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Expression de la culture Kongo à Argenteuil

31 octobre 2011. Expositions artistiques, exposés et musique ont été le nerf de la manifestation de l’expression Kongo (RDC) à Argenteuil, soutenus par la Cocoda (Communauté congolaise d’Argenteuil). Le niveau des interventions, très élevé, fut à la hauteur de la puissance historique de ce peuple Kongo (d’autres diraient nation) dont l’espace social chevauche trois pays : les deux Congo et l’Angola, avec des extensions au Gabon.

Démystifier la bourse

La première intervention de la soirée aura porté sur la théorie économique. "Posséder une action à la bourse n’est pas un acte économique extraordinaire" estime le professeur Luzakadio (RDC) suite au constat selon lequel le monde de la bourse est étranger aux africains.

Pr. Luzaladio, économiste

Il existe des titres qui ne coûtent que 50 cts. Combien de personnes dans la salle possèdent une action en bourse ? A cette question du professeur personne ne répond positivement. Venu de Londres exposer sur d’autres formes d’investissements dans l’espace kongo, l’économiste Luzaladio exhorte alors chacun d’acheter des : « actions chez Bolloré. » car il faut démystifier la bourse. N’ayez pas peur. « Quand vous avez 100 €, quand vous venez de faire un Western-Union de 50 € à Kinshasa ou à Luanda, achetez une action avec le reste » recommande le professeur qui milite pour une familiarisation de l’homo economicus kongo à l’esprit de Wall Street et s’insurge contre cet adage populaire qui dit que "l’argent ne fait pas le bonheur" car, la pauvreté, non plus, ne fait pas le bonheur.

Messianisme

Le but de cette incitation au monde des affaires boursières est de développer une autre éthique chez les né-kongo qui, pour être ancrés dans le messianisme (comme l’explique, un autre intervenant de la soirée, le sociologue Rémy Bazenguissa, RC) sont aptes à intégrer un esprit capitaliste comme les anglo-saxons, imprégnés de théologie protestante, ont intégré l’économie de marché dans leurs représentations économiques, à l’inverse des latins qui, baignant dans le capitalisme, ont inculqué à l’homo economicus catholique peur et honte (sauf au Paradis) d’être riche dans ce bas monde. Au royaume Kongo, le messianisme date d’une époque où à force d’exploitation et de répressions coloniales des figures comme Kimpa-Vita (morte sur le bûcher) et récemment André Matsoua et Simon Kimbangu apparaissent dans le champ politico-religieux comme annonciateur d’un monde nouveau libéré de toute misère.

Le sociologue Rémy Bazenguissa

« Quelle est la définition du messianisme ?  » s’enquiert la modératrice Anastasie Tudiesch, ne-kongo et journaliste à Africa n°1 « Le fait qu’un peuple attende un messie pour établir un royaume exempt d’injustice, nous sommes dans le messianisme  » esquisse à brûle-pourpoint R. Bazenguissa, professeur à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes.

Selon Rémy Bazenguissa, en occident (à l’inverse de l’Afrique) le capitalisme s’y développe en tournant dos au sacré (en laïcisant le protestantisme ?) alors que chez les Kongo le sujet économique entre de plain-pied dans l’éthos des affaires en embrassant le magico-religieux.

L’ivoire, le caoutchouc rouge et la barbarie de Léopold II de Belgique

Le travail forcé, rappelle le chercheur historien Lascony Ngombulu ya Sangui ya Mina Bantu, est instauré par le roi des Belges, Léopold II avec une rare férocité dans un pays où il ne met pas pied. Depuis Bruxelles, le vieux monarque belge lance des ordres de mission aux effets dévastateurs avérés par ses propres hommes de mains. C’est le caoutchouc et l’ivoire qui le rendent cupides au point de violer les droits les plus élementaires de l’homme, fut-il noir. La révolte ne se fait pas attendre. Comme toujours, elle vient, en partie, des Kongo. En proie à la rebellion, la région du Bas-Kongo est alors jugée moins sûre par le colon belge. De Boma, la capitale est déplacée à Kinshasa, espace téké considéré sûrement moins hostile aux yeux des colons flamands et wallons.

Lascony Ngombulu Ya Sangui, chercheur

Les Occidentaux, note l’historien Lascony, adorent l’ivoire. Un siècle après Léopold II, la MONUC se livre au carnage des éléphants. « L’histoire se répète  » souligne-t-il. En tout cas, Dunlop, n°1 mondial des pneumatiques, doit sa puissance à l’hévéa du Congo-Belge dont la récolte a littéralement coûté la mains aux malheureux forçats indigènes.

Un constat : il n’est pas facile de se rendre compte de cette redondance de l’histoire dans la mesure où, pour effacer la trace et, certainement travaillés par leur conscience, les Belges ont démoli toutes les archives. Celles-ci sont tellement considérables que leur incinération parvient à alimenter entièrement en énergie une ville belge.

Le plasticien Ventoose Mbala

Musique

Un peuple sans mémoire, c’est évident, perd son identité. Raison pour laquelle il faut revaloriser les différentes musiques de la RDC (pas uniquement celles qui font bouger les reins) déplore Ray Léma, musicien et musicologue qui précise que la RDC n’a plus rien à prouver au monde sur le plan musical.

Ray Léma, artiste, ethnomusicoloque

« Je fus directeur artistique du Ballet national Congolais, poste à l’issu duquel j’archivai de nombreux documents. Mon successeur les brûla tous » soupire le pianiste congolais, confirmant l’hypothèse d’une amnésie voulue par nos peuples. Pendant que les Belges, notamment les prêtres blancs, fustigeaient nos fétiches sous prétexte qu’ils étaient diaboliques, leurs musées en Europe s’enrichissaient de ces supposées œuvres de Satan.

Littérature

Aspects positifs de la colonisation ou non, on ne sait comment apprécier le geste des Belges qui encouragent l’émergence d’une littérature écrite dans la colonie belge pour réduire l’écart avec les colonies françaises. Outre le fait qu’il y a un réel débat au sujet de la distinction littérature orale/littérature écrite, il ne reste pas moins que le concours de littérature organisée dans les années 1970 à Kinshasa favorisera l’émergence de romanciers congolais dignes d’intérêt. Ceux-ci comblent l’énorme retard pris par la littérature depuis le roman « Ngando » de Paul Lomami Tshibamba ou Tchibanga (publié voici plus d’un demi-siècle). En revanche que dire des autres genres, le théâtre et la musique, si ce n’est qu’ils sont des parents pauvres de la culture. C’est le constat que fait Monique Mbeka Phoba, cinéaste congolaise de Bruxelles.

Cinéma

«  Nollywood, cinéma nigérien, a commencé avec des moyens insignifiants. Au début, le résultat n’est pas terrible, aujourd’hui, le cinéma du Nigeria est le premier en œuvres produites, avant Bollywood en Inde et Hollywood aux Etats-Unis » admire Monique Mbeka Phoba (RDC) qui milite pour une intégration de la musique congolaise dans le cinéma si tant est que ce cinéma existe. Car pour la cinéaste qui a repris des études à 47 ans, le cinéma congolais reste à inventer.

Le kongo

« Je n’ai pas entendu parler kongo ce soir » déplore le musicien Né-Nkamu en ponctuant ses pertinentes remarques de sons de balafon. Le message est percutant et doué de bon sens : « qui veut la paix prépare la paix » chante ce pur produit de l’espace kongo. C’est vrai que rien de telle que la négociation pour l’harmonie entre les peuples.

Né-Nkamu, artiste conteur

Les kongo ont le mbongui pour organiser la palabre. « Buvez l’eau pire » réclament les enfants des rues à Kinshasa. Ce lapsus « eau pire » pour « eau pure » est révélateur d’une sombre vérité, à savoir : les populations sont empoisonnées par l’eau qu’elles consomment.

L’identité ne-kongo qui est promue ce 31 octobre 2011 à Argenteuil est discutée sur le site Fuma dia kongo rappelle André Mukoko, éminent membre du réseau, en compagnie de Godefroy Bayo.

André Mukoko, chercheur Fuma-dia-Kongo
André Mukoko

Quand on dit "kongo" (avec K) qu’entend-on par là ?

Ayant remplacé au pied levé l’anthropologue Abel Kouvouama et le politologue Patrice Yengo, Rémy Bazenguissa a suscité des remises en cause, notamment sur le terme Kongo (lui-même se dit kongo) que les organisateurs de la journée d’Argenteuil ont distingué du terme Congo. Kongo (avec K) serait selon R. Bazenguissa, un concept-valise que les Noirs de la diaspora des Caraïbes ont récupéré sans pour autant avoir forcément des ascendances Kongo d’Afrique Centrale.

Déportés après l’esclavage officiel, ils sont appelés Nègre-Congo par référence à leur forte corpulence identique à ces Kongo que, par le jeu du commerce triangulaire, les colons employaient avec puissance en utilisant leur force de travail dans les champs de canne à sucre et de coton.

Africa Kiessé

« Danser c’est bien, mais ne pas oublier la lecture » insiste Lascony Ngombolou ya sangi. La musique congolaise, Dieu merci, ne se borne pas bouger les reins du danseur. Au contraire, elle alimente l’imaginaire et rend compte d’un paradigme : les artistes font partie des bâtisseurs d’une société. Que serait notre créativité sans les plasticiens et les musiciens. Danos Canta, Seskain Molenga, Fofo, Ada, Djunana nous ont fait voyager en imagination. La reprise du morceau « Isabelle mwana kin  » de Pambou Tchicaya par Africa Kiessé, m’a fait découvrir la richesse de ce morceau des Bantous de la Capitale. « Ils l’ont interprété mieux que l’original  » ai-je dit à mon voisin de table.

Seskain Molénga (RDC/RC) est le moteur d’ Africa Kiessé. Virtuose de la batterie, c’est aussi un excellent historien de la musique congolaise. Ci-après les acteurs d’Africa Kiessé. A noter en, guest star, la participation de Djuna Djanana, de Luciana Demingongo et de Danos Canta Niboma.

Le groupe Africa Kiessé

Fofo le collégien, (guitare solo) , Ada Mwaguisa (rythmique), Flavien Makabi (guitare basse) , Esby Bambi (Saxo) , Tumba (Trompette) , Chant : Solo Sita, Habiba Son, Engo Fidèle.
Batterie : Seskain Molenga
On peut les écouter tous les samedi de 19 h à l’aube et dimanche de 17 à 00h à Dammarie les lys 249 quai voltaire, gare de Melun. Contact : 0671972113

SIMON MAVOULA - Enghien les Bains 2 novembre 2011

Albert Kisukidi (au milieu) économiste
Africa Kiessé
Le public
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