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Denis Sassou Nguesso en visite dans le sud Congo

Les services de la présidence veulent nous convaincre que la tournée du président sortant (pas encore candidat à sa succession) dans les six départements du sud Congo [1], n’a rien d’électoral. Il semblerait même que la présidence ait fait des recommandations pour que des T shirts déjà imprimés par les partis de la majorité et portant des slogans de campagne ne soient pas distribués. Il faudrait pourtant être atteint d’onchocercose pour ne pas voir qu’à J-3 mois de l’élection présidentielle les motivations électorales sont bien présentes, cependant, la campagne n’étant pas officiellement ouverte, DSN ne veut pas prêter le flanc à de nouvelles critiques.

1ère étape : Dolisie

Depuis le 46ème anniversaire de l’indépendance du Congo, Dolisie n’avait plus connu une telle activité. Denis Sassou Nguesso est de retour dans cette ville qu’il a connu étudiant. Depuis 2006, il y possède, à Mont Fleuri, une propriété somptueuse à l’emplacement même de l’ancienne résidence du maire [2] .
Sans doute aura-t-il posé bien des questions à propos des grands travaux qu’il avait initiés dans le cadre de la municipalisation accélérée et qui sont restés très en deçà de ce qui était prévu.

Tout ce que le Congo compte de notables, quémandeurs, courtisans et avides d’argent et de gloire à fait le déplacement dans cette superbe ville laissée tout au long de l’année dans l’abandon le plus total. Sans aucune industrie pour y booster le commerce la ville s’enfonce dans l’oubli et la misère. Autrefois capitale de l’or vert, vivant confortablement grâce au bois et à sa transformation elle a perdu ses activités lignières au profit de la petite cité de Mila-Mila mieux placée semble-t-il pour l’évacuation des grumes tant que la RN1 n’a pas été réhabilitée. Cette réhabilitation est aujourd’hui en cours.

A peine arrivé, Sassou commence le boulot. A l’aéroport il inaugure successivement la piste rallongée, bitumée et balisée pour l’usage nocturne, et la nouvelle aérogare qui va rendre leur dignité aux voyageurs.
Depuis 99, ceux-ci ont du s’accommoder successivement de baraquements en planches puis d’un interminable chantier informe où a chaque pas ils s’exposaient à l’entorse. Désormais ils disposent d’une structure moderne avec enregistrement et délivrance des bagages équipés de tapis. Un important parc de caddies a aussi été pourvu. Ces installations sont desservies à partir d’un hall vaste, climatisé et fort lumineux.
Pas trop tôt ! dira-on.

Il reste, certes, a équiper et ouvrir la cafétéria, mettre en place les comptoirs commerciaux des compagnies aériennes et quelques autres détails, mais désormais les voyageurs à l’arrivée et au départ de Dolisie ne seront plus traités comme du bétail.
Bémol à ce tableau, nous ne comprenons toujours pas pourquoi les flamboyants qui ornaient et donnaient de l’ombre au parking ont été arrachés sans être replantés.

L’hôpital de référence voit enfin ses portes s’ouvrir aux patients. Cette structure hospitalière interdépartementale est un fleuron de la santé dans le pays. Il est équipé de tout le matériel moderne à l’exception d’un scanner. Le président fait la promesse d’en fournir un.

En revanche le grand marché est encore loin de pouvoir être mis en service, bien que le chantier ait bénéficié d’un grand coup d’accélérateur. Seule une opération cosmétique a donné un aspect plus présentable à une partie du bâtiment. Il va encore falloir attendre quelques mois pour que le marché délocalisé au quartier Gaïa libère les voies qu’il a envahies et que les ménagères puissent faire leurs courses dans des conditions normales d’hygiène et de confort.
Que dire de la mairie en chantier stagnant et des hôtels du département et de la préfecture abandonnés par les entreprises à peine leurs structures sorties du sol ? Sans doute aura-t-il piqué une grosse colère en voyant que ces temples de l’administration sont délaissés.

Le lycée d’excellence, est terminé [3] et le président a pu le visiter, mais la décision a été prise de l’inaugurer à l’orée de la prochaine année scolaire en présence des élèves. Cet établissement est destiné à fonctionner à partir des cyber technologies, le Congo dispose-t-il de suffisamment d’enseignants d’un niveau d’élite pour enseigner le millier d’élèves et plus (internes + externes) qu’il est prévu d’y accueillir ? Il semble prévu de solliciter l’aide de la coopération française pour obtenir la collaboration d’une douzaine d’enseignants expatriés. La France en proie aux restrictions budgétaires fera-t-elle l’effort ?

Le président à visité un chantier pilote de la RN1 à la sortie de Dolisie. [4] Les infrastructures industrielles créées à Mila-Mila seront-elles déplacées vers la capitale du grand Niari à son ouverture ? On peut en douter, car les frais occasionnés par ce déménagement risquent bien de se montrer rédhibitoires, une autre raison est que les forêts exploitables s’éloignent de plus en plus de Dolisie. Il faudrait donc trouver pour Dolisie d’autres activités industrielles à valeur ajoutée pour éviter que seule sa fonction de nœud ferroviaire justifie l’existence de la ville.

2ème étape : Nkayi, la cité sucrière de la Bouenza

Denis Sassou Nguesso revient à Nkayi pour y inaugurer les travaux de voirie urbaine qu’il y avait ordonnés il y a 2 ans. Cette ville industrieuse grâce à la présence dans ses alentours de la sucrerie SARIS Congo, ne possédait aucune voie goudronnée. Aujourd’hui on peut s’y déplacer avec moins de difficultés sur trois grands axes, il faudrait que ces efforts se poursuivent.

Nkayi est située à l’extrémité d’un plateau. Les eaux de ruissellement viennent en éroder les bords entrainant des maisons dans les ravins. Il serait souhaitable que des mesures conservatoires soient prises pour enrayer le phénomène. A notre connaissance aucune étude n’a encore été menée dans ce sens.

3ème étape : Sibiti, préfecture de la Lékoumou

Depuis sept ans, Sassou n’avait pas remis les pieds dans ce département aux nombreuses ressources minières et lignières. La Lékoumou possède également un énorme potentiel agricole de nos jours délaissé. Ce département est traditionnellement acquis à l’UPADS [5], nous pensions sincèrement que le président allait y faire un bide.

Nous y arrivons deux jours avant le président avec le ministre Thierry Moungalla qui nous a invités [6]. L’enjeu pour lui est d’importance, "Le Chef" arrive dans la ville dont il est originaire. C’est en même temps la préfecture d’un département dont il est le seul ministre en exercice. Il remplit à l’INP (Initiative Nationale pour la Paix) la fonction de vice président chargé de la communication et porte parole. Il nous apparaît que l’INP se pose en rival du RMP face à la lourde charge de soutien au chef de l’Etat.
L’énorme machine de bataille qu’est le RMP n’a jamais été capable de décoller malgré les énormes sommes qui y ont été investies. Ce bébé d’Isidore Mvouba, le premier ministre et de son exécuteur des basses œuvres le ministre de l’environnement et du tourisme André Okombi Salissa ne paraît plus capable d’assurer la campagne présidentielle. [7]
Ce serait en raison de ces dissonances que Mpila a laissé l’INP se monter. Un succès à Sibiti placerait certainement TM en bonne place pour assurer la direction de campagne du président en lieu et place d’un Isidore Mvouba en fin de parcours.

A peine descendu de voiture, le ministre doit se plier au rituel des audiences à accorder aux militants, notables et plaignants qui se succèdent. Il faut distribuer les T-shirts, satisfaire aux exigences des cadres de l’INP et de l’Association des Amis de TM, distribuer de l’argent…
Il faut choisir des emplacements pour les banderoles, les disputer aux autres formations qui elles aussi cherchent la visibilité maximale, payer des jeunes pour les garder et sans cesse répondre aux innombrables sollicitations des visiteurs.

Moungalla, gère ses gens en prenant des décisions rapides. Sa volonté de réussite est palpable. Nous comprenons qu’il s’aguerrit au jeu politique, qu’il progresse dans sa manière de l’appréhender. Plus cynique que lors de nos précédentes rencontres, il n’a cependant rien perdu de sa spontanéité et de son humour, mais il est clair que ses ambitions ont évolué. Il ne nous semble pas pour autant qu’il fasse partie de cette classe d’hommes politiques qui s’enrichissent exagérément sur les fonds qui leur sont confiés, au détriment de la mission qui est la leur.

TM a été chargé de convoyer et délivrer les fonds octroyés par la présidence à la préfecture pour assurer les frais de la visite, 50 millions qui poseront bien des problèmes, le préfet semblant peu enclin à les utiliser aux fins auxquelles ils sont destinés. A chaque sollicitation, il botte en touche. Incapable de prendre en charge la nutrition de la délégation ministérielle. Le protocole de la présidence décidera en fin de compte de se substituer à lui pour ce volet.
C’est dans la résidence de l’ex-ministre des sports Marcel Mbani que les ministres présents à Sibiti se restaureront. Marcel Mbani fait la mauvaise affaire du week-end, on apprend qu’il a, alors qu’il était ministre reçu 700 millions de XAF pour construire un stade dans la ville, mais rien n’a été réalisé… Où sont donc les sous monsieur le ministre, surement pas dans votre résidence, elle ne vaut pas tant et nous nous doutons qu’elle a été payée par les primes de match des Diables-Rouges que vous avez oublié de régler.

La visite présidentielle

Les ministres présents à Sibiti

Quelles que soient les raisons de l’exceptionnelle mobilisation des populations de la Lékoumou, (conviction, vénalité ou désœuvrement), il faut bien reconnaître que c’est une marée humaine qui est venue accueillir le couple présidentiel et border l’itinéraire qu’il doit suivre. Le président et madame feront debout sur le plateau d’un Toyota hi-lux le trajet de l’héliport à la place rouge puis à la préfecture devant une foule compacte l’ovationnant en continu. Un membre de la sécurité présidentielle a comparé la foule à celle qu’il avait vue la veille à Nkayi où la population est cinq fois plus importante.
Nous pouvons affirmer que les rumeurs prétendant que les populations alignées le long de l’itinéraire présidentiel étaient des RDCiens déplacés à grands frais par le pouvoir sont fausses et infondées. Nous avons rencontré de nombreux ressortissants de Zanaga et de Komono qui sont venus avec de grandes difficultés. Nombreux, encore, sont ceux qui venant de villages des environs ont fait à pied 20km et plus pour assister à l’évènement. Est-il besoin de désinformer pour contrer Denis Sassou Nguesso ? Par contre nous avons vu beaucoup d’argent distribué comme récompense pour avoir porté le bon T-shirt.

Sassou reçoit les explications de Bruno Itoua sous l’oreille intéressée de J.J. Bouya

Le président tente de démontrer qu’il se préoccupe au plus haut point des deux épines fichées dans son talon : l’eau et l’électricité. A Sibiti, il visite l’usine de traitement d’eau qui vient d’être modernisée. Nous ne sommes pas certains que l’usine fonctionne réellement tant la couleur brunâtre de l’eau qui coule depuis les robinets de notre hôtel nous semble douteuse.
Sibiti n’est pas, actuellement raccordée au réseau en provenance de Moukoukoulou, mais elle est alimentée à partir d’une centrale thermique subordonnée à son approvisionnement en gazole. La ville n’était donc jusque là alimentée que durant quatre heures chaque soir. Désormais l’annonce est faite que le courant sera délivré durant six heures chaque matin et six heures chaque soir en attendant que le raccordement au boulevard énergétique soit réalisé. Sans doute faudra-t-il patienter pour cela que la ligne THT Pointe-Noire/Brazzaville actuellement en chantier soit terminée. Dans l’attente, et pour peu qu’il n’y ait pas de rupture d’approvisionnement ou de détournement de carburant, la mesure annoncée devrait faciliter la vie des populations.

Pour sa seconde journée à Sibiti, DSN a souhaité aller s’incliner sur la tombe d’Augustin Poignet. On se souviendra que les obsèques de ce serviteur de la république eurent lieu très peu de temps après ceux de Jean-Pierre Thystère Tchicaya qui ne furent pas une réussite pour le président. Il fut donc alors jugé plus prudent que Sassou n’y participe pas.

Il donne ce même jour le premier coup de pioche du premier tronçon du bitumage de la route Sibiti-Zanaga, trajet qui aujourd’hui demande plusieurs jours. Avec sa verve habituelle, Florent Tsiba, ministre de l’équipement et des travaux publics annoncera la poursuite des travaux routiers dans la région et en particulier le projet de liaison Sibiti vers le nord en shuntant Brazzaville. Malgré la pluie les populations se sont encore déplacées nombreuses.

Force est de constater que comme toujours, à l’approche des échéances électorales les chantiers s’emballent. Sassou fait là effectivement figure d’infatigable bâtisseur. Il compte sur l’amnésie collective qui fait que les congolais oublient que des années durant les travaux ont été réduits à la portion congrue. De fait pour que le Congo bénéficie d’un réel progrès de ses infrastructures il faudrait une élection présidentielle tous les deux ans, hélas c’est le septennat qui a été choisi. Cinq années pour le clan, deux années pour le Congo…

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