CANNIBALISME ECONOMIQUE. Les pays d’Afrique ne manquent pas une occasion pour se faire railler. Pour de bonnes raisons d’ailleurs. Si le cinquantenaire des indépendances devrait être le moment de réflexion sur le bilan, il constitue, hélas, pour les gouvernements africains une occasion en or pour l’enrichissement personnel. Dans Talleyrand, comme dans le cochon, tout est bon, y compris la corruption de haut vol… On les connaissait flambeurs, arrogants, loosers et voraces. On découvre Sassou Nguesso, Isidore Mvouba et les agents du Chemin d’avenir lancés comme un bolide à l’assaut d’un événement historique avec une gourmandise rare. Au Congo-Brazzaville, une commission logistique du cinquantenaire, dotée de 27 milliards de F CFA (41 millions d’euros) est chargée, entre autres, de l’achat de voitures. Une sorte de « prime pour la casse » pour les agents du Chemin d’avenir.
Goût immodéré des caisses de luxe
Tous les moyens sont bons pour assurer le renouvellement de leur parc, déjà bien chargé et indexé dans la plainte des biens mal acquis(BMA), de véhicules haut de gamme, y compris à l’occasion de la célébration des indépendances. L’occasion fait le larron ! Selon James Foley, responsable des ventes Afrique du groupe Daimler, 132 Mercedes haut de gamme ont été vendues à différents gouvernements ; et 110 autres seraient sur le point de l’être. Ces belles et chères carrosseries (56 000 euros en moyenne) brilleront de mille feux, le jour des défilés, entre le 16 mai (au Cameroun) et le 17 août (au Gabon). La bamboula du Congo-Brazzaville, estampillé Pays pauvre très endetté (PPTE), est prévue le 15 Août 2010. Le seul gouvernement du Congo-Brazzaville a déjà acheté 67 Mercedes (Classe E et Classe S), pour un montant total de 3,8 millions d’euros, le Gabon 50 Classe E et le Cameroun 15. « Lors de ces célébrations, les ministres et leurs invités seront d’excellents vecteurs de promotion de la marque Mercedes, se félicite James Foley. Ils donneront envie à d’autres d’acquérir nos véhicules et, par la suite, solliciteront nos représentants en Afrique pour l’entretien de leurs berlines » (Jeune Afrique, 30 Mai 2010). Ainsi, les hommes politiques africains se prennent d’aise dans le rôle de VRP des constructeurs automobiles mondiaux dont les ventes sont confrontées à un fléchissement. Selon le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), les ventes de voitures neuves en France ont reculé de 11,5 % en mai par rapport au même mois de 2009. Et si l’on prend en compte la différence de nombre de jours ouvrables, le recul en mai dernier atteint même 16,1 %, avec 186 337 véhicules neufs immatriculés (Le Parisien, 02 Juin 2010). Cette posture n’est guère étonnante de la part des rois nègres (Cf Ferdinand OYONO, Le vieux nègre et la médaille, Paris, Union Générale des Editions, 10/18, 1972).
Les routes et l’école : un luxe
Au Congo-Brazzaville, ces grosses Berlines débouleront le 15 Août 2010 sur des routes poussiéreuses, boueuses et truffées de nids de poule, comme le montre si magistralement le reportage diffusé sur la chaîne Voyages (Cf Congopage.com, 14 Juin 2010). Dans un pays dépourvu d’électricité, d’eau, d’hôpitaux, d’écoles… Un pays qui produit plus de 300 000 barils par jour mais dont les dirigeants ont un faible pour la Berline. Dans ce pays riche qu’est le Congo-Brazzaville qui compte au nombre des pays les plus corrompus du globe, peuplé d’à peine quatre millions d’habitants près de 6 000 enseignants manquent cette année dans l’enseignement primaire et secondaire, a indiqué récemment la ministre congolaise de l’Enseignement primaire et secondaire, Rosalie Kama Niamayoua. Le goût exagéré des agents du chemin d’avenir pour la « tôle » les fait entrevoir le chemin de la taule, dans un tollé général.
Benjamin BILOMBOT BITADYS
