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La victoire de Barack Obama vue par la classe politique congolaise

Barack Obama, Américain d’origine afro-américaine élu ce 7 novembre 2012 Président des Etats-Unis pour un deuxième et dernier mandat a déclenché dans la classe politique congolaise une série de réactions qui montre que ses membres manipulent avec brio le "renversement sémantique acrobatique", une marque achevée d’opportunisme. Toute honte bue.

Interrogé sur cette réélection du 45 ème Président américain (Télé Congo, 7 nov 12) le Chef de l’Etat Congolais, Denis Sassou-Nguesso, a répondu (avec la dialectique dont il est coutumier) qu’il adressait ses félicitations au vainqueur. Le plus tranquillement au monde, l’homme du 8 février 1979 et du 5 juin 1997 a dit ceci en substance : « Je voudrais d’abord présenter mes félicitations pour sa réélection, le peuple américain est un grand peuple, nous avons affaire à une grande démocratie. Lorsqu’il a été élu il y a quatre ans ( 1er président noir) , on pouvait penser à un accident. Avec sa réélection nous pouvons dire que la démocratie vient de confirmer (leur) grandeur. Obama, fort de cette expérience de 4 années jouera un grand rôle … dans le traitement des problèmes de ce monde. Nous sommes confiants... Si Barack Obama n’a pas pu activer des lueurs d’espoir chez les Africains du continent noir lors du premier mandat, cette fois-ci les attentes des pays africains pourraient être comblées sauf qu’il ne faudrait pas perdre de vue que le Président est avant tout élu pour résoudre les problèmes du peuple américain … » gnagnagna gnagnagna...

Autre retournement syntaxique, celui de Pierre Ngolo, Secrétaire Général du PCT : « Nous devrons tous être à l’école de cette démocratie » (sans rire)

Joseph Kignoumbi, député Upads (Opposition) : « Il faut tirer les leçons technique de cette élection où les résultats tombent immédiatement alors que chez nous il faut attendre des journées entières..  »

Grégoire Léfouoba, professeur d’Université et homme politique, a souligné que la puissance de l’argent n’est rien ; l’adversaire d’Obama a dépensé des milliards, en vain. Et de citer, sans à-propos, Georges Sand.

Jean-Claude kakou, journaliste inféodé au régime : « le bien-être quotidien des Africains n’est pas l’affaire de Barack Obama  ». Coup de poing assené sur le bec de ceux qui espéraient voir résolus les problèmes des Africains sous prétexte qu’Obama avait du sang kényan dans ses veines.

Accident

« Accident politique  » la première élection d’Obama ? Voyons ! A quoi bon faire table rase de l’histoire électorale des Etats-Unis réputée être l’une des plus complexes au monde. Par conséquent savourer les raisons de la victoire à l’issue d’une compétition jugée généralement rude, âpre et féroce, ne peut et ne saurait être fruit du hasard, fût-on candidat américain d’origine africaine.

S’il est une élection où le hasard n’a pas place, s’il existe un scrutin où tout est calculé comme sur une partition de musique, c’est bien ce qu’on appelle ordinairement « course à la Maison Blanche  » car du souffle il en faut. Bien sûr, par souffle il faut entendre « moyens financiers » (car une campagne ça coûte extrêmement cher) et, au bout du compte, il faut entendre « programme politique ». C’est qu’on est élu sur un projet politique. Barack Obama martela avant le premier mandat une série de propositions visant à explorer une piste politique dotant le système de santé américain d’une dose de social et expérimentant un plan économique qui donnerait le coup fatal au chômage. Sans oublier une ouverture d’esprit envers l’avortement et envers le mariage homosexuel ainsi qu’un discours (prononcé en espagnol) favorable à l’intégration des Latinos. Ce sont là autant de prises de position qui ont agi en faveur d’Obama, notamment celle sur le mariage gay dans des Etats comme la Californie où le vote de cette communauté est important.

Je le savais

C’est vrai que raisonner sur le mode de la préscience, genre « je savais qu’il allait gagner  » est très facile, trop facile, car en effet, cette fois-ci, dans un contexte économique très difficile, parier sur la seconde victoire d’un Barack Obama n’était pas exempt de risques. « Il nous aura fait peur » avoue l’éditorialiste de Libération François Sergent quant à l’incertitude que laissaient planer les sondages sur la victoire du candidat sortant face au Républicain Mitt Romney, milliardaire à souhait.

Il ne demeure pas moins que pour peu qu’on eut scruté la composition des supporters de Barack Obama dans les campagnes, la représentativité interethnique et interculturelle de la foule militait en faveur d’une victoire du candidat Démocrate. L’Amérique a changé. Elle ne fait plus fonctionner le modèle unidimensionnel visible dans les meetings de son adversaire. « Il n’y avait que des Blancs dans ses rassemblements  » note un leader politique congolais de la diaspora contacté au téléphone. De quoi faire remonter à la surface les vieux démons d’une Amérique frileuse sur laquelle souffle depuis l’époque des Lois Lynch le vent des Pasteurs des Eglises intégristes et incroyablement conservatrices de l’Amérique rurale.

« Les Américains auront néanmoins préféré le bilan même imparfait et les projets même incertains du président sortant à l’économie vaudou et hasardeuse de ses adversaires républicains. » commente François Sergent (Libération 7 nov 2012)

Eloge du vice à la vertu

Ironie du sort, entendre Denis Sassou Nguesso commenter, sourire aux lèvres, l’élection d’Obama ne manque pas de culot. (Soni é sila bango ). Eloge du vice à la vertu, un putschiste qui se satisfait de l’élection d’un homologue démocratiquement choisi face à un adversaire de taille, c’est comme, dans une salle de classe, un élève qui félicite un collègue qui vient de lui administrer une raclée. Car l’élection de Barack Obama développe du point de vue africain la puissance d’une gifle politique en pleine gueule. Plutôt qu’un accident, la réélection d’Obama devrait être interprétée par nos tyrans nègres comme une leçon de chose et vécue comme l’impact d’un boomerang. Comment ne pas se cacher dans le trou d’un rat quand sur la scène politique internationale la durée de vie de certains est de 4 ans (certes renouvelables) et celle des autres de quarante ans (voire plus) !

Omar Bernard Bongo politiquement et physiquement mort sur son lit a vu défiler tous les chefs d’Etats américains qui ont succédé à John Kennedy. N’eut été la grande faucheuse, Bongo/père aurait, depuis son palais de Libreville, félicité Barack Obama (saison 2) comme l’a fait Sassou depuis son palais de la Glacière, en face de Bacongo.

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