email

Les Zones Economiques Spéciales « ya nzala ».

« Il faut creuser les puits d’aujourd’hui pour étancher les soifs de demain  »
Proverbe Peul.

Qu’un manque de cohérence conduise à une multitude de problèmes n’est guère surprenant. Mais pourquoi ce manque de cohérence ? Là est la question. De fait, loin de moi l’idée de jouer les Cassandre, les Zones Economiques Spéciales(ZES) du Congo-Brazzaville ; le nouveau fil d’Ariane du gouvernement, ont toutes les chances de se transformer en éléphants blancs, aggravant au passage l’apoplexie de toute l’économie congolaise.

En absurdie, c’est le contraire qui nous aurait surpris. De fait, le Congo est le pays où l’on construit des barrages hydroélectriques qui ne produisent aucun kilowattheure, des CHU sans ascenseur, des routes accidentogènes truffées de malfaçons ; mais surtout, le pays de «  la municipalisation accélérée  » qui n’accélère que le volume des comptes en banque des opérateurs économiques véreux, proches du pouvoir. En somme, l’insigne impéritie a atteint le paroxysme dans notre pays. Car chez l’homme politique congolais, il y a du Crésus et de l’Harpagon en une seule personne ;

Une fois de plus, notre pays n’a pas dérogé à la règle de …médiocrité « ébonga ébonga té, toujours meilleur » En clair : (Je fais ce que je veux : allez vous faire voir ailleurs).

Un modèle chinois

Depuis la Chine populaire où elles ont été expérimentées au début des années 1980 sous le gouvernement de Den Xiaoping, jusqu’à Dubaï en passant par l’Ile Maurice, les zones économiques spéciales (ZES) sont des zones qui ont pour vocation d’attirer les entreprises et les investisseurs étrangers par une réglementation économique spécifique, différente du reste du pays.

En économie, comme dans d’autres domaines d’ailleurs, mettre la charrue avant les bœufs, constitue une véritable erreur stratégique. Par conséquent, il incombe au préalable à l’Etat, de mettre en place les instruments d’une gestion économique efficace et de créer un environnement organisationnel et institutionnel propice aux affaires. Il doit également encadrer le marché qui ne peut aucunement fonctionner sans garde-fous ni organisation.

La relance du secteur privé dans un cadre nouveau de partenariat avec le secteur public doit passer par la promotion d’une culture entrepreneuriale se substituant à la culture prédatrice et prévaricatrice longtemps véhiculée par « le chemin d’avenir ».

Dernier de la classe

Or, rappelons-le, s’il en est encore besoin : depuis 2003, le Congo est classé 185e sur 189 pays dans le classement Doing Business de la Banque mondiale sur l’environnement de l’investissement par pays. En 2014 encore selon le même organisme, le nombre de jours pour démarrer une activité économique est de 160 contre 37 pour l’Afrique subsaharienne !( Plus de 5 mois pour démarrer une activité, alors qu’un mois et une semaine suffisent en Centrafrique-Pays en guerre).

Ce classement est révélateur de sérieuses déficiences concernant en particulier la création d’entreprise, la formation de la main d’œuvre, la justice et l’accès au financement.

Tout pour le Nord, rien que pour le Nord

Ce climat exécrable pour les affaires vient se greffer sur le poids des choix hasardeux de Sassou dans l’implantation de ces ZES. Sa volonté de vouloir à tout prix, équilibrer le Nord et le Sud frise le ridicule. Son régionalisme atavique étant antinomique à l’efficience économique, la surliquidité du Congo n’est pas mise au service de la réduction de la pauvreté, mais pour assouvir son obsession pour les armes.

D’après le rapport d’étape du FMI, deux des quatre ZES, notamment celle d’Oyo-Ollombo et celle de Ouesso ne seraient pas viables (1). En plus les contraintes qui ont entravé l’économie congolaise depuis des décennies ; sont toujours d’actualité dans ces régions. Ces deux ZES seraient très éloignées des grandes villes Brazzaville et Pointe-Noire selon le FMI.
Partout où elles ont eu un franc succès, les ZES ont accueilli les entreprises spécialisées dans l’exportation des produits manufacturés, notamment en transformant sur place les produits de base qui auraient au passage acquis une réelle valeur ajoutée.

Contre toute attente, la principale ZES, celle de Brazzaville, sera plus une source de perte de revenu par l’accès des entreprises qui y seront installées à des généreuses exonérations fiscales alors qu’aucune compétitivité n’y est attendue de leur part. D’ailleurs, cette ZES ne générera aucune entrée en devises puisqu’elle impliquera exclusivement les entreprises produisant pour le marché intérieur plutôt que pour le marché de l’exportation.

Bolloré versus Ebina

Il n’est pas vain de rappeler que le développement du secteur privé ne devrait pas se résumer seulement à la cession de toutes les entreprises du secteur public à la multinationale Bolloré. Il faut aussi susciter des repreneurs locaux en promouvant l’actionnariat populaire afin de contribuer à l’émergence d’un capital privé national. La confiance, élément essentiel dans le monde des affaires est inexistante. Ces autorités pensent à tort que les problèmes congolais seront exclusivement résolus par des investisseurs étrangers en excluant les nationaux.

La pauvreté en s’enrichissant

Il est opportun de toujours mettre en avant quelques composants du contrat social qui font avancer une société : les pauvres doivent participer aux gains quand la société prospère, les riches aux souffrances quand elle est en crise. Le Congo actuel ressemble à l’Angleterre du XIXe siècle où la paupérisation augmentait alors que globalement, le pays s’enrichissait.

Les taux de croissance record que connaît notre pays, exclusivement engendrés par la valorisation de cette rente, n’auront aucun effet positif dans l’amélioration des conditions de vie de la population, sans politique volontariste du gouvernement en matière de justice sociale. Mais c’est demander l’impossible au pouvoir du Général Dénis Sassou Nguesso.

D’aucuns diront : encore des théories rébarbatives sans lendemain, l’avenir du Congo serait ailleurs. Pour avancer, il faut bien entendu mettre l’accent sur les investissements hors pétrole. Une évidence. Toutefois, au bout du compte, il convient de distinguer les solutions des expédients, les bouées des boulets. N’arrêtons pas de réfléchir. « L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit  ». Aristote

Djess Dia Moungouansi « La plume du Congo libre »

(1) International Monetary Found – IMF Reporty country N°14/272 -
Republic of Congo – September 2014

http://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2014/cr14272.pdf

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.