email

Le nouveau gouvernement congolais : les raisons de la colère

Du remaniement de cette semaine du 24 septembre 2012, on en parle comme un non-évènement alors que pour un évènement qui n’en est pas un, ça fait « beaucoup de bruit (pas) pour rien ». Il y a de quoi, en effet, susciter stupeur, fureur, et bruit. Il est vrai qu’il fallait croire au Père Noël pour s’attendre au changement radical. Mais, en pleine période de morosité conomique, pensez que tout le ramassis qui a fait partie du précédent gouvernement ( à quelques exceptions-près) a été ramassé de nouveau par Sassou. Au bout du compte, le pouvoir passe pour le berceau et le cimetière du sujet Mochi. Il y naît, il y meurt. Adada, Emmanuel Yoka, Gilbert Ondongo, Jean-Claude Gakosso, Pierre Oba, Jean-jacques bouya illustrent cet apophtegme. C’est la première raison de la colère.

Pourquoi eux et toujours eux ?

Tous ceux qui ont été inclus par Sassou dans le système d’enrichissement jamais mis en place au Congo, (comprenez le Chemin d’Avenir), tous appartiennent exclusivement à l’ethnie Mbochi (à quelques exceptions près) comme le témoigne le festival de noms connotés "cuvette" qui figurent sur la nouvelle liste de ces insatiables kleptomanes. C’est le deuxième mobile des cris de colère publique.

Humanisme athée ou doux cynisme, Sassou a gratifié quelque élément des tribus du Sud, mais l’essentiel des portefeuilles, a constaté chacun, est détenu non seulement par la même canaille mais par la canaille mbochi. (La Lettre du Continent 26 septembre 2012 - parle sans ambages de "Nouveau gouvernement pur Mbochi pour Sassou ! ").

« Pourquoi eux et toujours eux ? » gémit légitimement la plèbe dans une colère noire. Après avoir préfabriqué sa nouvelle Assemblée Nationale "Je fais ce que bon me semble : le ciel ne tombera pas " s’est, comme de coutume, dit le camarade Sassou en remaniant sa liste d’intérimaires indéboulonnables. La voute céleste ne s’est pas, en effet, effondré. Quelque grognement d’un Mathias Ndzon, des coups de gueule d’internautes sur les sites congolais, le mutisme absolu des ténors de l’Opposition locale brazzavilloise : c’est tout l’effet qu’a suscité le jeu de chaises musicales orchestré par l’Homme d’Oyo.

Dernier ngonga

Selon une alerte google, ce samedi 29 septembre, les opposants au régime de Sassou (Front Uni de l’Opposition) se sont indigné par le moyen d’une manif. Un mouvement social, bien sûr, violemment dispersé par les Cobras en uniforme militaire. Guy Romain Kinfoussia aurait fini par piquer une colère rouge après le marché d’Ewo où on lui promit la députation. Comme il fallait s’y attendre, la racaille du Chemin d’Avenir ne tint pas parole. Marché de dupes. Fureur noire du leader de l’Opposition et non moins naïf Président d’UDR-Mwinda.

La diaspora

«  Que faire ?  » : se sont demandé les anti-Sassou de la diaspora. Sempiternelle question que ne finiront pas de se poser des acteurs que l’interminable règne du Shah de Mpila a fini par épuiser. « Aucune manif, aucun communiqué, aucune prise de position, rien n’a pu émaner des Congolais de la diaspora » a déploré Cicéron Massamba, un cadre du Congrès du Peuple de Marcel Guitoukoulou après l’assourdissant non-évènement qui vient d’avoir cours cette semaine du 24 septembre 2012 à Brazzaville.

Des ministres aux anges

Vendredi 28 septembre 2012, Télé-Congo a montré le premier conseil de ministres, dans la joie et la gaité : une scène insoutenable tant elle tranche avec la misère ambiante du peuple. Vous auriez dit un harem de prostitués venus prendre conseil auprès de leur proxénète. Comble de scandale, pendant que la colère est au paroxysme chez les Congolais, nos putes n’avaient pas assez de mots pour remercier Sassou. L’adage est connu : le bonheur des uns défait le bonheur des autres.

« A quoi servent ces éternels ministres ? » Question à trois francs (falanka tatu) « Les Congolais ont du mal à se séparer de Sassou ; Sassou a du mal à se séparer de ses ministres ». (Proverbe congolais)

Si, tout de même ! il y a une exception qui confirme la règle de l’inamovibilité ministérielle : Okombi Salissa. Une règle doublée de misogynie puisque Rosalie Kama, rare femme ministre, a reçu le coup de pied de l’âne.

L’ombre des attentats du 4 mars 2012

Esquissons un syllogisme : tout ministre que Sassou peut manipuler à sa guise est ministre à vie, or Okombi Salisa vient d’être viré, donc Okombi n’a jamais été ministre.

Mais qui fut-il alors ? Epouvantail ? Maître-chanteur ? (Nous y reviendrons ) En tout cas, en bon mac ou souteneur ou proxénète ou péripatéticien (c’est selon) de l’avis général, le général Sassou a réussi à faire taire Okombi Salissa en le mouillant copieusement dans les attentats du 4 mars 2012, une galère où il n’avait rien à faire. Comme Ntsourou, devenu bouc-émissaire à abattre pour faire taire un pistoléro impliqué dans la boucherie du Beach. Comme dans le film de Martin Scorsese Les affranchis où le tueur le plus fou du réseau mafieux est mis hors d’état de nuire par le parrain, Okombi Salissa devenait gênant comme le sont, en génral, les hommes chargés de basses besognes, par exemple les tueurs. C’est probablement pour ce statut de nettoyeur durant les évènement du 5 juin 1997 qu’il fut maintenu ministre durant 15 ans.

Dérives shakespeariennes

Mais au sujet d’Okombi Salissa, il ne s’agit peut-être pas de ça ou pas que de ça. Nous sommes à la croisée d’une époque et d’un système où plus rien ne fait peur à Sassou et, tout ce qui fait peur n’est plus rien aux yeux de Sassou. Celui-ci se dit : le ciel ne tombera pas quoique je fasse et, après-moi, le déluge. Ce type de raisonnement donne à une dictature une dimension proche de la folie ou peut-être une dimension qui bat à plate-couture la folie, cette maladie que Shakespeare diagnostique chez les Rois auxquels aucun contre-pouvoir n’oppose des freins. L’époque où les conférenciers de la Transition pouvaient renvoyer Sassou à ses chères études est révolue. Le stade de la démesure est atteint comme le prouvent le coup de Jarnac de Yoka Emmanuel à Vindza, les syndromes dynastiques de Christel Nguesso à Oyo et de Claudia Sassou à Talangaï, la future probable taille de la Constitution à la mesure de l’actuel Président afin de prolonger son séjour au pouvoir, la potentielle organisation de la succession au profit du déjà nomme Christel Nguesso puisque tel père, tel fils, tel fils, tel père, le père et le fils ne faisant qu’un. Je suis lui, lui est moi etc.

Non ! plus rien ne fait peur à Sassou, sauf peut-être son propre pouvoir dont la démesure effraierait même Dieu le Père. Visiblement, la folie est la religion des francs-maçons ou la maçonnerie la religion des fous.

Vous vous rendez compte ! Désormais les coups des malfrats du Chemin d’avenir sont assenés avec une violente brutalité, et sans élégance, ménageant les coupables (le chef d’Etat-Major à la date du 4 mars 2012), frappant les lanternes rouges (Zacharie Bowao, Marcel Ntsourou).
A force de taper dans la chair de l’opposition les Cheminots d’Avenir ne sont jamais tombés sur un os de la consistance d’un Bernard Kolélas des années antérieures à sa collaboration et postérieures à la Transition de 1991.

Okombi, tigre de papier

Et d’ailleurs pourquoi se gênerait-on quand des individus comme Okombi Salisa réputés caïds se sont révélés des tigres de papier. Leurs apparences physique et morale terrorisent mais lorsqu’on cogne, le premier uppercut les fait vaciller sans la moindre riposte car un fauve en papier mâché reste simple épouvantail. Peu avant le remaniement, Okombi faillit jeter son écurie dans la rue suite à une convocation de sa personne par le doyen des juges à la solde de Mpila. Deux jours après le remaniement où il a été brutalement remercié on attend encore que le lion des Plateaux rugisse. On attendra toujours.

La petite Suisse

Une autre idée de la démesure perverse du pouvoir chez Sassou : la « guadolisation » du régime (comme au Zaïre sous Mobutu). Au bout du compte la Petite Suisse dont Lissouba avait rêvé la matérialisation sur le territoire de la Mouvance Nationale, Sassou l’a réalisée dans son fief natal, Edou/Penda, vorace sous-préfecture qui a coiffé au poteau tout le Territoire de La République : le haut, le moyen et le bas Congo.

La municipalisation accélérée, annuelle dans les autres départements, est quotidienne dans La Cuvette et particulièrement à Oyo, village natal de Sassou qu’on compte transformer en Zone Economique Prioritaire en 2013 (La Lettre du Continent). Comme on accélère la municipalisation rurale on accélère la concentration clanique du pouvoir économique. Aux pantins que sont les ministres Sassou donne des os à ronger. Quand il s’agit du beefsteak, on invite exclusivement fils, filles, neveux, nièces et cousins et cousines : c’est le cas de la gestion du pétrole par la SNPC, marque déposée dont les droits d’auteurs-compositeurs reviennent exclusivement aux Sassou-Nguesso.

Quand l’exercice personnifié du pouvoir ne se fixe plus de bouts, le peuple n’est pas au bout de ses soupirs.

Veulerie et bassesse

Enfin, grâce au remaniement de ce mardi 25 septembre 2012, on s’est tous rendu compte, sans surprise, que la veulerie, bassesse, médiocrité et courtisanerie se portent bien sur le territoire du Chemin d’avenir. Des généraux comme Prosper Konta, des professeurs d’Université comme Louis Bakabadio se font ou se feront commander par leurs subalternes. Que le grade de chef d’Etat-major passe sous le nez de l’un et que le portefeuille du ministre de l’Enseignement supérieur sous celui de l’autre, cela ne semble pas les offusquer au point de réveiller en eux le soupçon de vanité que l’Ecclésiaste décrit et décrie chez l’homme.

Cocotte-minute

Seulement voilà : la fonction de la marmite comme métaphore de la magie noire afin de figurer dans le gouvernement, selon François Ibovi (heureux invité à la table du Chemin d’Avenir), cache mal, très mal d’ailleurs, une autre métaphore de cet objet de cuisine : l’explosion sociale. Comme une cocotte-minute, les tensions contenues par un peuple, hautement exacerbées, sont à la limite de se transformer en un "4 mars politique", pulvérisant non pas un quartier mais un pouvoir totalement pourri de l’intérieur.

Le remaniement ministériel avec ses éternelles reconductions ajoute à la vindicte publique. Or dit un adage de notre cru : «  Peuple en colère, tyran en galère ». Voilà une première raison de se réjouir.

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.