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Les enjeux de la rencontre François Hollande - Denis Sassou Nguesso

Va-t-il le voir ? On va voir qu’il va le voir. Non ! Vous verrez qu’il ne le verra pas. Etc.

La question capitale qui semble diviser le monde congolais porte sur une devinette : Sassou sera-t-il reçu par François Hollande au Sommet de la Francophonie à Kinshasa ou non ? On dirait même que c’est la question du siècle. Pour les anti-Sassou, évidemment, il ne serait pas bon que le monarque congolais soit reçu par le Président Français. Pour les pro-Sassou, être reçu par le, fraîchement élu, Président de l’Hexagone redorerait le blason leur poulain terni par l’affaire des « biens mal acquis », les« rafles du Beach » et autres pécadilles de dictateurs bananiers . Donc si Hollande croise Sassou, « c’est tout bon », « c’est tout bénéf ».

Il reste que le courant « anti-rencontre » semble dominer. Dans un papier de Bedel Baouna paru sur notre site, l’auteur souhaitait de tout cœur que François Hollande ne fasse pas le déplacement de Kinshasa en octobre 2012 pour assister au grand rassemblement des pays qui parlent la langue française. Au départ Hollande bouda le Sommet. A l’arrivée, il changea d’avis. Dans sa revue de presse du samedi dernier notre confrère Mwinda a déploré que Sassou ait finalement gain de cause à Kinshasa, à cause de la realpolitik. Du côté de Mpila, tous les espoirs sont, alors, permis.

Corruption

On sait de longue date que Sassou n’a cessé de faire du lobbying depuis l’élection de François Hollande en mai 2012 pour être invité à L’Elysée. Sans succès. Il serait prêt à pactiser avec le diable pour y arriver. Le marxiste Sassou est allé jusqu’à corrompre des membres de l’Internationale Socialiste (Alpha Condé notamment) afin de plaider sa cause auprès du vainqueur de Sarkozy (Mwinda.org 15 sept 2012) . En vain.

D’ailleurs les multiples échecs de L’Homme des Masses dans sa tentative de voir F. Hollande ont donné des idées à ses proches. On a appris que Jean-Jacques Bouya, surnommé Pépé Kallé/Michelin, a joué de tout son poids pour doubler son frère Sassou car, lui aussi, nourrissant désormais des ambitions présidentialistes, s’est mis en tête d’être reçu par François Hollande en utilisant les services d’une Mata Hari congolaise répondant au nom d’Aurèlie Nganga, journaliste de son métier (blog d’Eric Mampouya).
« Si Sassou ne peut pas être vu, c’est qu’il est mal vu en tant qu’éternel Président. La sucession est ouverte » a dû raisonner Pépé Kallé, fort de ses milliards détournés à la tête des Grands Travaux.

On vient de lire sous la plume de Bienvenu Mabilémono (S.G. du Mouvement pour l’Unité et le Développement du Congo - M.U.D.C) que Sassou serait en train de corrompre directement Joseph Kabila, Président de la RDC, pays où se tiendra le fameux Sommet sur la Francophonie. Deux bœufs et un cheval élevés dans son ranch d’Oyo et une colossale somme d’argent auraient été mis sur la balance par le dictateur de Brazzaville afin de persuader son jeune homologue kinois de l’associer à l’organisation dudit Sommet. Le but de la manœuvre ? Etre reçu par François Hollande. Décidément il y tient mordicus.

Sassou et Kabila à Oyo le 12 sept 2012

Pire qu’une femme

C’est, en effet, une idée-fixe chez Sassou d’être reçu par le Chef de l’Etat Français. Bienvenu Mabilémono dans un article, un tantinet misogyne, reprit par Mediapart (15 septembre 2012) a comparé cette obsession à un caprice digne d’une nana : «  Tous ceux qui connaissent bien l’homme Sassou vous le diront, il est pire qu’une femme lorsqu’il veut obtenir quelque chose, et une fois qu’il a obtenu ce qu’il veut, son cœur de serpent reprend le dessus. »

Un enfant

Plutôt qu’une stratégie féminine, on dirait plutôt fantaisie de gamin voulant le même jouet que ses camarades, voire le plus beau jouet que ses amis. Car comme tout enfant qui pleure pour obtenir un jouet, une fois le jouet obtenu, généralement il s’en désintéresse, parfois il le casse. Jusqu’au prochain caprice.

Les enjeux d’une réception

Car à bien réfléchir, que gagne Sassou d’avoir un tête à tête avec François Hollande si cela ne l’empêche pas de modifier sa Constitution afin d’être Président à vie (ou à mort, c’est selon) dans son pays ? Il a bien truqué les dernières législatives sans que le ciel ne lui tombe sur la tête. A-t-il eu besoin d’emprunter le tapis rouge qui mène à L’Elysée pour que l’Affaire des Biens mal acquis fasse probablement l’objet d’un non-lieu un de ces quatre ?

A y bien réfléchir encore, quel intérêt aurait François Hollande de ne pas recevoir le tyran Congolais ? Au contraire le gain de recevoir le dictateur congolais est supérieur au gain de ne pas le recevoir. Ce serait une occasion de dire à Sassou, en le regardant dans le blanc des yeux, que lui, devenu Président, ne deviendra pas l’ami des maillons forts de la françafrique. Or depuis la disparition de Bongo/père, Sassou a pris la place du plus vieux intérimaire du réseau fondé par Foccart. Ce serait pour l’actuel homme fort Français l’occasion idéale de lui répéter à huis-clos ses propos de campagne tenus au Bourget. Hollande saisira cette opportunité pour dire à cet homme, au pouvoir depuis quarante ans, de passer le témoin. Les Congolais aimeraient savourer aussi le slogan « Le changement c’est maintenant ». A titre d’exemple contre-productif du boycott d’un tyran, on a vu que le refus de Barak Obama de recevoir Sassou n’a pas empêché ce dernier d’asphyxier plus que de coutume ses compatriotes.

En définitive Sassou a tort de vouloir à tout prix rencontrer Hollande car ça risque de se retourner contre lui. Hollande n’a pas raison de fermer la porte au nez du potentat congolais. Il rate une occasion de lui cracher ses quatre vérités. Et pour nous autres victimes, c’est une occasion d’être délivrées des griffes du monstre d’Edou.

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