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La direction du Fespam limogée

Comme il ne fallait pas s’y attendre, le ministre de la culture, Jean-Claude Gakosso, a limogé le commissaire général du Fespam et son équipe. Après la 6 è édition qualifiée de "franc succès", la direction du Fespam a été invitée à céder la place à d’autres "boukouteurs", impatients, eux aussi, de s’en mettre plein les poches.

Il y a eu une passation de pouvoir au sein de la direction du Fespam cette semaine du 17 décembre 2007 à Brazzaville. L’équipe sortante dirigée par Dieudonné Bonyongo (commissaire général) et Jean-Jacques Bayonne (directeur artistique) a été remerciée.
Le nouveau chef d’orchestre du Fespam (ça ne s’invente pas) est un certain Beethoven Yombo Henri Germain auquel incombe désormais la tâche de distraire le peuple en lui offrant du spectacle (à défaut de nourriture) comme le faisaient les Romains de l’Antiquité.

Créé sous Lissouba en 1997 le Fespaco (équivalent culturel du Fespaco au Burkina-Faso) est l’une des rares institutions qui aient survécu à la défunte Mouvance Présidentielle. Ce festival de musique et de l’art a lieu tous les deux ans, à la grande satisfaction des autorités locales tout en suscitant de moins en moins l’enthousiasme du public.

A l’origine, le fespam fut pourtant une belle occasion de rencontres interculturelles et internationales bénéfiques à nos artistes locaux. Malheureusement, les choses ont pris une autre direction.

Zao remplace Jean-Jacques Bayonne

Tempête dans un verre d’eau, la "révolution culturelle au sein du Fespam" a eu lieu au Cinéma Vog et a duré plusieurs interminables heures qui en disaient long sur les pressions politiques ayant déterminé ce changement. Une foule de journalistes faisait le pied de grue dehors, impatiente de connaître les noms des prochains metteurs en scène du navet que n’a cessé de devenir le Fespam au fil des éditions. Le passage du témoin a été brutal car les "sortants" n’ont manifestement pas voulu se laisser prendre le pain dans la bouche sans essayer de se défendre bec et ongles.
Pressée de questions à la sortie, la nouvelle équipe a confié dans une superbe langue de bois que la passation s’était déroulée dans une ambiance cordiale. Il ne s’agissait pas, a-t-elle ajouté, de perdants ou de gagnants mais de continuité complémentaire. En effet, selon les nouveaux maîtres, les anciens membres étaient invités à coopérer avec les nouveaux patrons du Fespam. C’était, en fait, une manière élégante des vainqueurs d’adoucir l’humiliation vécue par les perdants.
En vérité, c’est un coup de force (pour ne pas dire coup d’état) qui a eu lieu à la tête du Fespam. On peut, en effet comprendre la triste mine des "sortants", car le Fespam est une véritable poule aux oeufs d’or, un formidable moyen d’enrichissement de ses membres. Ils viennent donc de perdre une véritable planche à billets de CFA.
D’autres vont donc profiter de cette aubaine. Normal : à chacun son tour.

D’artiste, Zao devient acteur. Chaque fois présent sur le plateau du Fespam, le célèbre musicien a fini par passer de l’autre côté de la scène. Son intégration est sans doute une manière pour la nouvelle équipe de se donner un peu plus de crédibilité.
Voici la nouvelle équipe qui va bosser avec Beethoven Yombo Henri Germain : Honoré Mobonda directeur scientifique ; Mobali Banda, directeur administratif et financier ; Casimir Zoba, directeur artistique ; Raphaël Ekemi Louomat, directeur de la communication, du marketing et des relations publiques ; Christian Ebalé. directeur de la logistique.
Autant dire que ce sont les veinards qui vont se goinfrer à l’occasion de la 7è édition d’un rite festif dont le dernier a tout de même englouti près de 3 milliards de francs CFA : une aubaine pour un boukoutage (1) en règle.

A quoi sert le Fespam ?

Le Fespam est surtout réputé pour être un modèle achevé d’anarchie. Il s’agit surtout d’un lieu d’escroquerie où les petits artistes sont l’objet des pires arnaques en faisant les frais d’un incroyable manque de professionnalisme de ses organisateurs. A ce jour, certains cachets de musiciens ayant participé aux précédents Fespam (2003, 2005) n’ont jamais été payés et les contrats avec des partenaires étrangers jamais honorés quand bien-même ils ont été signés en bonne et due forme.
Le célèbre saxophoniste Manu Dibango avait dit du Fespam que c’était le pire désordre qu’il n’ait jamais vu de sa longue carrière d’artiste.
Pourtant, dans l’esprit de l’éternel ministre de la culture, Jean-Claude Gakosso, Fespam devrait traduire "un moment d’introspection, de réflexion des Africains eux-mêmes sur leur passé et leur avenir. "
Estimant que le festival ne consitait pas seulement à "battre des tam-tam et à jouer de la guitare", le ministre, au cours d’une réunion de travail qualifia la tâche de l’équipe comme étant " passionnante".
"Passionnante" ? Dans le code linguistique de la Nouvelle Espérance, cela veut dire "vibrer de plaisir pendant qu’on s’enrichit".

Campagne politique

Les nouveaux maîtres des lieux ont bataillé ferme pour pousser dehors l’équipe de Jean-Jacques Bayonne.
Le ministre de la Culture et du Tourisme, Jean-Claude Gakosso, n’a pas été étranger à ce "coup d’état". Estimant qu’il fallait que d’autres aussi aient leur part de gâteau, il a pesé de tout son poids dans la balance pour favoriser la philosophie qui sied aux pratiques sociales de la Nouvelle Espérance : boukouter ferme.
De toute manière, personne ne semble regretter le départ de l’ancienne direction qui a plus brillé pour son clientélisme que pour la promotion de la musique africaine.
Une chose est sûre : la médiocrité va se reproduire dans ce limogeage. La 7 è édition, va coincider avec un enjeu de taille pour la Nouvelle Espérance : l’élection présidentelle de 2009. Rien de tel que le Fespam pour servir de campagne politique à cette échéance où Sassou espère se succéder à lui-même.

(1) Boukoutage : (congolisme) - littéralement, se remplir la panse en mastiquant avec un bruit de noix broyée. Au sens figuré, s’enrichir sans vergogne aux frais du gouvernement.

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