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La Presse s’entretien avec Moungounga

EXTRAITS D’UNE CAUSERIE ENTRE MOUNGOUNGA-NKOMBO ET LES JOURNALISTES, A PARIS, LE 21 NOVEMBRE 2002.

Comment allez-vous ?

Pour moi, tout va plutôt bien… Malheureusement, pour ce qui concerne le Congo, toutes nos prédictions se vérifient chaque jour : Monsieur Sassou n’est pas capable d’apporter le bien-être aux Congolais, sauf la violence et la guerre. Depuis son putsch en 1997, il passe son temps à faire la guerre aux Congolais. Par exemple, dans le secteur qui me concerne, l’économie, ce n’est pas moi qui le dit, c’est le FMI - et pas pour la première fois -, et le ministre de l’économie de Sassou confirme : les résultats économiques du Congo sont très mauvais, et les recettes pétrolières sont détournées dans les paradis fiscaux, par une entreprise clanique, la société nationale de pétrole, la SNCP.

A propos des guerres, voulez-vous dire que c’est la faute du président Sassou ?

Naturellement… Il a signé avec le CNR, dont N’TUMI est le président, un accord de paix en décembre 1999. Il ne l’a pas respecté. Cet accord recommandait, en son article 13, au président de la république gabonaise, médiateur, d’organiser dès que possible avec le concours de la communauté internationale, le dialogue national sans exclusive en vue d’une paix durable et du retour de la démocratie. Qu’a-t-on vu ? La communauté internationale n’y était pas, le principal signataire de l’accord N’TUMI a été exclu du Dialogue, qui devait être sans exclusive. Kolélas qui voulait entrer au pays a été refoulé aux frontières par Sassou. Le président Lissouba, le président Yhombi-Opango et moi-même n’y avons pas participé.
Vous savez, Sassou n’a pas de parole. Il ne respecte jamais ses engagements : c’est son genre.

Le président Sassou a proposé aux miliciens Ninjas de déposer les armes et d’emprunter les couloirs humanitaires et il s’est engagé d’assurer lui-même leur sécurité…

« Couloir humanitaire », sous ce régime, doit être entendu comme couloirs de la morts. Les disparitions du Beach, au vu du HCR, le confirment. D’autant qu’en plus de ces disparitions du Beach, il y en a eu d’autres dans les sites de Brazzaville et du reste du pays, bien plus nombreuses encore. Sa proposition ressemble bien à celle faite dans les mêmes conditions en 1999, quant il demandait aux disparus du Beach de rentrer à Brazzaville et aux réfugiés des forêts de revenir chez eux. On se souvient, là aussi, qu’il avait garanti, à tous, la sécurité. Mais tout le monde sait ce qu’est advenu à ceux qui ont naïvement cru en sa parole. Par conséquent, monsieur Sassou sait que plus personne au Congo ne lui fait confiance. Quand il fait cette proposition, il sait pourquoi.
Vous savez, si le dialogue sans exclusive avait eu lieu l’année dernière, on en serait plus là. Les Congolais seraient définitivement en paix, aujourd’hui, on serait sûrement entrain de reconstruire le pays et panser les plaies des excès des armées étrangères contre notre population, et surtout de réconcilier le pays. Et, notamment de contenir l’idéologie néfaste et retardataire des divisions Nord/Sud à laquelle s’accroche monsieur Sassou, comme seule raison de son maintien au pouvoir.

Que proposer vous alors, pour la guerre du Pool ?

La guerre du Pool, inexplicable à mes yeux… et je la ressens très douloureusement comme une injustice inqualifiable, notamment par les nombreuses souffrances infligées aux populations innocentes depuis plusieurs mois. C’est immoral. Malheureusement, elle entre dans la logique de monsieur Sassou pour qui la paix n’est pas souhaitable à son maintien au pouvoir.
La guerre ne peut, et n’a jamais été une bonne chose pour toute personne raisonnable et responsable, notamment lorsqu’on pense au lourd tribut payé par les populations civiles. C’est pour cette raison que, depuis cinq ans, nous demandons, avec insistance, étant entendu que c’est la meilleure des solutions aujourd’hui, dans l’intérêts de nos populations, à monsieur Sassou d’accepter la voie de la raison, c’est-à-dire, l’organisation d’un dialogue national sans exclusive, où aucun, absolument aucun Congolais ne doit être exclu.

Que dites-vous de cette déclaration du président Sassou : « Lorsque la guerre de 1997 a éclaté j’avais une alliance avec le MCDDI et, à cette époque, je n’avais aucun différend avec Bernard Kolélas, encore moins avec le Pool. La guerre de juin 1997 ne concernait pas les hommes du Pool » ?

C’est une simple manipulation, parce que M. Sassou doit se rappeler qu’à la suite du conflit de 1993-1994, qui a opposé plus directement les militants et les sympathisants du MCDDI à ceux de la Mouvance présidentielle (UPADS, RDD, UFD, UDPS, AND), le président Lissouba et le président Kolélas ont, par leurs représentants respectifs, signé un accord de paix qui les a amenés à participer à un gouvernement d’ouverture, dans lequel les membres du MCDDI et du RDPS étaient représentés. Le conflit de 1997 que M. Sassou qualifie grossièrement, comme ne concernant le Pool opposait, en réalité, ce gouvernement d’ouverture, pourvu de démocrates républicains et les putschistes du PCT et des FDU. Kolélas a fini comme premier ministre du gouvernement républicain et président de l’ERDDUN ; aucune région du pays n’était absente de cette composante politique.
Une lecture aussi curieusement réductrice de la politique est extrêmement dangereuse, et montre bien pourquoi M. Sassou fait la promotion de la partition du pays en deux pôles, pour se donner une existence politique des plus honteuses.
Dans ces conditions, que peuvent donc penser les membres actuels des FDU et du PCT qui ne sont pas d’Oyo, le village de Sassou, mais bien de toutes les autres régions de pays. Est-ce qu’ils sont ensemble dans ce parti pour avoir choisi une voie politique inadaptée et archaïque dont le pays fait les frais aujourd’hui, ou bien sont-ils simplement des vassaux de M. Sassou.
Les dérives verbales de M. Sassou expliquent bien sa détermination à massacrer ses concitoyens sur l’ensemble du pays, notamment dans les régions qui n’ont pas voté pour lui aux élections de 1992.
Question : est-ce qu’un échec électoral peut donner à quelqu’un le droit non seulement d’arrêter le projet démocratique par un coup d’Etat, mais surtout d’organiser et d’exécuter méthodiquement et froidement un véritable génocide contre ses compatriotes avec l’aide des armées étrangères d’occupation, notamment angolaise et des nombreux mercenaires de toutes origines ?

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