email

Des flots et des larmes pour les riverains de la « Tsiémé » et de Ngamakosso – Brazzaville

Deux ans de municipalisation accélérée de Jean Jacques Bouya, le gourou du BTP du Congo-Brazzaville, pour la ville capitale n’y ont rien fait. La soif des brazzavillois de voir leur ville se moderniser est restée intacte. Les deux ans n’ont pas suffi à redonner espoir aux riverains de la « Tsiémé » tout comme ceux de Ngamakosso, de « Mama Mboualé  » et « Petit chose  », une zone où on ne pense plus que les habitants sont prêts à se jeter à l’eau pour soutenir le candidat Sassou comme jadis. Les travaux d’Hercules du Baron Haussmann du « chemin d’avenir » peinent à convaincre. Les résultats escomptés de l’assainissement de Brazzaville tout comme de Pointe-Noire se font toujours attendre. Après les trois morts officiels dus aux fortes pluies, espérons que les électeurs de ces quartiers réfléchiront par deux fois avant de confier leur destin à Sassou.

Alors que sous d’autres cieux (pays du Sahel, Burkina-Faso) les pluies sont attendues et accueillies avec hardiesse, au Congo-Brazzaville, elles sont source d’angoisse. Les habitants de Brazzaville et Pointe-Noire sont désespérés et ne savent pas à quel saint se vouer pour intercéder auprès de Dieu afin d’arrêter le déluge. Surtout pas à Hugues Ngouolondelé, le maire de Brazzaville qui passe son temps à mouiller la barbe à ses agents et est, nolens volens, maintenu à son poste par Denis Sassou Nguesso pour un troisième mandat (congopage.com, 1er novembre 2014). Autant dire que les Brazzavillois vont encore boire la tasse. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis le maire Youlou (1959) jusqu’à Ngouolondélé (2014) en passant par Hervé Mayordome. La dynamique municipale est allée décroissante, s’illustrant par des projets qui se sont réduits comme peau de chagrin.

Les pieds dans l’eau

Comme à la tombée de chaque pluie et pour la énième fois en deux semaines, la rivière Tsiémé située dans le 6ème arrondissement Talangaï, est sortie de son lit à la suite des pluies qui se sont abattues pendant deux jours, du samedi 15 au dimanche 16 novembre 2014, à Brazzaville. C’est devenu une habitude. Presque une routine. A chaque pluie succède une inondation. Et, à chaque inondation, un mur d’indifférence s’abat sur les riverains de La « Tsiémé  ». Ils sont abandonnés à leur propre sort. Kanga bissaka (SDF d’une urbanisation chaotique). Les services publics et les pouvoirs publics sont aux abonnés absents. Il n’existe d’ailleurs pas de centre communal d’action sociale (CCAS) au Congo-Brazzaville. Les habitants des quartiers Ngamakosso, « Mama Mboualé » et « Petit chose  » , la circonscription de Claudia Ikia Sassou, ne sont pas mieux lotis. Ils pataugent dans la même boue charriée par les eaux de pluie. Et pour cause. Les quelques
rares canalisations et les collecteurs d’eau du Congo-Brazzaville datent de la période coloniale et des premières années d’indépendance de 1960 sous l’abbé Fulbert Youlou et Alphonse Massamba Débat.

Bonjour les dégâts

« Bonjour tristesse  » s’écria Françoise Sagan : tel est l’état d’esprit des riverains de la « Tsiémé  » ainsi que les habitants de Ngamakosso, « Mama Mboualé » et « Petit’chose » en proie à la furie des eaux, au manque d’infrastructures d’assainissement et à l’urbanisation anarchique. Les conséquences ont été désastreuses pour les riverains de la Tsiémé. Du pont de Mikalou au pont de la Tsiémé en passant au-dessus des ponts de l’avenue des Ancêtres et de Papa Gâteaux, jusqu’au-delà de l’école de la Tsiémé et de l’Eglise Saint Augustin. Rien n’a été épargné.
Le presbytère de Saint Augustin est menacé. Le bilan évoque quelque 200 à 300 familles qui ont abandonné leurs habitations pour se mettre à l’abri, loin de la zone touchée. «  C’est absolument énorme. Les maisons et les ruelles ont été submergées », souligne Pierre Ngaya, un habitant de la zone. « Je n’ai jamais vu ça, un petit cours d’eau qui s’est transformé en un véritable torrent  », confie une riveraine de la Tsiémé (Les dépêches de Brazzaville, 22 novembre 2014). A Ngamakosso, on dénombre trois morts.

Brikolelas

Comment en est-on arrivé là ? Depuis plusieurs décennies, la rivière La « Tsiémé  » n’a pas bénéficié de travaux d’assainissement ni de simple opération de curage sauf sous le mandat de Bernard Kolelas à la mairie de Brazzaville sous la présidence de Pascal Lissouba. Un curage réalisé avec les moyens du bord : pelles, brouettes, houes, pioches etc… C’était du bricolage. Du « brikolelas » qui a apporté un peu de confort et de réconfort aux habitants de Brazzaville. Durant cette période, les inondations avaient sensiblement été réduites. Le répit avait été de courte durée. Le curage des ruisseaux de Brazzaville qui drainent les eaux dans le fleuve Congo amorcé par Bernard Kolelas avait été abandonné par la nouvelle équipe municipale dirigée par Benoît Moundelé Ngolo et installée à la suite du putsch de Sassou du 5 juin 1997. Pourquoi n’avait-on pas continuer dans cette lancée ? Lambert Galibali, Gabriel
Obongui, Louis Zatonga, Gabriel Emouéngué, Jean Jules Okabando, tous anciens maires de Brazzaville, n’avaient pas jugés indispensables l’engagement des travaux d’assainissement de cette rivière qui traverse la capitale. Résultat : pendant la saison des pluies, la rivière La « Tsiémé », totalement ensablée et servant de dépotoir de déchets et ordures ménagères, de tombe (sans jeu de mot) aux détritus domestiques, déborde et sème la désolation. Les services de voirie étant inexistants, les ruisseaux de Brazzaville servent de décharge publique.

Le document de stratégie pour la croissance, l’emploi et la réduction de la pauvreté (DSCERP) 2012-2016, indique que le système de collecte et de traitement des déchets solides dans les villes de Brazzaville et de Pointe-Noire sont peu développés. A peine 5 % des déchets produits quotidiennement seraient collectés. Ce pourcentage est insignifiant par rapport au pays ayant un PIB par habitant similaire comme le Maroc, d’après
l’Agence française de développement (AFD).

Madoukou /Mfoa

Le souhait des habitants est que le lit de la rivière « Tsiémé  » ne serve plus de cimetière des poubelles des riverains, mais soit aménagé, comme le sont ceux de Madukutsekélé, à Ouenzé, et la Mfoa, de Moungali à Poto-Poto (La Semaine Africaine, 28 octobre 2014). Mais, voilà : le Congo-Brazzaville manque de l’argent pour financer ses travaux d’assainissement sur fonds propres. La société française, RAZEL-BEC a décroché le marché des travaux publics et aura la charge de la construction de la route de la Corniche de Brazzaville, sur son tronçon Case de Gaule-Pont du Djoué et les aménagements urbains des quartiers de Bacongo (2ème arrondissement) et Makélékélé (1er arrondissement). Le représentant de la société française au Congo, Olivier Monteiro, a co-signé le 14 novembre 2014, les documents qui lui attribuent le marché, avec le ministre de l’Aménagement du territoire et de la délégation générale aux Grands travaux, l’inénarrable Jean Jacques Bouya. Le marché sera exécuté sur
financement de l’Agence française de développement (AFD) de 70 millions d’euros, environ 45 milliards de francs cfa pour un délai de 35 mois (Les dépêches de Brazzaville, 15 novembre 2014). Le Congo-Brazzaville a connu le programme triennal, le plan quinquennal, la « nouvelle espérance » et le « chemin d’avenir ». Des pompes à fric pour le clan au pouvoir. Sans parvenir à transformer les villes du Congo-Brazzaville en cités modernes. A quand les travaux d’assainissement de la rivière la « Tsiémé  » ? Le Congo-Brazzaville qui affiche un budget de 3 345 532 779 448 de francs CFA pour l’exercice 2013, 4000 milliards en 2014 ramené à 3800 milliards à la suite du collectif budgétaire et 3 639 834 000 000 de francs Cfa pour l’exercice 2015 ne dispose guère de la modique somme de 45 milliards de francs CFA pour l’assainissement de Brazzaville. Si on a des moyens d’acheter, on peut acheter une « 2 chevaux ». Le projet de budget 2015 devrait dégager un excédent budgétaire
prévisionnel de l’ordre de 186 804 000 000 de francs CFA. Pourquoi le Congo-Brazzaville ne finance-t-il pas ses infrastructures sur fonds propres ? Où passe donc l’argent du Congo-Brazzaville dégagé par l’initiative pays pauvre très endetté « PPTE » ? Entre temps, pour mieux se faire voir et soigner son image à l’international, conformément au projet de changement de la Constitution du 20 janvier 2002, Denis Sassou Nguesso a distribué plus de 100 milliards de francs CFA à la Côte d’Ivoire, au Niger, à la Guinée Conakry, à la RCA et à …la BDEAC. Cherchez l’erreur ! Dépouiller Paul pour habiller Pierre.

Les différentes équipes municipales se sont caractérisées par le manque de compassion, l’incompétence, l’imprudence et l’impunité. Les riverains de La « Tsiémé » touchés par les inondations sont des spectateurs et des victimes éberlués par les manquements des anciens maires de Brazzaville, passant leur temps à naviguer à contre-courant. Et, surtout, par l’incompétence et le cynisme de l’actuel maire Hugues Ngouolondelé et Jean Jacques Bouya chargé de gérer le budget d’investissement du Congo-Brazzaville.

La saison des pluies bat son plein. Les riverains de la « Tsiémé » vivent au rythme des inondations sous le regard goguenard des épigones du « chemin d’avenir ». Reste aux habitants des rives de la « Tsiémé  », aux habitants des quartiers Ngamakosso, « Mama Mboualé  » et « Petit ’chose » d’implorer la commisération de l’Agence française de développement (AFD) de soulager leurs souffrances en finançant les travaux d’assainissement de Brazzaville, comme
elle s’est engagée à le faire pour les quartiers Bacongo et Makélékélé qui ont conservé l’image de gros villages.

Benjamin BILOMBOT BITADYS

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.