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Le professeur Jean-Pierre Makouta-Mboukou, a rejoint la forêt vierge

Ce lundi 9 octobre 2012 est décédé à Pontoise (région parisienne) le professeur Jean-Pierre Makouta-Mboukou, né à Kidamba –Boko le 17 juillet 1929, une nuit où il n’eut pas au ciel un « seul rayon lumineux » écrira l’auteur ce qui, ajouta-t-il, fut pour lui «  le signe d’un avenir triste et plein de dangers  » In (Jean-Pierre Makouta-Mboukou, romancier Essai littéraire).

Parmi ces dangers, écrivent J.R. Mousahoudji-Boussamba et S.G. Doctovré Mouanou , figure l’éloignement de l’école où fut inscrit l’enfant Makouta (25 km du village), école où, en plus de s’y rendre à pied, les élèves étaient à la merci d’un instituteur esclavagiste. C’est alors sans surprise qu’à Montpellier où il croise son directeur de thèse pour rédiger un doctorat, ce dernier est surpris par l’âge de l’étudiant qu’il a en face de lui : 25 ans. C’est le professeur Jean-Pirerre Makouta-Mboukou qui signale lui-même cette anecdote dans sa thèse sur l’écrivain haïtien, Jacques Roumain. En effet, 25 balais est un âge qui symbolise un parcours scolaire plein d’embûches car, en temps normal, c’est l’âge où l’on termine et non l’on commence une thèse de doctorat. Mais, qu’on se rassure, la Thèse es Lettres sur Jacques Roumain fut un chef-d’œuvre et le candidat, Makouta-Mboukou, un brillant étudiant qui compte déjà à son actif, au moment où démarre ce travail universitaire, plusieurs certificats, dont une Licence en Lettres et un CAPES.

Le Victor Hugo congolais

Makouta-Mboukou fut un penseur dont l’œuvre majeure a fait l’objet d’une conspiration du silence dans son propre pays, soit pour des raisons politiques (on le disait antimarxiste) soit pour le découragement qui gagnait journalistes et critiques littéraires face à la profondeur philosophique de sa bibliographie. Le public s’est juste familiarisé à ses écrits à partir de ses essais politiques inspirés par les guerres civiles dans son pays (« La destruction de Brazzaville ou la démocratie guillotinée » - 1999). Et, à cause de cette vision partielle de sa production intellectuelle, nombre de lecteurs n’ont de l’auteur que l’image du « politique », ignorant totalement celle du « savant » au point où certains l’ont traité d’intégriste. Il s’agit-là, bien évidemment, d’une erreur d’appréciation, car ainsi que le montre l’étude en littérature comparée faite sur l’illustre disparu, on ne peut pas comprendre ses prises de position politique si on n’a pas lu le parcours socio intellectuel de l’auteur. Dans leur thèse en littérature comparée, c’est sans surprise que les auteurs de l’’étude (J.R Mousahoudji-Boussamba et S.G. Doctovré Mouanou, 2002) ont mis en parallèle la vie de .J.P. Makouta-Mboukou avec celle du grand Victor Hugo qui fut, lui aussi, parlementaire, poète, écrivain, intellectuel, homme politique, exilé (10 ans pour Victor Hugo, 25 ans pour Makouta-Mboukou). Tous deux furent de grands humanistes et de grands soldats luttant contre la misère humaine, l’exploitation de l’homme par l’homme, la violation des Droits de l’Homme.

Intègre ou intégriste ?

Les détracteurs du « professeur » le voyaient comme un intégriste. Ceux qui virent ce Protestant venir à la rescousse du Catholique Ernest Kombo menacé par Sassou-Nguesso et, bien avant, du prisonnier Lissouba étouffant entre entre les griffes de Yombi en 1977, ceux-là le considèrent comme un homme intègre, hostile à la torture exercée sur la personne humaine par d’autres humains. Tous ceux qui l’ont approché ont mesuré l’immensité de son intégrité et de sa probité morale. Ironie du sort, Lissouba, devenu chef d’Etat (1992) cherchera à lui faire la peau. Le pouvoir n’est vraiment pas un champ où on se fait des cadeaux.

Septentrion

Une fois l’oeuvre de Makouta cernée dans sa totalité, on pouvait, à ce moment-là, comprendre l’itinéraire du professeur Makouta-mboukou, homme de génie dont les derniers ouvrages (La destuction de Brazzaville ou la démocratie guillotinée – Paris 1999) furent violemment dirigés contre l’actuel homme fort du Congo-Brazzaville, auteur d’un cruel coup d’état qui dura près de cinq mois, charriant un torrent de cadavres. Sa notion de « septentrion » (Nord du Congo), extrait d’un verset biblique, à laquelle il relia la source de tous les maux qui minent le Congo fit très mal aux ressortissants de cette partie de la République. Mais qui pourrait, avec les données actuelles de la décadence au Congo, récuser les observations du professeur Makouta-Mboukou sur la manière dont un clan gère le pétrole congolais au point de verser un torrent de sang dans le seul but de s’accaparer exclusivement cette richesse ?

Babu Zalé

Il reste que l’ouvrage le plus virulent, dirigé contre la tyrannie au Congo, ne visera pas Sassou, un nordiste, mais Lissouba, un sudiste. Il s’agit du « Congo de Lissouba (1996) » que l’auteur signera sous le nom générique de Babou Zalé. A l’image du réalisateur anglais Hitchcock qui faisait des apparitions dans ses propres films (en guise de signature iconographique) le professeur Makouta-Mboukou, rompu aux techniques de la narration, de la narratologie, ainsi que de l’intertextualité, parlera de lui-même dans Le Congo de Lissouba dans un bref paragraphe où son « autre-lui-même » est décrit dans un entretien à huis clos avec un certain Sassou-Guesso. C’était au moment le plus fort de la crise entre l’UPADS et l’alliance FDU-PCT.

Le savant et le politique

Il a été reproché, à tort ou à raison, d’avoir soutenu aveuglement Bernard Kolélas du MCDDI et son » développement intégral de l’homme ». Dans l’histoire des alliances entre «  L’Elysée et La Sorbonne » on a vu nombre d’intellectuels (Sartre, Bourdieu) s’engager et prendre cause sur le terrain du politique avec les passions que ce terrain suppose, quittant celui du savant avec le recul épistémologique que ce domaine impose. Le professeur Jean-Pierre Makouta-Mboukou a fait du « Victor Hugo », il a fait aussi du « Jean-Paul Sartre » et du « Pierre Bourdieu ». En face de lui, le professeur Théophile Obenga est en train de mélanger également le savant et le politique sans que cela ne heurte les âmes sensibles.

Pédale douce

A la mort de sa femme, Jean-Pierre Makouta-Mboukou mit la pédale douce. C’est, dit-on, à cette condition que son « gibier politique » ( Sassou), lui donna feu vert pour accompagner, au Congo, la dépouille de son épouse morte en France. Makouta-Mboukou, devenu veuf, Sassou savoura la joie et le plaisir de ne plus subir les attaques en règle de sa bête noire, « l’Exilé de la forêt vierge  » (du titre d’un de ses romans).

Vive le poète

Jean-Pierre Makouta-Mboukou laisse une œuvre méconnue, victime d’un black-out auquel contribuèrent les marxistes congolais.
Il est temps qu’on mette à la disposition du public congolais cette partie de son patrimoine culturel. Certes, certains Congolais préfèrent les idées quand d’autres adorent le pétrole. C’est un choix. Nous autres, qui avons soif de connaissances, voulons que soit levé le tabou de l’inscription de l’oeuvre de Makouta-Mboukou au programme scolaire au Congo-Brazzaville.

Au moment où se tient le sommet de la francophonie à Kinshasa (12 octobre 2012) un vibrant hommage doit être rendu à cet illustre linguiste et grammairien qui a beaucoup étudié le comportement de la langue française en Afrique Noire.

Le poète est mort, vive le poète  !

Toutes nos condoléances à la famille du disparu, particulièrement à sa fille Elisabeth qui apporta, en son temps, une contribution au groupe ICES - www.editions-ices.com

Corbeil Essonne 11 octobre 2012

DECES DU Pr MAKOUTA-MBOUKOU
PROGRAMME DES OBSEQUES

1) - Levée du corps : Vendredi 12/10/2012 à 8h00 au lieu de 9h30 à la Morgue de l’Hôpital Henri DUBOS de Pontoise.

10h00 : Culte au 19, rue Cortambert - Paris 16ème, (Métro Pompe ou Muette)

2) – La veillée aura lieu le samedi 13/10/2012 au 19, rue Cortambert, 75016 Paris (16è) – Métro Pompe ou Muette, de 20h00 à 7h00.

3) - Départ du corps à Brazzaville le lundi 15 octobre 2012.

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