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Département du Pool - Les "Bob" ou ninjas-nsiloulou, dictent leur loi !

"La Semaine Africaine" 4 décembre 2003

Il règne, dans les localités des districts de GomaTsétsé, Kinkala, Mindouli et Kindamba, un climat délétère. Même si la guerre est finie, la paix n’est toujours pas au rendez-vous dans ces localités. Les anciens guerriers sont toujours présents et ces derniers temps, ils s’organisent comme si bientôt, ils vont affronter un tournant décisif. Tout peut basculer, d’un jour à l’autre.

Les ninjas-nsiloulou, adeptes du pasteur Ntumi, n’ont pas désarmé dans le Pool. Au contraire. ces derniers temps, ils s’organisent dans les villages. Avec leur tignasse rasta, ils s’appellent maintenant "Bob", en référence au célèbre artiste musicien jamaïcain, Bob Marley, mort en 1981, et qui a rendu Célèbre, à travers le monde, la coiffure rasta.

Pour exprimer leur ras-le-bol au gouvernement qui n’a pas tenu ses promesses, les "Bob" organisent des bouchons dans les villages qu’ils contôlent et rançonnent les populations. Dans les engagements croisés, le gouvernement, par la personne du ministre d’Etat, Isidore Mvouba, s’était engagé à recruter les ex-combattants ninjas dans la Force publique, comme cela a été le cas, au sortir la guerre de 1997, pour les ex-cobras. "Je m’engage, en particulier, à recruter dans la Force publique, les ex-combattants, dans la limite des disponibilités dégagées par le gouvernement et dans le respect des critères, les militaires de carrière étant mis à la disposition de leurs corps d’origine respectifs avec possibilité d’affectation dans la Zone de défense n°8", avait-il signé, le 17 mars 2003. Aujourd’hui, les ninjas-nsiloulou crient leur ras-le-bol d’avoir été dupés. Depuis la signature des engagements croisés, personne d’entre eux n’a été intégré dans la Force publique.

"Le gouvernement n’applique pas les accords signés. On ne voit rien de clair dans ce que dit le gouvernement congolais », déclarent-ils. Avant d’ajouter : « Pour que nous puissions déposer définitivement les armes, il faut le mot d’ordre de notre leader" (Ntumt). "Tant qu’il ne nous l’ordonne pas, nous ne pouvons pas déposer les armes".

A Madzia, à côté du vieux bâtiment, en ruine de la gare, les « Bob » sont là dans les hautes herbes qui dominent ce lieu. Sur tes rails, ils vous reçoivent, dans un climat pas jovial. Armés comme tour bon guerrier, ils n’ont rien à faire qu’exhiber leurs armes, pour se livrer au « grattage » ; Gratter les passants, autrement dit, tes rançonner. Dans la foule qui regarde, un homme aux cheveux blancs apparaît dans un complet bleu. C’est le chef du village qui tente de ramener ces jeunes égarés à l’ordre. Mais en vain. Gendarme à la retraite, il a rêvé passer ses derniers jours dans son Madzia natal. Il re- amèrement le temps passé. "J’ai 70 ans, aujourd’hui. Je pensais bien passer ma retraite au village. Mais, avec ces jeunes gens armés, je vais mal la terminer", avoue-t-il. Cette torpeur gagne presque la majorité des populations de ces tocalités.

Une jeune enseignante, fraîchement sortie de l’ENI (Ecole normale des instituteurs) de Brazzaville et affectée dans la contrée, ne cache pas son amertume : « J’ai bien peur, lorsque je vois ces hommes armés. La nuit, je ne dors pas du tout" Un autre enseignant, Paul, ne la contredit pas : "Ils terrorisent les populations. Ici, à Madzia, les populations souffrent. Elles sont toutefois menacées".

Pendant ce temps, à Kibouendé et autres localités situées sur le CFCO, les "Bob" ou ninjas-nsiloulou, tiennent toujours le haut du pavé. « La tension est très vive, ici, à Kibouendé », affirme un habitant, visiblement fatigué et émacié par les atrocités de la guerre. Même les militaires, qui ont fait la guerre dans le Pool et qui y demeurent toujours, ne savent plus à quel saint se vouer. A Matoumbou, les jeunes militaires en faction manifestent leur ras-le-bol du comportement des ninjas-nsiloulou. « Ils nous provoquent. Ils tirent toutes les fois, quand ils veulent. Ici, nous ne dormons pas. C’est difficile, on ne sait pas que faire ». Pendant la guerre, ces militaires ont effectivement tout fait : piller, massacrer, violer, tuer, brûler les maisons et les cases... Au bout du compte, les ninjas-nsiloulou sont toujours là.

Le contexte n’est donc pas sûr dans le Pool sud. Raison pour laquelle, le commandant de la zone militaire rappelle, toutefois, aux agences du système des Nations unies, aux organisations humanitaires internationales, aux ONG, etc., de toujours signaler leur présence à l’intérieur de ce département. Car, explique-t-il, « Avec ces enfants, le matin ça peut être bon, le soir, ça peut mal tourner ».

Les populations des villages Matoumbou, Madzia, Kibouendé, Missafou, PK Loualou, Loulombo, Mindoull, Kintamou, Nsamouna, Maboulou, Kololo, Mbamou, Yangui, Madidi, et consorts, qui regagnent leurs villages respectifs, retrouvent à nouveau « les enfants-là » comme on les appelle tantôt là-bas. A Kintamou, ils ont ravi les houes, haches, pelles, binettes, boutures de manioc qu’une organisation humanitaire internationale avaient offertes aux populations. A ce qui se dit, toutes les femmes de la zone auraient été violées par ces jeunes gens armés. En tout cas ; la présence des « Bob » armés est le signe que la paix n’est pas encore au dans le Pool. Le gouvernement se contente de l’absence de guerre après avoir solennellement signé les accords de paix. Mais, il risque d’être surpris par la reprise de la violence armée, faute d’avoir pris les mesures qui s’imposent aujourd’hui, pour garantir le retour de la paix. Les mesures nécessaires pour régler la question de la démobilisation et de la réinsertion des ex-combattants ninjas, selon les engagements croisés du 17 mars 2003.

Pascal NGALIBO-VALA (de retour du Pool Sud) et Joël NSONI

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