Le manque de transparence du dispositif d’assistance et de protection des demandeurs d’asile et des réfugiés a fait naître un climat de suspicion, voire d’hostilité envers le HCR et d’autres organisations humanitaires au Congo.

Les autorités congolaises, ainsi que les dirigeants de groupes politiques armés, sont les premiers responsables de la promotion et de la protection des droits humains fondamentaux dans leur pays. Cependant, ils ont besoin du soutien, de l’encouragement et de la coopération de la communauté internationale, y compris de gouvernements étrangers et d’organisations intergouvernementales.

Amnesty International appelle le gouvernement à prendre des mesures immédiates pour empêcher de nouvelles exécutions extrajudiciaires et d’autres atteintes aux droits humains fondamentaux. Le gouvernement doit faire en sorte que les atteintes aux droits humains, y compris les « disparitions » de 1999, fassent l’objet d’enquêtes exhaustives et que les personnes soupçonnées d’être responsables soient traduites en justice.

Les dirigeants des groupes politiques armés doivent contrôler leurs troupes et veiller à ce qu’elles ne commettent pas d’atteintes aux droits fondamentaux.

Le HCR doit remplir son mandat pleinement et protéger les droits des demandeurs d’asile et des réfugiés ; il doit veiller notamment au droit de toute personne à ne pas être rapatriée de force vers son pays d’origine ou tout autre pays dans lequel ses droits fondamentaux ne seraient pas reconnus.

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service de presse d’Amnesty International, à Londres, au +44 20 7413 5566 ou consulter le site www.amnesty.org

Lire le communiqué sur le site d’Amnesty International

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.