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L’orchestre Zimbabwe : la renaissance

Le Phénix renaît de ses cendres : c’est l’illustration de la résurgence du mythique groupe Zimbabwe. Tout commence au milieu des années 70, dans le sillage de Woodstock, méga festival rock dans l’Etat de New-Yorh où soufle le vent de révolte pré-soixantehuitarde. C’est là que la jeunesse invente d’autres modèles culturels, en rupture avec les canons d’un monde conservateur. Voilà pour le décor sociologique.

Détente des artistes à l’espace Diosso : de droite à gauche Ley Mamadou, Mac La Jeannot

Histoire

Au Congo-Brazzaville, le tsunami de Woodstock est soufflé, par ricochet, par deux groupes de légende basés à Kinshasa : Zaïko et Stukas Boy puis par sept à huit garçons dans le vent, sévissant à Pointe-Noire : Les Cols Bleu. Là-dessus, de jeunes collégiens du Plateau des Quinze ans (Moungali) s’emploient à les mimer, identification aux aînés oblige. Ainsi naît Zimbabwe, choix nominal sur arrière-plan de luttes de libération politique très virulentes en ces années 1970 dans la partie sud de l’Afrique.

Le groupe répète, rue Moundzombo, dans une villa abandonnée, ancienne possession d’un ministre youliste, victime des pillages des années 63. Dès le début, la mayonnaise prend. La foule abonde. Brazzaville ne jure que par Zimbabwe. On déplace le lieu des répétitions rue Franceville, à un jet de salive du cinéma ABC, symbole de tous les imaginaires.

Atmosphère Zimbabwe à L’espace Diosso à Brazzaville

Zimbabwe, en violente concurrence avec Ndimbola Lokolé de Poto-Poto (Aurlus Mabélé, les frères Diaboua, Pédro Otsoua, Maboundou Cortez...) peut d’autant plus revendiquer le leadership brazzavillois qu’il a partie liée avec le mouvement de la sape (société des personnes élégantes). Dans la lancée, est validée, à la Cabane Bantou, la danse "Nti silabo", expression corporelle d’un look juvénile aux allures esthétiques qui campent aux limites de l’obsession vestimentaire compulsive.

Rupture harmonique

Après avoir donc « fait les poches  » de Tout Choc Zaïko Langa-Langa, le groupe du Plateau des 15 ans s’efforce de s’affranchir d’une tutelle aliénante de plus en plus pesante pour s’arrimer au groov stylistique des Bantou Bakolo Mboka. C’est la rupture historique. L’orchestre du Plateau des 15 ans ralentit le tempo. Zimbabwe, d’abord « tout choc » se débaptise naturellement « de la Capitale  », comme son aîné artistique, Les Bantou éponyme. Marien Ngouabi meurt en 1977. Une chape de plomb s’abat sur la culture urbaine. La jeunesse envisage d’autres modèles culturels, de préférence étrangers. Au début des années 1980, Zimbabwe (comme nombre de groupes dilletantes) disparaît de la scène en raison du spleen de Brazzaville et de la puissante vague migratoire qui emporte les sapeurs vers l’Europe.

Mc Jeannot et Ley Mamadou au cours d’une émission de radio à DRTV

Voilà pour la petite histoire ; la grande sera écrite par les générations à venir..

La résurgence

Au cours du mois de février 2012, l’orchestre reprend du service sous l’instigation des acteurs de très haut niveau politique.

Réception chez l’Adjoint au Maire, Cyriaque Malonga Kapata - Brazzaville

Cyriaque Malonga, Roger Niengué, André de la famille Bénamio, Louis-Bertin Tchibounka, Audifax Malanda, Prince Ntsiétsié, Dieudonné Ndziki font partie du staff émérite auquel le groupe doit son renouveau charismatique.

A partir du 15 février 2012, les répétitions reprennent à Moungali, à l’espace Diosso, entre Franceville et Gamboma, à un jet de pierre de l’ancien siège des années 1970, chez le président Jassy. Chaque soir, dès 18 h, le lieu est noir de monde.

Le public des répétitions en pleine danse

On reconnaît dans le public des anciens fans, tous devenus pour la plupart une élite de l’administration congolaise. Parmi eux, des médecins, des hommes d’affaires, des chefs d’entreprise, des comptables, des hommes de loi. Ils ont gardé leurs « allures » comme disent les sapologues.

Le club Zimbabwe dans le jardin de l’adjoint au maire Cyriaque Malonga

Sur scène, on retrouve le noyau dur de l’âge d’or : Mac La Jeannot (chant), Jean-Jacques Bayonne (chant) , Malonga Papillon (guitare lead) Bantsimba Lilas (batterie) Ougos (bass), Ley Mamadou (chant). Armand Mondo (chant), excusé promet de venir de Pointe-Noire pour mettre la main à la pâte.

A cette structure se greffent Lambrozo (guitare rythmique et lead), Château-Rouge (chant) un clavier de nouvelles recrues.

André de la Famille Benamio, Soum Carol à Paris, chez Taty

Soum Carol, le grand absent, suit le cours des évènements depuis Paris. Dans le feu de l’action, on projette faire revenir de Kinshasa, Dave, le mythique soliste de l’âge d’or. Dans la foulée, on pense également à Rigo Limann, tonitruant chanteur venu, à l’époque, de Kinshasa dont on signale la présence en Suisse ou à Abidjan. Lazare Balossa était là, apprend-on avec regrets. Désormais, il est rentré aux USA. Qu’à cela ne tienne ; dans un premier temps, "on va faire avec ceux qui sont là, même si on ne peut pas tout faire sans ceux qui ne sont pas là".

Concert

Un concert est programmé le 11 mars 2012, à la maison commune de Moungali. Pourquoi ? Le lieu est fédérateur. Il constitue un pôle d’attraction de toutes les sensibilités de la sape, qu’elles soient issues aussi bien de Poto-Poto, Ouénzé, Moukondo, Talangaï que de Bacongo/Makélékélé.

Explosions

On projette de se lancer dans la campagne publicitaire, quand, tout à coup, le 4 mars 2012, explosent les obus du régiment blindé de Mpila : émoi dans la ville, deuil national décrété, drapeau en berne, idée noire, blue’s total. Du coup, le maire de Brazzaville, Hugues Ngouolondélé, lui aussi cadre supérieur du mouvement Zimbabwe batari ngué , lève le pied de l’accélérateur vu l’urgence et la gravité de la situation.

Zimbabwe espace Diosso : répétitions

« A quelque chose malheur est bon » analyse une pièce maîtresse du système Zimbabwe qui estime que la date du 11 mars, était, en définitive, prématurée. Les choses semblaient trop précipitées, ça frisait le bachotage. Ce n’était donc pas une mauvaise chose qu’on mette la pédale douce.

Analyse rétrospective

Il ne reste pas moins que la fièvre Zimbabwe avait monté de plusieurs crans dès le début du mois de février, c’est-à-dire dès le retour du bassiste Ougos au Congo après quasiment trois décennies d’absence.

« Il n’y a pas de hasard. Si la mayonnaise a pris à ce moment-là, et rien qu’à ce moment précis, c’est que l’heure était venue de mener à terme ce qui, en 1979, semblait du registre de l’inachevé. On sait tous que la vague des immigrations emporta le phénomène Zimbabwe vers des ailleurs absolus, par exemple vers l’Europe. Même si la nature a horreur du vide, un désert culturel s’installa à Brazzaville avec, pour lots de consolation, des originalités comme Zao, Nzongo-Soul, Chairman, Rapha Boundzéki » analyse un fan.

En 1982, l’aile parisienne (Jean-Jacques Bayonne, Ntys, Soum Carol, Ougos, Malapet) tente de rallumer la flamme : entrée en studio, projet de mixer du produit à l’IAD –Brazzaville). La démarche fait chou blanc. S’ensuit un désert de Gobi culturel jusqu’en 2009 lorsque Soum Carol en compagnie de Blondin (bassiste) réalise une maquette où il mixe Ngoudia Mountou avec un son considéré plus actuel.

A partir de là on sent « l’esprit Zimbabwe  » commencer à renaître de ses cendres, Bâ dia Nséké di fwa di sassa. Dans les années 1980 chacun avait dans la bouche le goût de l’inachevé. Désormais, quelque chose, on le sent, devait se passer. Quoi, quand, où ? Personne n’était en mesure de le dire. Jusqu’à cette date historique du 2 février lorsque le bassiste, Ougos, foule le sol brazzavillois après exactement vingt-neuf ans d’absence. Revenu à Brazzaville pour des raisons personnelles, il fait d’une pierre deux coups. Prémonition ou non, muni d’une guitare électro-acoustique dans ses bagages, sa descente va provoquer l’éruption d’un volcan harmonique éteint depuis près de trois décennies ?

Papillon, Mac Jeannot et Ley Mamadou chez Patou à Bacongo

« Lazare Balossa (guitariste rythmique) était là. Il vient de rentrer aux Etats-Unis  » lui apprend-on.

Puis, tout s’enchaîne avec la vitesse de l’éclair. Avec le sens de l’organisation qu’on lui connaît, Pif dit André de la Maison Bénamio (c’est son nom) met le 2ème adjoint au maire Cyriaque Malonga Kapata dans le bain.

L’adjoint au maire Cyriaque Malonga Kapata répond aux questions de la presse

Kapata est une mémoire vivante de Zimbabwé. Il connaît tout le répertoire du groupe de A à Z, à la grande stupéfaction de chacun. Ce sont des chansons qui datent de plusieurs années et qui n’ont jamais fait l’objet d’un enregistrement sonore.

A compter du mois de juin de cette année, les fans, anciens et nouveaux vont savourer ce dont ils ont eu un bref aperçu au mois de mars à DRTV (Paul Soni Benga) et à Télé-Congo (Delmas), les deux chaînes ayant fait le déplacement de Diosso, à Moungali chez " soeur" Marie-Jeanne.

Brazzaville - Passionné, le public savoure les répétitions
Paris- Alluré Miéla
Pif, JP. Mahoukou à Paris
Premier plan Soum et Servais
Public parisien - esprit zimbabwe
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