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Incroyable : les étages de l’hôpital général de Brazzaville sont sans ascenseurs

Notre confrère Kimpwanza a titré cette semaine : "CHU de Brazzaville : Bientôt les deux ascenseurs du bloc chirurgical seront opérationnels."
On sait ce que valent les promesses au pays de Sassou. Elles ne valent même pas leur pesant d’or.
Le 19 décembre 2007, au cours d’une émission de RFI, répondant à une question du public, Florent Ntsiba, ministre de Sassou, se vanta de l’imminence de l’équipement de l’Hôpital Général de Brazzaville en ascenseurs.
Car aussi stupéfiant que cela puisse paraître cet établissement hospitalier est démuni de moyen d’ascension d’un niveau à l’autre. Pour passer d’un étage à l’autre les malades sont transportés à califourchon sur des dos d’hommes, moyennant finances. En fait, démagogue, Florent Ntsiba mentait ou ne maîtrisait pas le sujet (ce qui revient au même) en affirmant aux micros d’une radio internationale que le calvaire des Congolais allait bientôt prendre fin au CHUB. De toute manière l’état de l’hôpital génénal n’a jamais été la tasse de thé de la nomenklatura qui, au moindre bobo, fait évacuer ses membres vers les grands hôpitaux occidentaux. Alors vous pensez bien que les élévators du CHU étaient à des année-lumière des centres d’intérêt de l’inénarrable Floret Ntsiba, ministre de l’Equipement et des Travaux publics, général de division.
A vrai dire, l’époque où les ascenseurs de l’hôpital général fonctionnaient est un très vieux souvenir. Les ascenseurs de ces bâtiments vieux de près de cinquante ans, étaient depuis longtemps tombés en panne, faute d’entretien et surtout en raison de l’incroyable indifférence des gouvernements qui se sont succédés depuis Marien Ngouabi.

Bâtiments vétustes du CHUB

Aujourd’hui, apprend-on de la bouche du directeur du CHU, les travaux auraient déjà commencé.
Selon donc Kimpwanza, au CHU de Brazzaville la réparation des ascenseurs n’est plus qu’une question de temps.
Malgré l’urgence de la situation, les travaux de réhabilitation des deux ascenseurs n’auraient commencé que le « 1er juillet 2007 » et s’achèveront à la fin du mois de février de l’année en cours (2008).
Pourquoi ce long délais dans la livraison d’une structure aussi fondamentale qu’un ascenseur ?
Réponse du directeur :
« selon les techniciens de CFAO-Congo, chargés de les réaliser, le retard est dû en grande partie aux eaux de pluie qui envahissent le sous-sol de ce grand bâtiment de cinq étages. Il faut maintenant trouver le moyen d’évacuer ces eaux. »
On croit rêver. Selon Ignace Ngakala, le directeur du CHU, des actes de vandalisme commis durant la guerre civile seraient à l’origine de ces dégâts des eaux qui empêchent l’évolution des travaux. En plus les moyens financiers font cruellement défaut.
Que faire alors ?
« Nous espérons que ces conduites d’eau seront réhabilitées à l’occasion de la municipalisation de Brazzaville » envisage le directeur.
Autrement dit, en attendant la fameuse « municipalisation accélérée » les usagers et les malades sont réduits à pratiquer la longue marche entre les cinq étages du vieux bâtiment qui, au total, compte douze ascenseurs ; tous en panne.
Le coût global des deux ascenseurs du bloc opératoire s’élève à 153.millions de f.cfa.
L’argent ( le nerf de la guerre) la fatalité : tels sont les boucs émissaires tout désignés.
« Nous ne disposons pas assez de moyens financiers pour réhabiliter la station d’évacuation. Nous espérons que ces conduites d’eau seront réhabilitées à l’occasion de la municipalisation de Brazzaville » s’est plaint l’administrateur.

Les raisons les plus farfelues (y compris les intempéries) sont évoquées :
« Toutes les eaux de pluie stagnent actuellement dans le sous-sol du grand bâtiment. Pour installer les ascenseurs, les techniciens ont été obligés d’ériger des murs au sous-sol afin d’empêcher l’eau de rentrer dans la cage de l’ascenseur » dit, sans rire, Ignace Ngakala.

Paradoxalement, quand il s’agit d’offrir des corbillards aux Congolais (voir notre article), la question du budget ne se pose pas. Mais lorsqu’il est question de rendre fonctionnel l’hôpital, les poches de l’Etat deviennent, soudain, vides :
« Pour réhabiliter l’ascenseur du bâtiment à cinq niveaux, il nous faut quatre-vingt-onze millions de FCFA » gémit hypocritement le directeur.
« La priorité est accordée aux ascenseurs destinés aux usagers, a indiqué Ignace Ngakala (qui n’a jamais pensé à démissionner s’il avait réellement une éthique-NDLR). Les ascenseurs techniques servant à passer d’un service à un autre peuvent être réhabilités par la suite. »
Le plus lassant c’est ce culte de la personnalité de Sassou, omniprésent dans les discours officiels :
« Tous ces projets sont exécutés avec la somme de 1,6 milliard de FCFA que le chef de l’Etat a remis au CHU pour sa réhabilitation et son rééquipement »a souligné ce cadre de la Nouvelle Espérance

Prétendre qu’il n’y a pas d’argent est d’autant plus ignoble qu’on signale le cours du brut à 100 dollars le baril. Or au cas où l’aurait oublié, le Congo est producteur de pétrole. Cela n’empêche pas le gouvernement de ce pays de se battre bec et ongles pour faire figurer le Congo parmi les pays les plus pauvres et les les plus endettés de la planète. Paradoxalement on ne compte plus les membres du gouvernement et les proches du pouvoir dont les biens meubles et immeubles narguent les populations. Le premier membre dudit gouvernement a récemment échappé de peu aux mailles de la justice française pour détention illégale de biens meubles sur le sol français. Autant dire que la pauvreté dans laquelle le régime plonge 99% de Congolais tient d’un choix délibéré de ses membres.

Sassou sur les lieux du crime sanitaire

Les ascenseurs peuvent être réparés

A en croire Roger Armand Makany, (In Modélisation Statistique du CHUB - Centre Hospitalier de Brazzaville ICES 2007) le Centre Hospitalier et Universitaire de Brazzaviile a été créé par la loi n° 008/87 du 7 février 1987. C’est un établissement à caractère social et commercial.
En 1993, il aurait fait un chiffre d’affaire de (cfa)1M4 millions,954 milles 855 contre (cfa) 238 millions seulement en 2002.
Visiblement la vocation commerciale a été un échec. Ici comme ailleurs la mauvaise gestion a produit ses effets.

Tentons une comparaison : le mausolée de de Brazza a coûté 10 milliards de Fcfa, une somme très colossale par rapport aux 153 millions que nécessitent les deux monte-charge du bloc opératoire. En d’autres termes la tombe de de Brazza vaut plus de 100 ascenseurs au CHU. Certes les priorités de la Nouvelle Espérance sont ailleurs. Donner une seconde sépulture à Pierre Savorgnan de Brazza était plus urgent que réparer les douze ascenseurs du CHUB.

Sortons nos calculettes

En théorie, le budget 2008 s’élève à 1.671 milliards de FCFA (2,5 mds d’euros), c’est plus de 21,35% par rapport à celui de l’année précédente, soit une augmentation de 294 milliards de FCFA (441 millions d’euros) Les crédits de fonctionnement, s’élèvent à 881,5 mds de FCFA, soit une augmentation de 8,39%. Les investissements atteignent 450 mds, une hausse de 12,5%. De quoi largement réparer les ascenseurs, voire construire un nouvel hôpital.
En pratique, on ne sait pas à quel usage (à part l’achat des armes et des biens de prestige) est destiné le budget de la Nation. Depuis que les ascenseurs sont en panne, il va sans dire que les réparer aurait été un jeu d’enfant. Personne ne soutiendra que la Santé ne figure pas dans la colonne des investissements. A quoi a servi, dans le précédent budget, cet argent dont on ne voit aucune trace physique sur le terrain des "actions concrètes" ? On n’a pas besoin d’attendre l’aumône de Sassou pour équiper le CHUB en ascenseurs flambant neufs. Si la santé de sa population n’est pas une priorité pour un Etat, ses représentants n’ont pas de raison d’être aux commandes du pays.
La désaffection du Pouvoir pour le CHUB : voilà une raison supplémentaire de virer ceux qui nous gouvernement en 2009 ou (ce qui revient au même) de dresser un "ascenseur pour l’échafaud "* à l’attention des voyous comme Florent Ntsiba.

NOTA : *Ascenseur pour l’échafaud est un film français de Louis Malle, ( 1958).

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