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La diaspora du Pool s’est retrouvée à Paris ce 22 juillet 2006 : succès ou échec ?

Sous l’initiative du Dr Marcel Guitoukoulou qui n’est pas à son coup d’essai, la diaspora du Pool s’est retouvée à Paris pour cogiter sur le sort de la région et, au bout du compte, sur celui du pays dans sa globalité.

Ce samedi 22 juillet 2006, les ressortissants du Pool se sont réunis à Paris.

C’est Pascal Lissouba qui avait fait du Pool la locomotive du Congo. Aussi, quelque part, s’est joué à Paris, le destin du Congo post-conflictuel où de nouveaux rapports de force sont en train de mettre en place. On suppose que cela va insuffler une dynamique qui entrainera le Congo vers des lendemains meilleurs après avoir poussé les fils des autres régions de prendre modèle sur le Pool.

Il faut craindre toutefois , un effet pervers. Que des ressortissants d’un pays se retrouvent entre eux uniquement sur le seul critère régional, voilà qui risque d’apporter l’eau au moulin de ceux qui fustigent les velleités fédéralistes de certains.
Mais, à leur décharge, sur ce chapitre il ne s’agit pas d’une première. Bien que locomotive, le Pool na pas innové en la matière. On se souviendra qu’en leur temps, les ressortissants du Niboland se réunirent à Paris sous l’initiative de Christophe Moukouéké, ténor de l’Upads , une rencontre, où, semble-t-il, il fallait montrer patte blanche pour être admis.

Ne parlons même pas de certains conclaves ou autres hauts conseils (cf. opérations "Mouébara") qui se tiennent à Oyo où même de fidèles compagnons de lutte comme Isidore Mvouba sont exclus.

Un auditoire clairsemé

A Paris au moins, ce 22 juillet, il n’y a pas eu huis clos mais transparence. L’accès au colloque est resté ouvert à toutes les sensibilités politiques et régionales. Ca n’a pas empêché les organisateurs de déplorer l’absence de certains "ténors de l’opposition en exil". Pensaient-ils à Bernard Kolélas (opposant amnistié) dont le passage à Paris pour raisons famililales (sa fille s’est mariée) a coincidé avec le colloque de la région dont il s’est toujours réclamé être le "leader charismatique" ?

Toutefois, le colloque sur le Pool est une démarche politique qui renvoie à des questions méthodologiques, des questions de représentations géographiques et sociologiques.

Représentation du Pool

Où commence le Pool où finit-il ? Y a-t-il un Pool géographique ? Un Pool culturel ? Ces deux Pool coincident-ils ? Parler Kongo-Lari fait-il d’un sujet un ressortissant du Pool ? Tous les locuteurs Kono-Lari ont-ils les mêmes intérêts ? Un Marcel Touanga et un Isidore Mvouba, bien que tous du Pool, poursuivent-ils les mêmes idéaux ?
Croire que le Pool est uni est un leurre. Aucune entité régionale ne l’est de toute manière. Depuis les luttes de résistance anti-coloniale, les alliances politiques ont toujours été transversales aux frontières physiques. Le positionnement actuel du "leader charismatique du Pool" (entendez Bernard Kolélas) est là pour rappeler à qui l’aurait oublié que les connexions idéologiques et les centres d’intérêt transcendent largement les limites naturelles d’une entité géographique. Les soupçons de collaboration avec l’ennemi qui pèsent sur Ntoumi sont également symptomatiques de la flexibilité des frontières naturelles.
De ce fait, on imagine que les organisateurs n’ont pas été naïfs au point de penser que tous ceux qui ont accepté de se rendre à Paris constituaient un bloc politiquement homogène quand bien-même la langue était pour eux un signe de reconnaissance mutuelle.

En somme il existe un Pool stricto sensu et un Pool lato sensu. A Paris le concept du Pool s’est voulu "élargi". En tout cas telles étaient les intentions des organisateurs.

Les mânes du Pool

Dans ce colloque organisé par des intellectuels de la région (médecins pour la plupart) , logique mystique et logique scientifique y ont fait bon ménage.

A en croire notre confrère Kimpwanza, d’entrée de jeu, des symboles métaphysiques ont été mis en branle pour servir « d’anges gardiens aux acteurs de la paix et de la reconstruction du département. »
Joignant le geste à la parole, un orateur (Marcel Touanga) a sacrifié au rite de bénédiction « en aspergeant (...) du vin de palme l’enceinte des débats en guise d’offrandes aux ancêtres, sous les applaudissements nourris de l’assistance. » Ensuite, en guise de rite de fortification, une prière a été prononcée pour « l’aboutissement de ce processus de paix »
Cette ordalie magique fut « prononcée par un citoyen volontaire » et suivie par les chants de la chorale kimbanguiste Les Messagers de la paix.

Direction du colloque, de gauche à droite : Drs Ferdinand Yémo, Marcel Guitoukoulou, Mianfoutila (sources des photos : Kimpwanza)

Comme on voit, le colloque a été abordé sur le registre dialectique du sacré et du profane.

Des absents de taille

Sans doute parce que les centres d’intérêt furent divergents, le conclave de ce 22 juillet, a intéréssé beaucoup d’acteurs étrangers à la région stricto sensu. Des messages de soutien ont été adressés par « ceux des ressortissants du Pool qui n’ont pu faire le déplacement pour des raisons d’éloignement. » C’est le cas de Mgr Louis Portella Mbuyu, évêque de Kinkala, « en sa qualité de Président du Comité préparatoire de la concertation citoyenne des ressortissants du Pool ».

Paradoxalement, de Mgr Ernest Nkombo, son homologue originaire du Pool, il y a eu un silence de...cathédrale.

Le prélat de Kinkala a remercié les organisateurs pour avoir pris « l’initiative d’une telle rencontre » et exhorté « tous ceux qui participeront à cette rencontre de prendre de leur temps pour une question aussi vitale que celle de la paix et de la reconstruction du département du Pool ».

Il est vrai que ce ne fut pas évident de rassembler tant de forces disparates, qui plus est dans une conjoncture a-démocratique où les intimidations du Pouvoir forcent généralement à plus de prudence politique. Vous conviendrez qu’au Congo, le Pouvoir ad’hoc ne s’est pas abandonné dans la joie à l’idée de voir se retrouver de façon massive les ressortissants d’une région qui a toujours représenté une menace pour lui.

Puisqu’on parle de politique de la "chaise vide", il faut insister sur l’absence de Mgr Ernest Nkombo, lui dont on signala pourtant la présence (à l’instar de Kolélas) à une cérémonie matrimoniale qui eut lieu voici un peu plus de deux mois à Rome. Au décès de Mgr Batantou, la région fit corps derrière l’Evêque d’Owando (entendez Mgr Ernest Nkombo) lorsque les foudres de Mpila tombèrent sur lui après qu’il eut prononcé une homélie à forte connotation politique.

Curieusement, quand il s’agit de se battre pour un Congo démocratique, les victimes de l’injustice déclarent forfait...

Bernard Kolélas, grand absent également, était en France. Il se peut même que sa présence a volé la vedette au Colloque dans la mesure où le mariage de sa fille en Alsace y a drainé une partie de la clientèle susceptible de se rendre au colloque de Paris.

D’André Milongo, personne n’a non plus vu l’ombre à ce meeting parisien qui concernait sa région. Il y a six ans, on le vit à Pertuis ( à côté d’Aix-en-Provence). On le vit peu de temps après au colloque de l’Accord, à Paris. Mais, visiblement, cette époque où les leaders se bougeaient pour la région semble aujourd’hui révolue.

Au cours du colloque proprement dit, le Dr Marcel Guitoukoulou a insisté sur ce qui rassemble la région et envisagé un dialogue intra régional "sans exclusive " qui s’appuierait sur l’amnistie dont aurait bénéficié Bernard Kolélas « patriarche du Pool »

Le Dr Marcel Nguitoukoulou a usé d’une méthode de rassemblement dont l’historique se décline depuis l’an 2000 lorsqu’il reçut dans le Vaucluse le colloque de Pertuis (1 et 2 avril) dans le cadre de PLC la Rupture (Parlement libre du Congo)

Cette fois-ci, M. Guitoukoulou ne se serait pas contenté de propositions théoriques puisqu’il aurait rencontré Bernard Kolélas au début de l’année (janvier 2006) , dans sa résidence de Courbevoie (Région parisienne)lui demandant de prendre « faits et causes dans l’organisation de ce dialogue. »

Infatigable, le médecin de Marseille aurait également rencontré l’Ambassadeur Henri Lopes pour lui exprimer « la frustration et l’indignation des cadres du Pool sur la gestion de la crise par le gouvernement. »

Mieux ; les préparatifs à cette rencontre du 22 juillet datent du 15 février, à Brazzaville quand la société civile et politique du Pool à l’appel des hommes d’église, des hommes ressources notamment le Docteur Richard Biléckot et l’ancien Ministre Bonaventure Baya ont donné naissance au « comité de concertation citoyenne des ressortissants du Pool dont la mission est de contribuer à la paix et à la reconstruction du Pool ».

L’énigmatique Ntoumi dont l’ombre a plané sur le colloque de Paris

Ce colloque, réservé aux fils du Pool, a, par conséquent, suscité des réserves de la part des "étrangers" à la région. Le Général Ngouélondélé Mongo qui a préféré ne pas s’y rendre, a adressé un message lu par l’ancien Ministre Lambert Ngalibali (qui lui, n’est pas du Pool) , stipulant que la crise politique dans le Pool et la catastrophe humanitaire qui s’en est suivie, découlent de la « situation de guerre dans notre pays. Ces guerres qui ont déchiré le Congo sont elles-mêmes la conséquence des actes de quelques-uns. Les actes de ceux qui ont profané notre espace politique, transformé le champ politique en un champ militaire en créant des milices paramilitaires. Ces profanateurs ne sortent pas tous d’une seule et même maison régionale »

Qu’en des termes lyriques ces choses-là sont dites !

Pour Ngoulondélé la crise du Pool est bien « le nœud du contentieux politique national. » Lissouba, jadis , avait déjà reconnu que le Pool était la Micheline du Congo. Le dynamisme kongo/lari dont parle Côme Manckasa dans sa thèse (1968) est incontestable. Paradoxalement cette tête de convoi du train congolais (d’où l’obejt de ce colloque) a été mise sur une voie de garage. Des wagons qui roulent sans locomotive pour les tracter, où a-t-on vu une telle articulation ferroviaire ?

Des documents audiovisuels ont émaillé les propos des intervenants, notamment « des images projetées en témoignage de la catastrophe humanitaire et environnementale du Pool, de la pré-concertation du 15 février 2006 au centre inter diocésain des œuvres de Brazzaville. »

Ntoumi

Terré dans sa forêt de Loukouo et de Bangou, on ne risquait pas (à Paris) de voir Ntoumi, l’homme qui est en train d’en faire voir de toutes les couleurs aux populations du Pool, intra et extra muro.

Selon notre confrère Kimpwanza les justifications filmées du Pasteur N’Tumi ont suscité « une émotion générale. » Toutefois, Jean-Gustave Ntondo représentant du Révérend Ntoumi fut, semble-t-il, prit à parti par les participants qui reprochaient à son chef d’être un instrument de Sassou. L’instabilité de la région, selon une hypothèse de plus en plus crédible, procéderait d’une action combinée du couple Sassou/Ntoumi.

La tension verbale s’est poursuivie, relayée par les propos libres des intervenants qui ne veulent plus voir la misère qui sévit dans la région et tiennent absolument à la « rupture avec le statut quo observé par le pouvoir politique du pays dans le Pool. »

Ce pouvoir a fini par transformer le Pool en « bande de gaza, c’est à dire une prison à ciel ouvert dans laquelle les citoyens innocents sont condamnés aux sévices des bandes armées sans foi ni loi. »

Bernard Kolélas, un grand absent, était en France pour marier sa fille

On a pu noter la présence de personnalités telles « Samuel Badinga, le Colonel Marcel Touanga, la veuve Marceline Matsokota, Monsieur Nicodème Nganga (ancien conseillé du président Sassou Nguesso), Monsieur Mayima Mbemba, Le Prince Matsiona-köngo, Abraham Wassiama »
Autant dire des figures classiques des différents colloques parisiens.

La Rupture

Rupture est un concept opératoire à effet dynamique. Du passé, faisons table rase. Il faut rompre avec les schémas éculés de la Nouvelle Espérance fondés sur le crime et l’impunité. Ce concept forgé par le comité de Consensus issu du colloque de Nantes a fait du chemin et commence de plus en plus à s’affiner. C’est sans surprise que les conférenciers ont appelé à rompre avec les vieilles habitudes politiques, à effectuer un véritable changement social.
Les conférenciers ont recommandé « la mise en place d’une commission nationale vérité, justice et réconciliation. » Comme en Afrique du Sud. Le Congo de Sassou est un tissu de mensonge et de contre-vérité. Rien ne peut être construit sur la base du faux et de l’usage du faux. C’est en perçant l’abcès que la République peut aller de l’avant après avoir tourné une sombre page sans qu’il y ait des ressentiments. Tous ces parents qui ont vu leurs parents mourir au Beach éprouvent légitimement un besoin de justice. Ce n’est pas le faux procès du mois d’août 2005 qui apaisera les esprits. De plus, la corruption a atteint un niveau si élevé qu’il faudra procéder à une rupture intellectuelle pour changer de comportements sociaux dans ce pays et pour accéder à une nouvelle éthique. Non, il faut absolument une nouvelle gouvernance.

Les jeunes, présents dans la salle, ont pour leur part « appelé de tout leurs vœux à une rupture générale dans le pays. » Comme tout colloque qui se respecte, celui du 22 juillet, s’est achevé sur l’élaboration d’une « motion de soutien au comité préparatoire de la concertation citoyenne des ressortissants du pool et à son président Monseigneur Louis Portella Mbuyu » D’une « recommandation en faveur de la concertation Pool-Pool et de la mise en place d’une commission nationale vérité, justice et réconciliation »

Les conférenciers se sont également fendus d’un communiqué final relatant l’esprit des débats et invitant à « l’élargissement du comité d’action de France à d’autres personnalités pour enrichir la rédaction du manifeste sur la crise du Pool. »

André Milongo, également absent, participa au colloque de Pertuis en avril 2000

Une « ombre au tableau », la non participation de « certains ténors politiques du Pool en exil ». Ces absents se sont mis en porte-à-faux vis à vis du destin séculaire de la région et se sont exclus ainsi d’eux-mêmes de « l’histoire naissante de la reconstruction du Pool et du Congo. »

En reconnaissant cette faible mobilisation de l’élite politique de la région, les organisateurs ont-ils avoué là le demi-échec du colloque ?

En tout cas, le colloque de Paris 2006 était mieux que celui de Pertuis en avril 2000 et sera moins bien (soyons-en convaincus) que le prochain qui, en toute logique, aura lieu à Brazzaville où personne n’aura plus d’alibis pour se dérober.

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