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Département du Pool : Multiplication des actes de banditisme qui font régner l’insécurité

Un article paru in "La Semaine Africaine" N° 2857 du Vendredi 9 Janvier 2009, démontre le manque de volonté politique et l’incapacité des forces de police congolaises à rétablir un climat de sécurité dans le Pool. Les sbires de Ndenguet prennent moins de risques en tracassant les opposants.
A qui profite le crime ?
Denis Sassou Nguesso a, paraît-il, fait entrer de grosses quantités d’armes de guerre, il dispose de forces de l’ordre et de forces armées pléthoriques, et on voudrait nous faire croire qu’il est incapable de remettre de l’ordre dans cette bande de bandits guenilleux qui n’ont aucune motivation politique.
Certes non, cette insécurité soigneusement entretenue avec sa bénédiction est le prétexte qu’il se garde pour se lancer dans une répression aveugle si son pouvoir est remis en cause.

Ninja, cobra, même combat...

Département du Pool

Multiplication des actes de banditisme qui font régner l’insécurité

La crise qui secoue le Pool, département qui entre dans sa onzième année (1998-2009) de situation de non paix, nécessite, aujourd’hui, une attention particulière de la part des pouvoirs publics, au moment où les Congolais entament l’année au cours de laquelle ils vont élire celui qui va présider, les sept prochaines années, aux destinées de la nation. La fin des affrontements armés, la tenue des élections législatives de 2007 et la construction de la route Brazzaville-Kinkala ne signifient pas que le Pool profond vit en paix. Les récents actes de violence enregistrés avant et pendant les fêtes de fin d’année, dans certaines localités du district de Mindouli, prouvent à suffisance que l’insécurité, dans ce département, règne toujours. Laissons parler quelques faits.

Jeudi 1er janvier 2009, un groupe d’ex-combattants ninjas armés, conduit par un certain Nziba, braqueur réputé, est parti de la localité de Missafou, située sur le chemin de fer, pour Louéngo, à 12 km, piller les biens des habitants de ce village. Après avoir échoué à leur opération de pillage de Louengo, ces ninjas se sont tournés vers Kiloubi, localité située à 5 km de Louengo. Il convient de signaler que depuis octobre 2008, Kiloubi vivait des actes de pillage perpétrés par les ex-combattants ninjas. Les habitants de ce village se sont constitués en groupe d’auto-défense.

Faisant face à la énième tentative de pillage, le plus brave des anciens du village a ouvert le feu sur le groupe des ninjas, à l’aide d’un fusil de chasse. Bilan : un blessé grave. Dans leur débandade, les ninjas ont aussi réagi à l’aide d’une Kalachnikov, faisant également un blessé du côté de la population [1]. Dans la panique créée, plus de la moitié de la population de Kiloubi s’est réfugiée dans le district voisin de Louingui et dans les villages situés le long de la frontière avec la République Démocratique du Congo. Pour tenter de rassurer la population de Kiloubi, un contact téléphonique a été établi entre les sous-préfets de Mindouli et celui de Louingui. En début d’après-midi du 2 janvier 2009, une réunion de sécurité s’est tenue à Mindouli, sous la direction du sous-préfet, Paul Ngoma [2], pour examiner, entre autres, cette situation.

 Le 10 décembre 2008, un ex-combattant ninja vivant à Kikaya, village situé après la rivière Loukouni, à quelques quatre heures de marche de Mindouli, a tué un homme qui était en train de travailler dans son champ, à quelques encablures de Kinkembo, localité située sur le chemin de fer. Les ninjas de Kinkembo ont mené une opération de représailles à Kikaya, village du ninja auteur du crime. Tout le village a été pillé et saccagé. Les populations civiles ont trouvé refuge dans la forêt ; des femmes ont été violées.
 Toujours courant décembre 2008, un groupe d’ex-combattants ninjas venant de Missafou a traversé la frontière des deux Congo, pour piller le village de Nzulu-Tsudi, situé dans le territoire de la République Démocratique du Congo. Les habitants de ce village ont fui, pour se mettre à l’abri de ces hommes sans foi ni loi. Informées, les autorités locales de la RDC, basées du côté de Miyamba et Mbanza-Ngungu, s’apprêtent à se rendre à Mindouli, pour rencontrer leurs homologues du Congo-Brazzaville, afin d’évoquer cette situation.
 A Missafou, une bagarre entre ninjas a failli dégénérer en affrontement armé, le 31 décembre. En effet, dans cette rixe, il y a eu une victime, un certain Torpète, jadis responsable du grand bouchon de Missafou sur la nationale n°1. L’homme est facilement identifiable par sa longue barbe, qui a été coupée à l’aide d’un couteau. Les armes n’ont pas retenti à la suite de cette bagarre, grâce au bon sens de certains ex-combattants qui n’ont pas voulu que la nuit de la Saint Sylvestre soit ainsi ensanglantée.
 Même scénario du côté de Mindouli, le 1er janvier 2009. Des ninjas en sont venus aux mains. Ici, il faut apprécier la magnanimité du président du R.m.p Mindouli, Dieudonné Ngayi, qui a su désamorcer cette bombe qui, certainement, s’apprêtait à faire mal.

Il faut dire que le climat que les ex-combattants ninjas font régner dans la plupart des localités du Pool est tel que des actes de provocation et de simples accidents de la route peuvent mettre le feu aux poudres. Dans de nombreuses localités très peuplées, la force publique est absente. Les ex-combattants ninjas, ayant encore leurs armes, imposent alors leur loi. En témoigne ce qui s’est passé le 1er janvier 2009, à Loulombo, une localité située sur le chemin de fer. Alors qu’un train-marchandises venait de s’immobiliser à la gare, avec à bord, trois unités des éléments des Forces armées congolaises à destination de Loutété, dans le département de la Bouenza, un ex-combattant ninja a vidé le chargeur de sa Kalachnikov à quelques dix mètres de la rame du train, en tirant des rafales. Le pire a été évité, grâce à la maîtrise de soi du chef de convoi qui n’a pas cédé à la provocation.

Dans la nuit du 31 décembre 2008, un ninja ayant pris un verre de trop, à bord d’une moto communément appelé Djakarta, a volontairement percuté un militaire des F.a.c. Ce dernier a été conduit d’urgence à l’hôpital. Ces jours ne sont pas en danger. Cet incident a créé un climat de peur, quant à ce qui pouvait arriver dans le village, le jour du nouvel an. Plus de peur que de mal, le camp de la paix l’a emporté sur les partisans du désordre.
Signalons, enfin, l’assassinat crapuleux d’une jeune fille par un ex-combattant ninja, qui était son copain, le dimanche 4 janvier 2009, à Massembo-Loubaki, village situé sur le chemin de fer, dans le district de Mindouli.

Au regard de tous ces actes de banditisme, force est de constater qu’aujourd’hui, les ex-combattants ninjas, détenant toujours leurs armes de guerre, continuent de maltraiter les paisibles populations. Le chemin de fer est l’illustration la plus grave de la terreur qu’ils continuent d’entretenir dans les villages de ce département. Si les militaires convoient les trains-marchandises, les ninjas, eux, s’occupent des trains-voyageurs et… salut les exactions, dans tout le parcours ferroviaire du Pool.

Le conseil départemental du Pool va se réunir le mois prochain. Mettra-t-il, à son ordre du jour, l’épineux problème de l’insécurité résiduelle mais persistante dans ce département, à cause des ex-combattants toujours armés ? En tout cas, son implication dans le programme de désarmement et réinsertion des ex-combattants apporterait, sans doute, une réponse efficace à cette question. D’autant plus que Frédéric Ntumi Bintsamou, le président du C.n.r (Conseil national des républicains), l’ex-rebelle qui a entretenu la milice ninja-nsiloulou, est, aujourd’hui, membre du conseil départemental du Pool.

Voilà une occasion propice, de traiter avec lui, la question du désarmement de ses anciens miliciens, après les valses hésitations qui caractérisent son attitude vis-à-vis du haut-commissariat à la réinsertion des ex-combattants. En tout cas, dans le Pool, département qui ressemble, toutes proportions gardées, à l’Est de la RDC, le retour de la paix véritable nécessite encore une grande mobilisation de tous.

E. N

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