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L’espérance de vie est en recul sur le continent africain

Pour le directeur du programme alimentaire mondial, James Morris, « nous sommes en train de perdre la bataille contre la faim ».

Les statistiques de la faim et de la malnutrition dans le monde ont un inévitable temps de retard sur le développement du fléau. Sur les 840 millions de victimes mondiales, 200 millions vivent en Afrique subsaharienne. « Il est inacceptable que la faim et la malnutrition soient encore aujourd’hui la principale cause de la mortalité dans le monde », s’exclamait il y a un an le directeur du programme alimentaire mondial (PAM), James Morris, rappelant que la communauté internationale s’était engagée à une réduction de moitié des populations concernées d’ici 2015. Ce pari, James Morris semble désespérer de le gagner, si l’on en juge par sa déclaration de février 2003 : « Nous sommes en train de perdre la bataille contre la faim. Non seulement dans les cas d’urgence, mais aussi le combat contre la faim chronique. »

Début 2003, trente-six pays faisaient face à des crises alimentaires graves. En Afrique subsaharienne, 40 millions de personnes étaient menacées de mort par la famine, principalement en Afrique australe et dans la Corne de l’Afrique. Un fléau que les conflits et les catastrophes naturelles ne suffisent pas à expliquer même si l’on prend en compte que la faim est aussi utilisée en tant qu’arme directe : ainsi, les famines à répétitions programmées par le régime militaro-islamiste de Khartoum contre les populations rebelles du Sud-Soudan. L’insuffisance de la production agricole est liée aussi à d’autres causes, comme le pourcentage limité de terres irriguées (4 % en Afrique subsaharienne contre 40 % en Asie) ou une faible productivité accentuée par les quantités réduites d’engrais utilisées (22 kg/ha contre 150 kg/ha en Asie). Les progrès en matière de production alimentaire restent ponctuels et en retard permanent sur l’évolution démographique. Un drame encore amplifié par la flambée des épidémies (sida, tuberculose et paludisme), qui se traduit par le recul de l’espérance de vie dans le continent subsaharien (repassée en dessous de la barre des cinquante ans durant la dernière décennie, avec des cas extrêmes, comme la Sierra Léone qui cumule tous les handicaps : 34,2 ans contre 79,5 en France !).

Les discours officiels relèvent souvent de l’effet de manche, le temps d’un sommet ou d’une assemblée générale de l’ONU. Un chiffre cruel : l’aide publique au développement consacrée à l’agriculture a baissé de 50 % entre 1990 et 2000. D’autres politiques internationales font caisse de résonance. Voici une dizaine d’années, la dévaluation du franc CFA imposée par Paris à son « pré carré » africain - du Tchad au Congo Brazzaville, en passant par le Cameroun - a multiplié par deux les prix des intrants agricoles, des médicaments et des produits alimentaires importés pourtant essentiels, les orientations agricoles étant modelées par les exigences de l’ex-métropole et non par les besoins locaux. Plus récemment, c’est l’embargo orchestré par la Grande-Bretagne, le Commonwealth, l’UE et les États-Unis contre le Zimbabwe jugé trop indocile aux desiderata du Nord. On en arrive, parfois, au chantage direct : en 2003, le Congrès américain a adopté une loi conditionnant l’assistance à la lutte contre le sida à... l’acceptation des OGM comme aide alimentaire ! L’Afrique constitue pour les firmes multinationales le terrain d’expérimentation rêvé, surtout dans ses zones les plus menacées par la - pénurie.

La faim regagne du terrain dans le continent après avoir reculé au cours de la première moitié des années quatre-vingt-dix, souligne un rapport de la FAO de fin 2003. Certains pays cumulent pauvreté, aléas climatiques et instabilité et s’enfoncent d’une épreuve à l’autre. Ainsi ceux de la Corne de l’Afrique : Éthiopie, Érythrée, Somalie, notamment. Plus de 14 millions d’habitants d’Afrique de l’Est sont aujourd’hui sous « perfusion alimentaire ». Responsables ? Des pluies exceptionnellement faibles, la situation politique, comme dans le nord de l’Ouganda (guerre civile) et en Somalie où l’État a littéralement implosé. En juillet dernier, la surprise est venue du Kenya, considéré comme la nation la plus riche et stable de la région, lorsque le président Mwai Kibaki est monté au créneau pour - appeler à l’aide, n’hésitant pas à parler de « désastre national ». Si la « petite saison des pluies » d’octobre-novembre est à son tour insuffisante, « la pénurie s’aggravera, et 4,3 millions de Kenyans auront besoin d’un semestre supplémentaire d’assistance alimentaire », a averti le chef de l’État.

Jean Chatain

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