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Le youlisme et la question de développement national dans les sociétés africaines

L’Afrique va fêter ses cinquante ans d’indépendance ? 1960 – 2010, en un demi siècle d’existence de la République du Congo Brazzaville, l’Abbé Fulbert Youlou semble être le seul président de cette République, qui a beaucoup écrit et dont les oeuvres sont encore d’actualité. "Où en sommes-nous ? Pour une Afrique nouvelle" est le premier ouvrage de l’Abbé Fulbert Youlou, publié en 1952 aux éditions Imprimerie nouvelle d’AEF et préfacé par son supérieur hiérarchique de l’époque Monseigneur Paul Biechy.

Grand observateur de l’évolution de la société congolaise, le Père Abbé Fulbert Youlou, compte à son actif presque sept ouvrages qui sont tous d’une exceptionelle richesse intellectuelle, spirituelle, sociale et politique.

L’art noir ou les croyances en Afrique centrale (Brazzaville 1953) ; Le matsouanisme (Brazzaville 1955) ; Diagnostic et remèdes. Vers une formule efficace pour construire l’Afrique nouvelle (Brazzaville, édition de l’auteur 1956) ; J’accuse la Chine (Edition Table Ronde 1966) ; Comment sauver l’Afrique ? (imprimerie Paton, Troyers 1968) ; Un grand coeur : Son Excellence Monseigneur Paul Biéchy, 3ème vicaire apostolique de Brazzaville (inédit), sont autant d’ouvrages écrits par l’Abbé Fulbert Youlou et dans lesquels l’homme d’église s’interroge constamment sur le devenir du continent africain et plus spécifiquement sur celui du Congo-Brazzaville.

C’est dire que avant son entrée dans l’arêne politique de façon spectaculaire en 1956, l’Abbé Fulbert est, à travers sa réflexion et ses écrits au coeur d’une véritable analyse sur ce qu’il convient d’apporter comme réponses aux problèmes qui se posent à l’Afrique coloniale.

Il y a lieu de rappeler que le contexte politique de cette Afrique coloniale des années 60 est absolument délicat puisqu’à la sortie de la seconde guerre mondiale de 1945, le problème va clairement se poser concernant son émancipation ou son autonomie voire son indépendance. Ce contexte est d’autant plus crucial que cette même Afrique est par ailleurs gagnée par les courants de pensée des pays dits socialistes qui, contrairement aux pays colonisateurs amplifient à l’échelle planétaire la cause de l’émancipation des peuples colonisés.

Dans ce contexte fort difficile du continent africain, l’Abbé Fulbert Youlou est parmi les rares fils du continent qui se mettent véritablement à réfléchir pour pouvoir mieux répondre aux rendez-vous de l’Histoire africaine par le choix d’une doctrine ou d’une politique qui permettrait une émancipation du peuple africain de façon réaliste et souveraine. Pour cela, il incarne une doctrine ou une philosophie polico-sociale qu’il entend voir appliquer dans son pays, le Congo-Brazzaville et que l’on pourrait dénommer à juste titre le Youlisme.

Peut-on dire ou affirmer que la pensée politique et sociale de l’Abbé Fulbert Youlou est une doctrine ?
Alors qu’est ce que le Youlisme ? Qu’est ce qui le caractérise ?

Les, écrits, le discours politique de l’Abbé Fulbert YOULOU ainsi que sa manière d’être dans l’exercice du pouvoir tendent effectivement en une édification d’une vision politique qui se rapprocherait au final vers une doctrine que l’on dénommerait le Youlisme.

Le Youlisme peut être défini comme une négation de toutes idéologies ou courants de pensée qu’il estime, avec raison, être en totale contradiction avec ce qui constitue l’âme de l’identité africaine au travers de ses coutumes, traditions et croyances. Ces idéologies sont très éloignées d’une vraie traduction attenante aux besoins ou attentes des populations africaines.

A titre d’exemple, l’Abbé Fulbert Youlou est viscéralement un homme de convictions et celles-ci l’amènent à penser par exemple que "Pour son bonheur, l’Afrique essentiellement terrienne ne connaissait pas cette lèpre sociale qu’est le prolétariat et pourtant des imposteurs sont venus jusque dans nos villages prêcher la lutte des classes, le partage des terres, alors que chaque Africain est attaché à sa terre, à sa petite proprieté, à sa case par les racines de tous ses ancêtres."

A cela il ajoute avec gravité que :
"L’Afrique est une communauté organisée qui a ses traditions, ses coutumes, ses spiritualités et toutes les expériences révolutionnaires qui lui ont été imposées de l’étranger échoueront dans l’anarchie des dictatures sanglantes."

Dans le même ordre d’idées, il considère avec force que :
"Le continent noir est profondément spiritualiste, traditionaliste, attaché à ses coutumes, à sa terre, à ses chefs traditionnels. Il est démocrate et communautaire et il n’a pas attendu Marx pour mettre en commun ses ressources, mais il sait que rien de grand n’a été réalisé dans le monde en dehors de l’instinct naturel qu’ont les hommes de posséder, d’améliorer leur sort et de s’enrichir."

Son rejet pour les idéologies politiques importées de l’étranger est telle qu’il situe tous les malheurs de l’Afrique dans la funeste influence qu’exercent, sur certains de ses dirigeants, les sirènes du socialisme.

Ceci dit, la seule doctrine à laquelle il croit pleinement et qui peut être salutaire pour la cause africaine est le libéralisme en y associant la promotion des particularismes africains.

En somme, le socialisme ou le marxisme ne peut vraiment apporter des solutions au développement de l’Afrique.

Bien au contrairement le développement de l’Afrique n’est possible selon l’entendement de l’Abbé Fulbert Youlou que si l’on tient compte de ce qui caractérise son environnement ambiant, c’est-à-dire, ses traditions, ses coutumes, ses chefs traditionnels, ses spiritualités.

Du fait de ses particularismes africains auxquels, il convient d’ajouter la loi de l’effort, on peut effectivement promouvoir le développement de l’Afrique selon la pensée de l’Abbé Fulbert Youlou qui déclare :
"Cette structure à laquelle l’Africain est attaché constitue pour l’avenir de progrès et de développement qui s’ouvre à lui, le cadre social qui lui permettra de connaître l’effort et le travail la seule joie terrestre qui rend l’existence douce, celle de posséder."

Ainsi, le Youlisme se rapprocherait de la démocratie chrétienne. C’est dans cette optique qu’il apparaît comme une doctrine qui entend promouvoir le développemnt du continent africain par une dynamisation à l’échelle nationale de toutes les valeurs qui constituent l’âme de l’identité africaine. Il se caractérise, entre autres sur le plan de la gouvernance par un souci permanent du maintien d’une cohésion sociale. Cela est d’autant plus réel que l’homme politque Abbé Fulbert Youlou a, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions républicaines, voulu toujours préserver ou faire prévaloir le principe de l’unité entre les différentes composantes politiques, peu importe le fait qu’elles soient ethniques ou individuelles.

En d’autres termes, l’on serait tenté de dire que le Youlisme est l’aspiration profonde à une vie d’ordre de développement économique, social et politique tenant compte des particularismes africains et dont la constance est la préservation en toutes circonstances du principe de l’unité, en l’occurrence de l’unité nationale que l’Abbé Fulbert Youlou qualifie lui-même de "règle d’or".

En l’absence de toute initiative d’entreprendre et de toute promotion des valeurs qui caractérisent le continent africain sur le plan socio-politique et spirituel, le Youlisme n’a pas sa raison d’être. Le développement de l’Afrique ne peut se réaliser que par une parfaite conjugaison des valeurs africaines transformables et des principes de la modernité, pour ne pas dire des prinipes occidentaux adaptables sur ce continent (une intégration des particularismes africains, ou valeurs afriaines vues à travers les lunettes d’une modernité humanisante).

Trente huit ans après sa mort, la pensée politique de l’Abbé Fulbert Youlou reste toujours d’actualité.

Pour l’Abbé Fulbert Youlou, la cohésion sociale passe inexorablement par l’union raisonnable et non l’uniformité de toutes les composantes ethniques de la Nation vecteur du progrès et du développement social.

Le Youlisme est, par essence, dans l’absolu, une cause noble ou simplement la voie du respect des êtres, de la justice, de la paix, de l’unité, en somme d’une haute idée de la Nation.

N’DWENGA Emmanuel & NDONA Elena

Toulouse, Juillet, 2010.

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